Cher Frère Désiré,
Aucun mot ne peut décrire à quel point ta brusque disparition nous accable. On te savait malade, mais jamais, on imaginait que tu allais partir aussi rapidement.
Mon frère, nous n’avions pas souvent eu l’occasion d’échanger ensemble à cause de notre éloignement l’un de l’autre.
Cependant, les rares fois que nous nous sommes retrouvés furent de moments de grandes extases, tant l’envie d’échanger sur nos projets, nos familles et surtout sur notre pays nous comblait de plaisir,
A l’exemple de ton défunt père le Président André KOLINGBA avant toi, vous marquerez à jamais l’histoire de notre pays. La modestie, la tolérance, le respect d’autrui vous ont toujours guidés dans votre vie politique. Une qualité rare de nos jours.
Je me souviendrais toujours de tes encouragements qui m’ont conduit à la création du parti ARECA (Alliance pour la Renaissance et l’Emergence de la Centrafrique).
Il fut un moment où nous menions des échanges entre certains compatriotes de la diaspora et ceux au pays sur l’organisation des régions à travers le projet de loi sur la décentralisation. Les débats étaient âpres tant on était divisé sur le sujet en ce qui concernait l’organisation de la région 6 prise pour exemple. Il nous arrivait de prendre tes conseils et avis de par ta sagesse et ta vision en tant qu’homme politique sur le sujet.
Quand bien même la plupart de mes contradicteurs étaient du RDC c’est-à-dire de ton parti, tu n’as pas hésité un seul instant à me donner raison sur la logique et la cohérence de ma démarche sur le thème objet de nos échanges.
Etant donné qu’on n’arrivait pas à s’accorder, tu m’as dit ceci « Bertrand tu as beaucoup d’idées et de projets, je te conseille de les mettre au profit du pays soit en te rapprochant du Gouvernement pour leurs éventuelles mises en œuvre, soit en créant ton propre parti pour les présenter.
A aucun moment tu ne m’as conseillé d’adhérer à ton propre parti qui est dans l’opposition et n’aura pas les moyens de soutenir les projets sujets de nos débats.
Dans notre classe politique où les gens ne voient que les propres intérêts, rares sont ceux qui peuvent tenir de tels raisonnements. Quand il a fallu se présenter aux élections présidentielles, tu as encore montré ton talent de grand homme politique.
Ayant pratiquement les mêmes bases électorales, tu m’as encore surpris en encourageant ma candidature à l’élection présidentielle quand elle était encore en balbutiement. Lors des inscriptions sur les listes électorales, vu les difficultés des vols à l’époque vers l’Afrique au départ de Paris, tu m’as conseillé en cas de clôture des listes électorales à Bangui d’aller m’inscrire dans les villes proches comme Mbaïki, Damara ou Boali car pour les Présidentielles, on peut s’inscrire partout sur le territoire national et non forcement dans la capitale.
Je tenais à faire ce témoignage pour montrer quel genre de personne était Désiré. Il pouvait penser qu’il avait beaucoup à perdre par ma candidature alors qu’il se présentait lui-même aux élections. Mais contrairement à d’autres, c’est l’intérêt du pays qui comptait pour lui. Il ne m’a jamais pris comme un adversaire qu’il fallait bloquer. Cela n’est sans rappeler les rivalités des acteurs politiques de surcroit des mêmes régions qui plongent notre pays dans l’abime depuis des décennies. Si cet exemple peut servir de méditation, ça sera à l’honneur de notre classe politique toute entière.
Désiré mon frère, tu ne peux savoir combien je te pleure. Tu aurais certainement guidé mes premiers pas dans la vie politique. Notre pays qui balbutie dans la recherche de la voie de la démocratie a besoin des personnes comme toi. Le destin en a décidé autrement.
Je me rappellerais toujours du vol qui nous a conduit de Bangui à Bangassou avant de continuer par la route à Bema pour aller porter ton père spirituel le patriarche Alphonse KEMBA en sa dernière demeure quand il était décédé en mai 2017.
Les liens qui unissent nos deux familles t’avaient amené à honorer personnellement de ta présence aux différentes cérémonies commencées à Bangui pour se terminer à Béma avec des ferveurs populaires tant à la préfecture à Bangassou que tout le long du voyage par la route jusqu’à notre destination finale. Cela t’avait beaucoup marqué.
Mon frère, quel destin cruel nous t’a arraché à un moment où on ne s’y attendait. Le pays te pleure, tout le monde te pleure.
Pour ce que tout que tu as été pour nous et fait pour nous ; le parti ARECA ainsi que la famille KEMBA te devrons notre amour éternel et la promesse que nous ne t’oublierons jamais.
Sincères condoléances.
Ton frère Bertrand KEMBA