En Centrafrique, la violence se fait de plus en plus politique

Publié le 17 octobre 2014 , 5:41
Mis à jour le: 17 octobre 2014 5:41 pm

Corbeau news  /  Figaro.fr

Catherine Samba-Panza, Présidente de Transition en Centrafrique
©corbeaunews-centrafrique.com

Les troubles qui agitent Bangui, la capitale du pays, visent la présidente, Catherine Samba-Panza.

Bangui n’est plus au bord du soulèvement mais quelque chose y a changé. À l’issue d’une semaine de heurts, la capitale de Centrafrique a retrouvé une vie un rien plus calme. Mais la situation reste très volatile. Vendredi matin, des coups de feu étaient entendus dans le quartier de Combattant, interdisant l’accès à l’aéroport, et des barrages étaient érigés au nord, à Gobongo, entretenant une certaine inquiétude. D’autant que la colère semble avoir changé de nature. «Il est évident que les derniers affrontements sont différents de ceux des mois passés. Il y a des visées très politiques cette fois», souligne une source française.

Les premières tensions, le 9 octobre dernier, sont pourtant nées du clivage religieux qui ronge la Centrafrique depuis deux ans. Le lynchage d’un homme soupçonné d’appartenir à la Séléka, une coalition à majorité musulmane, a déclenché une réaction de cette communauté. Les rixes ont fait une dizaine de morts et plus de 6 500 réfugiés. Dès le lendemain, les miliciens chrétiens Anti-Balaka, qui se muent de plus en plus en bandits armés, avaient changé de cibles. Descendus du quartier de Boy-Rabe ou de Boeing, les hommes s’en prenaient aux habitants, sans grande considération de religion, mais aussi aux troupes internationales. Plusieurs patrouilles de la Minusca, les soldats de l’ONU, mais aussi de l’Eufor, la force européenne, ont été accrochées.

Selon plusieurs sources, les miliciens de différentes factions ont reçu ces dernières semaines des armes légères et des munitions provenant des stocks de l’armée centrafricaine (Faca) mais aussi de l’étranger. En réaction, la Minusca a renforcé son dispositif sécuritaire. Dans les jours suivants, plusieurs quartiers ont été pris par cette fièvre. À Ouango, au sud de Bangui, les clashs accompagnés de pillages sont devenus plus «ethniques». Pour circonscrire l’incendie, les contingents pakistanais et rwandais de la Minusca ont ouvert le feu, tout comme l’Eufor. Au total, une quinzaine d’Anti-Balaka ont été abattus en six jours d’affrontements. «Ils voulaient tester notre réponse. Elle a été forte et je pense qu’ils ont compris que la solution au problème ne passe pas par la violence», assure un militaire.

L’attaque de Ouango est une première. Cette zone, qui était récemment encore épargnée, abrite des résidences chics, dont celle de la présidente de transition, Catherine Samba-Panza. Cette dernière y a vu une tentative de «déstabilisation» des institutions. Non sans raison. Pour un responsable africain, c’est bel et bien la chef de l’État qui est la cible de cette agitation. «Elle a créé beaucoup de frustrations en consultant beaucoup de gens mais sans jamais prendre en compte leur avis», souligne-t-il. La formation d’un nouveau gouvernement en août, dirigé par l’un de ses proches, Mahamat Kamoun, a été très mal prise. La population, qui ne voit guère la vie s’arranger depuis l’accession au pouvoir de la présidente en février, se détourne peu à peu d’une femme qui ne descend jamais dans les rues et a un entourage pléthorique. Sans pour autant soutenir les Anti-Balaka.

La révélation parJeune Afriquede la disparition de 2,5 millions de dollars sur les 10 millions offerts à la Centrafrique par l’Angola a achevé de ternir son image. La présidence a assuré que le magot avait été directement donné au ministère, sans passer par les caisses de l’État, pour pouvoir agir plus vite. Sans vraiment convaincre. Sentant une opportunité, Alexandre-Ferdinand Nguendet, le président du Conseil de transition, a ordonné une enquête parlementaire.

«On assiste à une coalition assez improbable entre Séléka, Anti-Balaka et politiques, tous unis dans leur rejet de la présidente», résume un diplomate. La communauté internationale, à commencer par la France, continue de soutenir officiellement Catherine Samba-Panza, faute de choix. En coulisses, Paris s’agace. L’organisation du futur scrutin présidentiel, comme tous les dossiers gérés par le gouvernement actuel, est au point mort. Or, pour la France, l’élection d’un président légitime est le seul espoir de se dégager du coûteux bourbier centrafricain.

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