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Faustin-Archange Touadéra et Danielle Darlan : coulisses d’un bras de fer à Bangui

Un courrier, daté du 14 octobre, a mis le feu aux poudres. Dans ce document, le ministre chargé de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l’Innovation technologique, Jean-Laurent Syssa-Magale, indique à la présidente de la Cour constitutionnelle, Danielle Darlan, que celle-ci est admise à faire valoir ses droits à la retraite et n’exercera plus, à compter du 31 décembre 2022, ses activités de professeure de droit à l’université de Bangui.

Danièle Darlan et Faustin Archange Touadera

 

Rédigé par Jeune Afrique

Publié par Corbeaunews Centrafrique (CNC), le mercredi 19 octobre 2022

 

Trois jours plus tard, le 17 octobre, c’est au tour du ministre chargé du Secrétariat général du gouvernement et des Relations avec les institutions, Maxime Balalou de prendre le dossier en main. Dans un courrier – dont une copie est adressée à Danielle Darlan -, celui-ci demande à Jean-Laurent Syssa-Magale « de bien vouloir prendre les dispositions nécessaires afin de faire procéder [au] remplacement » de la professeure d’université.

Or l’affaire n’a rien de la simple manœuvre administrative. Au palais présidentiel, où le chef de cabinet de Faustin-Archange Touadéra (FAT), Donatien Maleyombo s’occupe du dossier, on estime que le remplacement de Danielle Darlan à l’université de Bangui entraînera de facto son départ de la présidence de la Cour constitutionnelle.

En effet, si l’intéressée ne dispose plus de sa qualité d’enseignante-chercheuse en droit qui lui avait permis d’intégrer l’institution, elle devra la quitter.

 

Des soutiens à Bangui..

 

Selon nos informations, Faustin-Archange Touadéra est bien décidé à évoquer les articles 99 et 100 de la Constitution – qui prévoient les conditions d’admission et de remplacement à la Cour – pour obtenir le départ de Danielle Darlan de la présidence de l’institution. Il faut dire que celle-ci avait retoqué coup sur coup deux projets du chef de l’État relatifs à la cryptomonnaie et surtout, à une réécriture de la Constitution.

Le 23 septembre dernier, la spécialiste en droit public avait refusé de donner son blanc-seing à une réforme de la loi fondamentale voulue par le président centrafricain. Non consultée au préalable par FAT – ce qu’elle a jugé inadmissible -, elle avait publiquement indiqué son opposition – sur des bases légales – au projet qui permettrait notamment au chef de l’État d’effacer la limitation actuelle des mandats, et de se présenter à nouveau en 2026.

Un temps, tentée de quitter Bangui, où la pression du mouvement pro-Touadéra de Blaise Didacien Kossimatchi s’est faite de plus en plus forte, Danielle Darlan n’a toujours pas répondu à sa mise à la retraite, et choisi de rester en Centrafrique. La juriste y bénéficie du soutien de l’opposition, rassemblée au sein du Bloc républicain pour la défense de la Constitution, et d’une partie de la majorité présidentielle, menée par le président de l’Assemblée nationale, Simplice Mathieu Sarandji.

mais un remplacement inéluctable ?

Danielle Darlan peut-elle gagner son bras de fer avec le pouvoir ? Ses soutiens affirment que les dispositions mises en avant par les partisans de son remplacement ne s’appliquent pas à la présidence de la Cour constitutionnelle. S’appuyant sur le statut général de la fonction publique centrafricaine, ils estiment que ce poste fait figure d’exception et qu’en évincer Danielle Darlan est de ce fait illégal.

Faustin-Archange Touadéra pourrait toutefois décider de passer outre. Fermement décidé à faire valider sa réforme constitutionnelle, le chef de l’État prévoit toujours, selon nos informations, de l’imposer en organisant un référendum au début de l’année 2023. Il jouerait ainsi la carte de la légitimité populaire. Mais plusieurs de ses soutiens estiment malgré tout qu’un avis favorable – et référendaire – d’une Cour constitutionnelle acquise à sa cause serait souhaitable.

Coup d’État

Le remplacement d’une Danielle Darlan frondeuse serait aussi nécessaire dans un deuxième scénario, dans lequel le président ne pourrait pas organiser de référendum, faute de moyens techniques et financiers. Si tel était le cas, Faustin-Archange Touadéra n’aurait alors d’autre choix que d’obtenir l’assentiment de la Cour constitutionnelle pour parvenir à ses fins. Il ne pourrait alors se passer d’un allié à la tête de l’institution.

« Politiquement, je ne vois pas comment le président peut faire machine arrière et ne pas remplacer Danielle Darlan. Ne pas le faire reviendrait maintenant à renoncer, au moins provisoirement, à son projet constitutionnel », estime un proche du gouvernement. « Les textes sont clairs : son remplacement est parfaitement illégal », s’indigne un député de la majorité contacté par Jeune Afrique. « Ce que veut faire Touadéra a un nom, c’est un coup d’État », ajoute notre source.

 À lire aussi : La folie du pouvoir, Touadera menace de dissoudre la cour constitutionnelle

 

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