En Centrafrique, la Minusca met les charrues avant les bœufs

Corbeau News Centrafrique.

Un véhicule blindé marocain de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA). Photo: ONU
Un véhicule blindé marocain de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA). Photo: ONU

Mon pays la République centrafricaine, est un véritable pays de paradoxe. Depuis le déclenchement des multiples crises politico-militaires en 1996 par des mutineries et qui s’enchaînent par des rébellions de l’ancien président François Bozizé puis celle de Michel Djotodia, tout se passe dans un complot international pour rendre fluide cette crise interminable dont les résultats sont gravissimes et déplorables. D’ailleurs, je l’ai souligné que ce pays de la sous-région d’Afrique centrale convoité par les pays du nord pour ses immenses richesses minières, notamment la France et ses alliés a été toujours piégé à cause de la faiblesse, la non clairvoyance, la cupidité de certains de ses dirigeants qui l’ont gouverné.
Ayant perdu sa souveraineté et son autorité, les gouvernants de la transition ne sont que des marionnettes. Face à la communauté internationale qui dicte ses lois et qui ne l’applique pas aussi parfois, nos dirigeants qui n’ont pas des moyens ne sont que des véritables béni-oui-oui.
Rappelant sa résolution 2121 du Conseil de Sécurité en 2013, l’Organisation des Nations Unies (ONU) est d’abord très préoccupé par la situation qui règne en Centrafrique sur le plan de la sécurité, l’absence de l’Etat de droit et des nombreuses violations des droits de l’homme commises par les éléments de séléka contre les populations civiles. Tous les auteurs de ces crimes odieux doivent en répondre ainsi que leurs leaders cyniques devant la Cour Pénale Internationale qui se décrédibilise dans sa lenteur si on remonte aux crimes de guerre, crimes contre l’humanité et viols commis sur le territoire centrafricain par les bényamulengue de Jean-Pierre Bemba Gombo.
Il va sans dire que c’est une situation d’urgence qui mérite des opérations d’urgence pour sauver l’humanité et mettre un terme à cette barbarie du siècle des bandits de grand chemin sur le territoire centrafricain. La résolution 2117 de l’ONU de l’année 2013 relève l’inquiétude de l’Armée de résistance du seigneur de guerre Joseph Koni toujours présente sur le territoire national alors que la grande puissance mondiale de Barack Obama a promis à la République centrafricaine de mettre hors d’état de nuire cette rébellion entretenue par ses bailleurs qui sont les qui on ne sait. Mais Dieu seul sait et connaît ces personnages fantômes qui paieront un jour quand il se mettra en colère contre eux.
En se référant à toutes ces résolutions prises depuis 1999 jusqu’en 2014, sur la protection des civils en période de conflit armé, sur les femmes violées, les enfants exploités et tués en période des conflits armés en Centrafrique, s’il faut évaluer les résultats de la mission onusienne, il n’y a pas grand-chose à cautionner. La situation s’est dégradée de plus en plus sous le regard goguenard des autorités onusiennes en Centrafrique.
Je me rappelle qu’en 2013, lors d’une conférence de presse au siège de l’ONU en Centrafrique (BINUCA), animée par la Représentante Spéciale du Secrétaire Général des Nations Unies chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflits en mission à Bangui, Mme Zainab Hawa Bangura a mis en garde les principaux auteurs des viols qui sont les chefs rebelles et qui seront poursuivis et arrêtés au début de l’année 2014, a-t-elle annoncé. Des mois sont écoulés et les violences sexuelles sont passées à une vitesse supérieure sans que les principaux auteurs soient inquiétés par l’ONU. Tout au contraire, ils continuent de nager comme des poissons dans l’eau de l’Oubangui-Chari. D’autres sont consultés, prennent même des décisions au nom de leurs groupes armés. Où amène-nous l’ONU qui doit premièrement commencer par le désarmement forcé des combattants et imposer au gouvernement la mise en œuvre du processus de Désarmement, Démobilisation et Réinsertion ?
La date butoir du déploiement des troupes onusiennes est le 15 septembre 2014 qui s’approche à pas géant. Les casques bleus attendus par les populations entreront dans l’exercice de leur mission sur tout l’ensemble du territoire y compris la zone occupée depuis des années par Joseph Koni. Attendons de voir si cette fois ci, le redoutable chef de guerre ougandais sera délogé et mettre hors d’état de nuire. Là au moins, les compatriotes de l’extrême-est du pays seront en paix. On applaudira grâce à l’ONU.
Curieux de constater que les services administratifs de ces forces onusiennes de combine avec les autorités de transition de Catherine Samba-Panza invitée au siège de l’ONU ont entamé des travaux de génie sur l’avenue Amadou Toumani Touré dans le 6è arrondissement de Bangui alors que la mission première vise la sécurisation. On nous parle aujourd’hui d’une mission multidimensionnelle mais je crois que ça, c’est le travail du gouvernement qui sera mis en place après les élections présidentielle et législatives prochaines en 2015. C’est pas à l’ONU de travailler en lieu et place du gouvernement centrafricain. Si l’initiative est applaudie par les autorités de transition et certains compatriotes qui ne regardent qu’au bout du nez, je dirai aux services onusiens d’aller commencer à construire des pistes rurales aux paysans centrafricains et des forages avant le déploiement des troupes le 15 septembre prochain. Il y a trop à reconstruire en Centrafrique si vraiment l’ONU a la volonté de nous aider. Nos écoles et centres de santé dans les 16 préfectures ont été détruits et pillés par les bandits de grand chemin de séléka et antibalaka. Occupez-vous des populations qui vivent aujourd’hui dans une situation dégradante, misérable et inhumaine avant de prétendre construire des infrastructures urbaines en lieu et place du gouvernement. Le gouvernement que dirige Mahamat Kamoun ne doit non plus occulter sa mission. Je la rappelle pour Catherine Samba-Panza et son gouvernement. Ils sont chargés à un délai bien déterminé de sécuriser le peuple centrafricain, de désarmer les éléments des groupes armés, procéder à la mise en œuvre du processus DDR, organiser le retour des déplacés et des réfugiés centrafricains à l’extérieur, faire le recensement général pour connaître les centrafricaines et les centrafricains qui ont l’âge de voter ou pas et enfin organiser les élections présidentielle et législatives de 2015 sur l’ensemble du territoire national et dans les diasporas où l’effectif des centrafricains est important, tels que dans les pays comme le Congo-Brazza, le Cameroun, le Gabon, le Tchad, le Sénégal, la Côte d’Ivoire et la France.
Selon la Résolution 2419 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, c’est 10.000 casques bleus et 1800 policiers qui seront présents en Centrafrique à partir du 15 septembre 2014. Le nombre des soldats recherchés par l’ONU va tout juste compléter l’effectif des 6000 éléments de la MISCA et ceux de Samgaris qui sont également pris à partie dans les conflits, notamment les contingents congolais et burundais qui assurent la sécurité de la présidente de transition.
On ne peut ne pas dire que la République centrafricaine est en train de tourner une page de son histoire avec la présence de toutes les forces du monde sur son territoire. Avec plus de 10.000 hommes, le pays est parti pour être bien sécurisé comme les présidents qui gouvernent le monde. Mais avec toutes ces forces mondiales déployées, le peuple centrafricain reste toujours un St Thomas pour voir si les objectifs de l’ONU seront atteints. D’abord, avec le désarmement forcé des éléments de Séléka et antibalaka par l’opération Sangaris et la MISCA qui est un échec, le doute est que l’ONU a mis les charrues avant les bœufs. En tout cas, rien ne rassure encore mais qui vivra verra…

 

journaliste politique et culturel
journaliste politique et culturel

Pierre INZA