Implication présumée de membres de l’ex-Séléka dans la mise en place d’un réseau régional de groupes armés ciblant les intérêts occidentaux, israéliens et saoudiens en République centrafricaine et au-delà

Publié le 16 janvier 2020 , 9:51
Mis à jour le: 16 janvier 2020 9:51 am

 

 

Bangui (République centrafricaine) – Le 19 avril, une chaîne dinformation internationale a diffusé un reportage contenant des extraits de lenregistrement vidéo de linterrogatoire dIsmaël Djida, membre de lex-Séléka, qui aurait eu lieu après son arrestation au Tchad et au cours duquel il avouait avoir créé avec lancien Président de la République centrafricaine, Michel Djotodia, un groupe armé chargé de sen prendre violemment aux intérêts occidentaux, saoudiens et israéliens dans plusieurs pays africains, dont la République centrafricaine, avec le soutien de la Force Al-Qods du Corps iranien des gardiens de la révolution islamique.

 

  1. Ismaël Djida et Michel Djotodia : des liens étroits et anciens

 

La première rencontre de Michel Djotodia et d’Ismaël Djida remonte à l’époque où Djotodia était Consul de la République centrafricaine à Nyala (État du Darfour méridional, Soudan), fonction qu’il a occupée de 2005 à 2006. D’après plusieurs sources, dont des chefs de l’ex-Séléka, Djida aurait facilité l’établissement de contacts entre Michel Djotodia et des groupes rebelles tchadiens et soudanais actifs au Soudan, notamment le Mouvement pour la justice et l’égalité de Khalil Ibrahim.

Après être entré en rébellion ouverte contre le régime de François Bozizé, Michel Djotodia a été expulsé du Soudan et s’est rendu au Bénin, où il a été arrêté en 2006. Djida lui aurait apporté un soutien financier régulier pendant toute la durée de sa détention, de novembre 2006 à juin 2008. Après sa libération, tous deux sont restés proches jusqu’à ce que Djotodia retourne en République centrafricaine pour y créer la coalition Séléka, en 2012.

Quand Michel Djotodia est devenu Président de transition de la République centrafricaine en mars 2013, il a demandé à Ismaël Djida de le rejoindre à Bangui et il l’a nommé au poste de conseiller présidentiel, fonction dont il était fait mention sur le passeport diplomatique de Djida délivré en juin 2013. Le Groupe d’experts a recueilli une douzaine de témoignages d’anciens titulaires de postes de haut niveau pendant la présidence de Djotodia, qui ont décrit Ismaël Djida comme « l’homme de Djotodia », lequel ne rendait compte qu’au Président et effectuait des déplacements en son nom.

Lorsque Djotodia a été contraint de démissionner en janvier 2014 et qu’il est retourné au Bénin, Ismaël Djida l’a suivi et a continué de travailler pour lui à Cotonou (Bénin) avant d’être arrêté au début de 2019.

 

le de Michel Djotodia

 

Dans son témoignage, Ismaël Djida a affirmé avoir collaboré avec la Force Al-Qods sur les ordres de Michel Djotodia. Selon ses dires et certaines sources diplomatiques, Michel Djotodia a rencontré des responsables de cette force spéciale sur l’île de Kish, en République islamique d’Iran, en avril 2016. Ils seraient parvenus à un accord, selon lequel Michel Djotodia devait : a) bénéficier de l’appui de la Force Al-Qods pour reprendre le pouvoir en République centrafricaine ; et b) constituer une unité spéciale chargée de perpétrer des actes de violence dans plusieurs pays africains, y compris en République centrafricaine. Michel Djotodia aurait également reçu à cette occasion une somme de 150 000 dollars et aurait chargé Ismaël Djida de mettre à exécution le plan convenu.

Plusieurs chefs de l’ex-Séléka ont également indiqué au Groupe d’experts que des ressortissants iraniens avaient remis à Michel Djotodia entre 100 000 et 200 000 dollars, tout en précisant qu’ils n’en savaient pas plus sur l’objectif de ce soutien financier.

Le Groupe d’experts a obtenu copie de deux lettres manuscrites (l’une datée de décembre 2018 et l’autre à la date illisible), qui mentionnent Ismaël Djida et dans lesquelles l’expéditeur sollicite l’appui d’« amis » pour lutter contre « l’idéologie israélienne et wahhabite ». Ces lettres auraient été envoyées par Michel Djotodia à des représentants de la Force Al-Qods. Le Groupe d’experts n’est pas en mesure de confirmer leur authenticité.

Le 24 octobre 2019, les Émirats arabes unis ont informé le Groupe d’experts que Michel Djotodia avait fait le 27 avril 2016 le trajet de Doubaï à l’île de Kish (République islamique d’Iran), et était retourné à Doubaï le 30 mai. Si le Groupe d’experts a la preuve de liens étroits entre Michel Djotodia et Ismaël Djida (voir par. 124-127), il n’est pas à même de confirmer à ce stade l’implication du premier dans le plan décrit par Djida.

Michel Djotodia a nié être l’auteur de ces lettres, affirmant qu’il n’avait pas rencontré des représentants de la Force Al-Qods, ni participé au plan susmentionné, dont il a dit n’avoir pas eu connaissance. Il a déclaré au Groupe d’experts qu’il n’avait passé que deux jours sur l’île de Kish, en Iran, voyage qui avait été organisé par des partenaires commerciaux iraniens rencontrés à Doubaï pour le compte d’une société établie à Cotonou.

Michel Djotodia a nié avoir eu connaissance de toutes activités menées par Ismaël Djida qui, selon lui, avait prétendu à tort avoir agi en son nom. Il s’est également défendu d’avoir fait de Djida son conseiller présidentiel pendant qu’il était en fonction et a soutenu que Djida avait été en contact avec des Iraniens pour leur soutirer de l’argent et obtenir ainsi leur appui financier aux fins d’activités de réconciliation qu’il prétendait mettre en œuvre en République centrafricaine.

 

 

CNC

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