Discours de SEM Douglas CARPENTER Ambassadeur de l’Union européenne en RCA et à la CEMAC A l’occasion de la Journée de l’Europe

Publié le 12 mai 2022 , 8:00
Mis à jour le: 12 mai 2022 5:34 pm
L'ambassadeur de l'UE en Centrafrique qui prononce son discours
L’ambassadeur de l’UE en Centrafrique qui prononce son discours. CopyrightUE-RCA

 

Discours de SEM Douglas CARPENTER

Ambassadeur de l’Union européenne en RCA et à la CEMAC

A l’occasion de la Journée de l’Europe

 

Honorable, Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale

Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement,

Mesdames et Messieurs les membres du gouvernement,

Mesdames et messieurs les honorables députés,

Monsieur l’Ambassadeur, Haut représentant de la République française, Doyen du Corps diplomatique

Chers collègues du corps diplomatique et consulaire,

Distingués invités en vos rangs et grades respectifs,

Mesdames et Messieurs.

 

C’est avec un réel plaisir que je vous reçois ce soir à l’occasion de la célébration du 72ème anniversaire de la déclaration de Robert Schuman, l’espoir de la nouvelle forme de coopération inspirée au lendemain des guerres qui ont défiguré le continent européen.

Je me réjouis du fait que nous soyons encore en mesure de pouvoir accueillir tous ensemble nos partenaires principaux. Nous vous remercions pour votre soutien et pour votre coopération au cours de l’année passée.

Je suis ravi aussi d’avoir à côté de moi les autres membres de notre famille européenne – nos ambassadeurs, nos deux chefs de mission de sécurité et de défense commune, et le chef de notre bureau humanitaire. Et je n’oublie pas non plus les consuls, consuls honoraires et les chefs de bureau de nos états membres qui sont parmi nous. Je salue en particulier SEM Eric Jacquemin, Ambassadeur de la Belgique résidant à Yaoundé qui nous honore avec sa visite cette semaine. Comme vous le savez, nous exécutons ici un mandat selon les orientations politiques de nos 27 états membres, nous sommes aussi accrédités à la CEMAC, et l’engagement direct de nos ambassadeurs non-résidents dans notre travail est important. Dans ce contexte, nous avons proposé à SEM le Président de la République, Chef de l’état, d’entreprendre une nouvelle session de dialogue politique au titre de l’année 2022, qui rassemblera nos ambassadeurs accrédités en République centrafricaine, et l’ensemble du gouvernement.

Dans le contexte plus large de nos dialogues et nos échanges dans le pays, Hon M. le Président de l’Assemblée, M. le Premier Ministre, je voudrais souligner notre appréciation pour la disponibilité et l’ouverture vers nous de SEM le Président de la République, des hautes personnalités du gouvernement et des institutions, ainsi que de l’opposition démocratique et de la société civile. Cette disponibilité est unique dans mon expérience diplomatique – elle est pour nous extrêmement précieuse.

Distingués invités, ma principale thématique pour ce soir est l’importance d’une continuité dans la collaboration avec les autorités, les partenaires et la population, en gardant tout le temps à l’esprit nos objectifs ultimes. Ceci est même plus important dans un contexte d’instabilité. Notre célébration de cette année, vous en conviendrez avec moi, se fait dans un contexte mondial tendu, rappelant les démons de la guerre que nous avions pensé être derrière nous. La déclaration du 9 mai 1950, a voulu se servir de la production commune du charbon et de l’acier, pour prévenir de conflits et pour initier une coopération sur la base des intérêts communs entre les pays de l’Europe. Elle a donc défini les fondements d’un processus graduel de renforcement de la confiance et de la collaboration, une solidarité de fait, et non des idéologies.

Nous passons cette année des jalons historiques avec non seulement le 70ème anniversaire de l’entrée en vigueur du traité de Paris qui a établi la Communauté européenne du charbon et de l’acier, mais aussi avec le 65ème anniversaire de la signature des Traités de Rome créant la communauté économique européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique.

En effet, notre histoire d’intégration régionale est une histoire d’élargissement et d’approfondissement continus, accompagnée bien sûr par des moments réels de crise et de doute, d’incapacité ou de déficit démocratique. Nous ne cachons pas à nos partenaires ni à nos amis la véritable histoire de notre projet. En revanche, et j’insiste encore pour assurer une continuité d’effort, il faut tirer les enseignements de nos expériences et revenir plus fort. Je parle devant vous en toute humilité, et je n’oublie jamais les défis que nous avions dû confronter et que nous confrontons toujours en Europe – sur l’état de droit, sur le fonctionnement et la redevabilité de nos institutions, sur l’inclusivité de notre démocratie. Parce que la diplomatie – ce n’est pas s’ingérer dans les affaires des autres, mais plutôt apporter et partager ses propres expériences, les bonnes comme les mauvaises.

Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale, Monsieur le Premier Ministre,

Pour assurer une continuité et une résilience dans un partenariat, il faut d’abord que les partenaires se comprennent – chacun a son histoire, ses défis et sa vision. C’est pourquoi j’aimerais à ce stade partager avec vous quelques réflexions sur les tendances en Europe, ainsi que sur notre implication globale.

Je commence avec la situation en Ukraine parce que c’est un élément contextuel qui impacte directement nos communautés, notre économie et évidemment notre sécurité en Europe. Depuis février, nous vivons l’un des moments les plus sombres de notre histoire. Un conflit militaire sur le sol européen, aux portes de l’Union européenne et du territoire de l’OTAN. Une agression sans précédent envers l’Ukraine, un pays de 45 millions d’habitants, indépendant et souverain. Déjà plus de 5 millions d’Ukrainiens sont réfugiés.

Il est important ici de faire un peu de pédagogie et de souligner nos engagements légaux : l’UE a pris des obligations pour soutenir l’intégrité territoriale de l’Ukraine – dans l’accord d’association. Je le sais d’autant plus que j’étais présent personnellement à Kyiv pour ces négociations. Evidemment pour nos pays qui appartiennent à l’OTAN, il existe d’autres obligations aussi.

Il est donc important de partager en toute transparence avec nos partenaires que l’UE soutient et soutiendra l’Ukraine dans sa diplomatie bilatérale et multilatérale. Une résolution de la crise – en tout respect des principes de la Charte des Nations unies – est essentielle. Et la justice doit suivre pour assurer qu’aucun acteur – quelle que soit son allégeance – profite d’impunité pour les crimes qui lui sont allégués. Je regrette énormément que la crise ait déjà impacté l’Afrique – sur les importations, les prix et la sécurité alimentaire. Nous travaillons étroitement avec la famille des Nations Unies et d’autres partenaires pour mitiger ces impacts.

Dans ce contexte, j’ai constaté des voix qui nous disent que l’Europe a fétichisé l’Ukraine et a ignoré les souffrances sur le continent africain. Ici je vous rappelle tout simplement notre approche intégrée – qui rassemble nos outils de sécurité, de développement, de diplomatie, de médiation et d’aide humanitaire, et qui est actuellement déployée à travers le Sahel, dans le nord du Mozambique, dans le Corne de l’Afrique, en RDC, et ailleurs. Et surtout je souligne notre engagement à soutenir des processus Africains à travers l’architecture de paix et de sécurité de l’Union Africaine, y compris en collaboration étroite avec nos partenaires proches de la CEEAC et de la CIRGL.

Distingués invités, la guerre, nous le constatons et le déplorons tous, est mère de chaos et de division.

Sur le plan national, en RCA, je constate un élan d’espoir de paix durable. Je tiens à féliciter le Président de la République et le gouvernement centrafricain pour le chemin parcouru dans la recherche de la paix et de la réconciliation nationale. Ces efforts méritent d’être salués, même s’il reste encore des défis à relever.

L’Union européenne, soucieuse de consolider les acquis démocratiques, appuie leur consolidation et la stabilité des institutions légitimes. Mais il faut avouer que les objectifs n’ont pas tous été à la hauteur des attentes.

La reconquête des territoires occupés par les rebelles a permis de soulager les populations, fatiguées par cette épreuve difficile, et qui attendent maintenant que soient réglés les problèmes liés aux droits de l’homme, à la bonne gouvernance et au retour des services de base. L’UE a toujours accompagné les dynamiques positives et restera totalement engagée.

L’Union européenne apprécie à leurs justes valeurs la redynamisation de l’APPR, la décrispation de la situation politique, les initiatives sous régionales entreprises par la CEEAC et la CIRGL qui ont abouti à la feuille de route de Luanda, la déclaration du cessez-le-feu du 15 octobre 2021. Nous continuons à encourager la reconnaissance des exactions commises par tous acteurs – les forces gouvernementales et leurs alliés, tout comme celles commises par les groupes armés rebelles. Les enquêtes judiciaires à afin d’établir les responsabilités sont cruciales.

Monsieur le Président de l’Assemblée, Monsieur le Premier Ministre,

Chers partenaires,

 

Le peuple centrafricain dont je salue la force de la résilience, attend avec impatience de tourner les pages de cette crise et d’entrevoir les dividendes de la paix. Aujourd’hui, il a plus que jamais besoin de la bonne foi de tous les acteurs, nationaux et internationaux. Pour ma part, j’estime que le succès dans la mise en œuvre de l’APPR redynamisé, de la feuille de route de Luanda mutualisée, ainsi que des recommandations du dialogue républicain, nécessitent une forte volonté politique matérialisée de tous les acteurs, dans un engagement commun de dépassement des aspirations personnelles.

A la faveur de l’approche multidimensionnelle dont bénéficie la République centrafricaine, l’Europe que nous célébrons ce soir forme déjà une grande famille ici. Permettez que je fasse un petit tour d’horizon des membres de cette famille :

Le service de la Commission européenne à la Protection Civile et Operations d’Aide Humanitaire Européennes (ECHO) a pour objectif de sauver et préserver des vies, de prévenir et soulager les souffrances humaines et de sauvegarder l’intégrité et la dignité des populations affectées par les catastrophes, qu’elles soient de cause naturelle ou humaine.

Au-delà de l’aide financière, l’UE attache également beaucoup d’importance au respect du droit humanitaire international, et appelle régulièrement les différentes parties à permettre l’accès sûr des organisations humanitaires pour qu’elles puissent fournir assistance et protection en toute indépendance et neutralité.

En outre, l’UE soutient des actions de protection des civils. Cela comprend une prévention des violences sexuelles, un soutien aux victimes et des actions permettant d’offrir un environnement protecteur et éducatif aux enfants. Certains projets financés par l’UE aident aussi à répondre à la crise sanitaire liée à la pandémie du coronavirus.

Je passe à nos missions de Politique de Sécurité et de Défense Commune (PSDC). La mission EUTM-RCA, qui effectue son troisième mandat, contribue à accompagner les Forces armées centrafricaines (FACA) à devenir une armée modernisée, efficace, ethniquement équilibrée et responsable, sous le contrôle total des autorités politiques. La mission qui compte environ 190 militaires et civils de 15 pays continue à suivre une approche intégrée, flexible, modulaire et réactive, tout en développant le respect de l’État de droit, principalement le droit international humanitaire et les droits de l’homme, ainsi que l’intégration des questions de genre et de prévention de la violence sexuelle dans toutes ses activités.

Par ailleurs, pour appuyer nos forces de sécurité intérieure, nous avons la Mission EUAM, déployée depuis juillet 2020. Une mission civile de conseil qui dispose d’un noyau de conseillers stratégiques européens ; des policiers et gendarmes et autres experts civils venus de 14 états membres de l’UE qui a pour mandat de travailler aux côtés des autorités dans le but d’améliorer la situation de la population centrafricaine en matière de sécurité. EUAM RCA soutient également le développement de la formation des cadres et appuie la planification et le retour des services de l’Etat sur l’ensemble du pays. Elle travaille aussi pour renforcer les liens entre les forces de sécurité intérieure et les autres services de sécurité et de l’état, tels que le système judiciaire et pénitentiaire. Les défis sont encore importants, mais l’engagement de l’UE de travailler aux côtés du gouvernement permettra l’identification des solutions durables qui vont contribuer à la restauration de l’autorité de l’Etat et à améliorer la sécurité de tous les Centrafricains.

Monsieur le Président de l’Assemblée nationale, Monsieur le Premier Ministre, chers invités, je passe maintenant à notre coopération technique et financière, et de coordination de l’appui au développement du pays. Depuis mon arrivée j’ai eu l’honneur de représenter les partenaires techniques et financiers en République centrafricaine en tant que co-président du Comité Directeur du RCPCA. Dans ce contexte, je voulais tout d’abord saluer l’engagement personnel et le dynamisme de mon co-Président Monsieur le Premier Ministre, et vous assurer de ma forte volonté à poursuivre ce travail avec toute mon énergie. Je salue aussi les partenaires qui nous rejoignent dans nos efforts, et surtout le plus récent la Suisse. Un travail de mobilisation de ressources bien sûr, mais aussi un travail de priorisation et de simplification, aligné avec les réformes budgétaires dirigées par SEM le Ministre des Finances et du Budget.

Dans ce contexte, je suis aussi fier de vous dire que grâce au nouvel Instrument Global Europe qui remplace le FED depuis 2021, l’UE peut désormais établir des partenariats avec des pays dans le monde entier. Le nouveau partenariat de coopération entre l’UE et la RCA sera mis en œuvre à travers un Programme Indicatif Multi annuel (MIP 2021 – 2027). Ce programme est le fruit des consultations menées en 2021 avec plusieurs départements sectoriels et la société civile. Il est marqué par deux initiatives phares : 1) Le soutien aux services sociaux et développement humain, et 2) Le soutien à la gestion durable des ressources naturelles. Il contribuera ainsi à la réalisation du « Global Gateway », une nouvelle politique de l’UE pour booster la connectivité dans le monde entier à travers des projets dans le numérique, l’énergie, le transport et peut renforcer la santé, l’éducation et la recherche.

Le nouveau programme prendra aussi graduellement la relève du Fonds Bêkou, créé en 2014 et qui a mobilisé plus de 310 millions EUR. Les 23 programmes du Fonds Bêkou ont été mis en œuvre sur tout le territoire centrafricain et ont déjà bénéficié à la moitié de la population centrafricaine. Je suis heureux que ces projets continueront encore leur mise en œuvre jusqu’au 31 décembre 2025.

Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale, Monsieur le Premier Ministre, chers invités, la lutte contre l’impunité est une priorité pour nous tous. En matière d’état de droit, je félicite le Gouvernement pour la tenue de la première session criminelle à Bangui cette année, et je l’encourage à tenir la deuxième session de cette année à Bangui ainsi que les deux sessions criminelles à Bouar, et à faire un effort pour tenir des sessions criminelles à Bambari. L’UE continuera à soutenir l’accès à la justice, la justice transitionnelle, et le respect des droits humains, aux côtés d’autres partenaires bien évidement. Je souligne dans ce contexte notre partenariat avec la Cour Pénale Internationale et notre soutien à la Cour Pénale Spéciale.

J’ai parlé beaucoup ce soir de l’importance de travailler pour et dans la continuité, mais il est vrai que dans un contexte de fragilité la capacité de réaction est aussi cruciale. Sur le volet de réponse rapide, l’UE reste mobilisée à soutenir les différentes initiatives politiques et diplomatiques visant à relancer le processus de paix, notamment dans le cadre de l’APPR et du Dialogue républicain qui s’est tenu récemment. Cela inclut un paquet de €10 millions d’autres actions, que je peux maintenant annoncer, mettant l’accent sur la prévention des conflits au niveau local, y compris en matière de médiation inter et intra-communautaire, d’attention au thème crucial de la transhumance et de lutte contre la désinformation.

Enfin, les efforts pour promouvoir l’intégration économique régionale, qui était à la base de la construction européenne, restent au cœur de notre travail ici. Dans le cadre de notre coopération avec la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC), au mois de novembre 2021, j’ai pu présenter mes Lettres de créance au Président de la Commission de la CEMAC au siège de ladite institution à Bangui. A cette occasion, nous avons abordé tous les aspects de notre stratégie en matière de coopération et notamment le nouvel instrument de financement, le Global Europe. Au niveau de la mise en œuvre des projets et programmes, nous avons terminé la première phase de la mission d’assistance technique auprès de la Commission-CEMAC pour l’identification des projets d’infrastructures régionales pour un financement en mode « mixage prêts-dons » que l’on appelle aussi le Blending.

Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale, Monsieur le Premier Ministre, je veux conclure mes remarques avec un message qui vient vraiment du cœur et qui est peut-être le plus ciblé sur les objectifs à long terme, mais cette fois-ci de notre planète. Et il s’agit de la transition verte et de la lutte contre le changement climatique qui nous impliquent toutes et tous. Nous parlons beaucoup des défis et des souffrances du pays et de la population, mais nous oublions trop souvent un bien, de valeur infinie, qui nous entoure. Je parle des forêts tropicales. A travers ces forêts votre pays séquestre le carbone et protège notre planète – et j’insiste pour que la RCA développe son plein potentiel et devienne un champion mondial de la protection de l’environnement, soutenue bien sûr par tous les instruments à notre disposition.

Je suis ravi ce soir, de voir toute cette famille des partenaires réunis autour des autorités centrafricaines, et je note avec grande satisfaction l’espoir et la détermination de nous tous, à regarder dans la même direction pour le retour progressif de la paix et le relèvement durable de ce pays.

Tongana i yeke oko, fade i sala nzoni ti kodro so !!!

(Unis, nous ferons le bien de ce beau pays !!!)

Vive l’Europe !

Vive la République Centrafricaine !

Vive l’amitié, vivent les peuples épris de paix !

 

Seul le discours prononcé fait foi

Aucun article à afficher