Dossier spécial : comment éradiquer la corruption au milieu judiciaire en Centrafrique

Publié le 28 novembre 2023 , 6:25
Mis à jour le: 28 novembre 2023 3:40 pm

Dossier spécial : comment éradiquer la corruption au milieu judiciaire en Centrafrique

 

Le président de la cour délibère le verdict d'un procès
Le président de la cour délibère le verdict d’un procès à Bangui. CopyrightCNC

 

 

Bangui, 29 novembre 2023 (CNC) – La corruption, souvent perçue comme une gangrène sociale, s’infiltre dans les interstices de nos institutions, érodant la confiance du public et la justice de nos systèmes judiciaires. En République Centrafricaine, cette problématique trouve un écho particulier dans les couloirs des tribunaux où magistrats, avocats et autres acteurs judiciaires sont confrontés quotidiennement à des tentatives de subversion de l’équité par des moyens illicites. La nécessité de prévenir et de combattre la corruption en milieu judiciaire devient donc une quête de justice et d’intégrité impérative pour garantir les fondements de la démocratie et de la loi.

 

C’est dans ce contexte que la célèbre émission radiophonique “Les matins de Ndeke Luka” a pris l’initiative de mettre en lumière ce fléau lors d’une table ronde impliquant des figures éminentes du milieu judiciaire centrafricain. Ce rassemblement, loin d’être un simple forum de discussion, a marqué une étape cruciale dans la reconnaissance et l’engagement contre la corruption, témoignant d’une volonté commune des acteurs judiciaires et du gouvernement de mettre en œuvre des politiques efficaces pour éradiquer ce mal persistant. La table ronde a ainsi posé les jalons d’une réflexion collective sur les stratégies à adopter pour renforcer l’intégrité de la justice, essentielle pour la stabilité et l’avenir du pays.

 

La corruption en milieu judiciaire : définition et impact

 

La corruption judiciaire, fléau multidimensionnel, se manifeste lorsque des individus exploitent leur position au sein du système de justice pour obtenir des avantages indus, faussant ainsi le cours de la justice. Anicet Samba, Inspecteur général des Services judiciaires, la décrit comme une pratique répréhensible où promesses, dons ou avantages sont offerts pour influencer les actions ou décisions judiciaires. Cette définition met en lumière la complexité de la corruption, qui va au-delà du simple échange monétaire, englobant tout avantage pouvant altérer l’impartialité des acteurs judiciaires.

Les répercussions de cette pratique sont profondes et désastreuses. Sur le système judiciaire, la corruption ébranle les fondements de la justice, semant le doute sur la légitimité des verdicts et la moralité des jugements. Elle crée un environnement où la loi n’est plus l’ultime arbitre, mais un instrument manipulable au gré des plus offrants. Sociétalement, les conséquences sont tout aussi alarmantes. La corruption sape la confiance des citoyens en leurs institutions, affaiblit l’état de droit et entrave le développement économique. Lorsque les dépositaires de la loi deviennent les architectes de son détournement, la société entière en pâtit, pris en étau entre la méfiance et l’injustice.

 

Cinq présumés accusés devant la barre. CopyrightCNC
Cinq présumés accusés devant la barre. CopyrightCNC

 

Les Acteurs et Leurs Rôles dans la Lutte Contre la Corruption

 

Au cœur de la bataille contre la corruption en milieu judiciaire, les acteurs clés tels qu’Anicet Samba, Arlette Sombo Dibélé et Parfait Biakété se distinguent non seulement par leur position au sein du système judiciaire mais aussi par leurs actions résolues. Anicet Samba, dans sa capacité d’inspecteur général, représente la vigilance institutionnelle, traquant les écarts et promouvant l’intégrité à travers des inspections et des enquêtes rigoureuses. Arlette Sombo Dibélé, avocate, incarne la voix de la déontologie, plaidant pour des pratiques justes et transparentes au sein du Barreau. Parfait Biakété, en tant que président du Tribunal de grande instance, illustre l’engagement judiciaire à préserver l’équilibre de la balance de la justice, veillant à ce que les décisions rendues soient exemptes de tout vice corrupteur.

 

Ces personnalités mettent en exergue l’importance capitale de l’éducation, de l’éthique et de la déontologie dans le combat contre la corruption. L’éducation est perçue comme le terreau sur lequel les valeurs de transparence et d’équité doivent être semées dès les premiers jalons de la formation juridique. L’éthique, quant à elle, est le phare qui guide les comportements au quotidien, et la déontologie, l’ensemble des règles qui cimente l’intégrité professionnelle. Ensemble, ces trois piliers constituent la fortification essentielle contre les assauts de la corruption, et c’est à travers leur renforcement que les invités envisagent une éradication progressive de la corruption dans le milieu judiciaire.

 

Les Obstacles à la Lutte Contre la Corruption

 

La route vers l’éradication de la corruption judiciaire est jonchée d’obstacles, parmi lesquels la mise en œuvre des lois se dresse comme une barrière particulièrement tenace. Arlette Sombo Dibélé souligne que, malgré l’existence de lois robustes, leur application reste souvent lettre morte. Cet écart entre la théorie législative et la pratique quotidienne ouvre des brèches par lesquelles la corruption peut s’infiltrer et s’enraciner dans le système judiciaire, rendant la tâche de réforme à la fois urgente et ardue.

 

L’éducation et la formation émergent alors comme des vecteurs cruciaux de changement. Un personnel judiciaire bien formé et conscient des enjeux peut servir de rempart contre la tentation de la corruption. La sensibilisation sur les implications morales et les conséquences légales de tels actes doit commencer dès la formation initiale et se poursuivre tout au long de la carrière judiciaire. Ces efforts éducatifs doivent s’accompagner de la mise à jour continue des compétences et d’une politique de tolérance zéro vis-à-vis des infractions déontologiques, afin de forger un système judiciaire résistant à la corruption et fidèle à l’éthique de la profession.

 

Stratégies et Solutions Proposées

 

Pour déraciner la corruption qui s’insinue dans les veines du système judiciaire en Centrafrique, les intervenants de la table ronde ont mis en avant une palette de stratégies et de solutions innovantes. Anicet Samba préconise l’instauration d’un mécanisme de contrôle plus strict et l’application rigoureuse des sanctions pour dissuader les comportements corrompus. Arlette Sombo Dibélé insiste sur la nécessité de renforcer l’indépendance judiciaire et d’assurer une rémunération adéquate pour les professionnels du droit, réduisant ainsi leur vulnérabilité à la corruption.

 

Parfait Biakété, quant à lui, met l’accent sur la transparence des procédures judiciaires et l’implication citoyenne dans le suivi des affaires publiques. Il suggère également l’utilisation des technologies de l’information pour tracer et archiver les décisions de justice, ce qui permettrait une meilleure accountability des acteurs judiciaires.

 

Les invités conviennent unanimement de l’importance d’une approche holistique pour combattre la corruption, une approche qui requiert la participation active de tous les acteurs de la société. La sensibilisation publique, l’éducation civique et la promotion d’une culture de l’intégrité doivent aller de pair avec les réformes institutionnelles. Les solutions proposées soulignent la nécessité d’un engagement collectif, où chaque citoyen, professionnel de la justice, organisme de contrôle et institution gouvernementale joue un rôle clé dans la construction d’un système judiciaire intègre et fiable.

 

Actions concrètes et recommandations

 

Pour transposer les stratégies contre la corruption en actions tangibles, les participants à la table ronde ont recommandé un ensemble de mesures concrètes. Parmi elles, l’adoption de codes de conduite détaillés pour les professionnels du droit et la mise en place de formations continues en éthique et déontologie se détachent comme des priorités. Ces outils sont envisagés comme des moyens pour ancrer les principes éthiques dans la pratique quotidienne et pour fournir des repères clairs dans la prise de décision judiciaire.

 

Il a également été suggéré d’établir des canaux de signalement anonymes et sécurisés pour les citoyens et les professionnels, encourageant la dénonciation des actes de corruption sans crainte de représailles. La création d’un organe indépendant doté de l’autorité et des ressources nécessaires pour enquêter et poursuivre les cas de corruption judiciaire a été préconisée, ce qui contribuerait à renforcer les mécanismes de contrôle et de responsabilisation.

 

Les recommandations mettent en exergue la nécessité d’une transparence accrue dans le fonctionnement interne des tribunaux, notamment à travers la publication des jugements et des décisions. En parallèle, une campagne de sensibilisation à grande échelle est envisagée pour informer les citoyens sur leurs droits et sur les voies légales à suivre en cas de confrontation avec la corruption.

 

Ces initiatives, soutenues par une volonté politique ferme et une collaboration entre les pouvoirs publics, la société civile et les organisations internationales, tracent la voie vers un système judiciaire plus intègre et plus juste, où la loi prévaut sans exception ni compromis.

 

Conclusion

 

Il y’a lieu de noter que la table ronde des Matins de la radio Ndékèluka a mis en lumière les défis et les solutions potentiels face à la corruption en milieu judiciaire en République Centrafricaine. La définition élargie de la corruption, sa présence rampante et ses effets délétères sur la société ont été clairement exposés. Les acteurs judiciaires, représentés par Anicet Samba, Arlette Sombo Dibélé, et Parfait Biakété, ont partagé une vision commune de la nécessité d’une éducation renforcée, d’une éthique irréprochable et d’une application stricte de la déontologie professionnelle. Ils ont également souligné l’importance des réformes systémiques et de l’engagement civique dans le combat contre ce fléau.

 

Les mesures concrètes proposées, telles que les codes de conduite, les formations en éthique, les mécanismes de signalement et les campagnes de sensibilisation, constituent un plan d’action robuste pour les institutions judiciaires. La transparence, l’intégrité et l’accountability sont les pierres angulaires de ce plan, qui requiert une volonté politique inébranlable et une coopération entre tous les échelons de la société.

 

Il est donc impératif que chaque acteur judiciaire, membre de la société civile et citoyen prenne part activement à cet effort collectif. Seule une synergie d’actions cohérentes et soutenues peut ériger une barrière infranchissable contre la corruption et restaurer la foi en une justice véritablement équitable et impartiale. Le temps est à l’action concertée, au renforcement des valeurs de justice et à la reconstruction d’un système judiciaire digne de la confiance du peuple centrafricain.

 

Par Alain Nzilo

Directeur de publications

 

Corbeaunews Centrafrique

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