Dialogues et défis politiques en RCA : Entrevue avec Christian Guenebem, Président par intérim  du KNK

Publié le 7 mars 2024 , 5:17
Mis à jour le: 7 mars 2024 4:09 am

Dialogues et défis politiques en RCA : Entrevue avec Christian Guenebem, Président par intérim  du KNK

 

Monsieur Christian GUENEBEM (
Monsieur Christian GUENEBEM (

 

 

Bangui, 07 mars 2024 (CNC)  

    Bienvenue dans cet entretien exclusif avec Christian Guenebem, figure de l’opposition en RCA. De ses perspectives sur les élections locales aux enjeux de la justice, découvrons sa vision politique et ses réactions face aux événements récents.

 

INTERVIEW CORBEAU NEWS

 

Nous avons l’honneur d’accueillir Monsieur Christian Guenebem, Président Intérimaire du Kwa Na Kwa (KNK), pour discuter avec lui des enjeux politiques de l’heure en République centrafricaine et nous projeter ensemble, selon la vision qu’il prône au sein de sa formation.

 

Corbeau News Centrafrique (CNC) : Monsieur Christian Guenebem, bonjour.

 

Christian Guenebem (CG) : Bonjour.

 

CNC : Cela fait un certain temps que nos lecteurs ne vous ont pas retrouvé dans notre actualité. Avant toute chose, dites-nous comment allez-vous ?

 

CG : Sur un plan personnel, disons que je vais bien même si ça pourrait aller beaucoup mieux si la situation de notre pays n’était pas aussi alarmante. Dans tous les cas j’ai la santé, grâce à Dieu, et c’est déjà un bon début.

 

Mais comme vous le savez sans doute, la situation de la République centrafricaine nous préoccupe tous et je ne fais pas exception. Les inquiétudes que nous nourrissons ne font que chaque jour s’accentuer davantage et rien ne nous indique une prochaine amélioration.

 

CNC : Pourquoi avoir gardé le silence durant une période si longue ? Et aussi, à quoi devons-nous ce retour sur la scène médiatique ?

 

CG : Il faut savoir s’exprimer en temps opportun et ne pas saturer l’espace médiatique avec des surréactions.  De plus, nous travaillons aussi bien à l’intérieur du parti, pour sa redynamisation et la reprise des activités sur le terrain, qu’avec les autres forces de l’opposition démocratique avec lesquelles nous échangeons constamment. C’est dire que nous ne sommes donc pas absents de l’environnement politique centrafricain mais nous estimons qu’il faut avoir quelque chose d’efficient à dire lorsque nous prenons la parole. Aujourd’hui, le Kwa Na Kwa pense qu’il est temps de faire le point sur un ensemble de dossiers.

 

CNC : Ces derniers temps, la question des élections locales est à l’ordre du jour. La Communauté Internationale exerce un certain lobbying pour que l’opposition démocratique y prenne part. C’est notamment le cas de la France, de l’Union Européenne ou encore des Nations Unies. Comment votre parti perçoit-il ces prochaines échéances électorales, étant donné les récentes tensions liées à l’adoption de la nouvelle constitution et l’impact d’une participation du KNK sur la reconnaissance des institutions issues de cette nouvelle constitution ? Par ailleurs comment percevez-vous le rôle que joue la Communauté Internationale dans ce dossier ?

 

CG : En politique, je crois que l’un des facteurs fondamentaux qui est censé caractériser les actions que nous menons doit être la cohérence. La cohérence parce que cela permet à l’ensemble des acteurs et des observateurs de comprendre la logique des actes que nous posons et de la voie que nous souhaitons emprunter.

 

Comme vous le savez, le Kwa Na Kwa s’est opposé à ce changement de constitution. Nous avions par ailleurs appelé au boycott du processus ayant conduit à l’adoption de ce nouveau texte fondamental. Nous ne pouvons donc pas, en toute cohérence, nous inscrire dans un processus électoral qui en est issu et donc tacitement, reconnaître la validé et la légitimité de cette constitution taillée sur mesure. Il est indispensable, à nos yeux, qu’un ensemble de préalables soient abordés et que des solutions soient adoptées de manière consensuelle.

 

C’est donc vous dire qu’en ce jour, le Kwa Na Kwa estime que la question des élections locales devrait être assujettie à la question de la tenue préalable d’un dialogue sans exclusive et non une mascarade ou un séminaire gouvernemental élargi à un large public, tel que ce régime nous y a habitué. Ce dialogue devra être chargé d’expurger toutes les questions qui fâchent et qui font que la paix et la réconciliation en République centrafricaine ne sont pas une réalité. Ce n’est qu’ensuite que la question de l’exercice des libertés et de la démocratie ne trouvera son sens.

 

Quant au rôle de la Communauté Internationale, je crois encore qu’elle a tort de se ranger aveuglément du côté du pouvoir. Elle devrait plutôt, à mon sens jouer de son poids et de son influence pour œuvrer dans le sens du Peuple.

 

CNC : En parlant de dialogue, le récent rapport du Secrétaire Général des Nations Unies du 15 février 2024 semble pointer un doigt accusateur en direction de l’opposition centrafricaine, la faisant passer pour la partie opposée au dialogue que lui proposerait le Président Touadéra. Quelle est votre réaction à cette affirmation ?

 

CG : A dire vrai, j’ai été totalement surpris. Le Secrétaire Général des Nations-Unies semble vouloir donner le beau rôle au président Touadéra à travers la publication de ce rapport. Je disais d’ailleurs il y a quelques jours dans les colonnes de l’un de vos confrères que le Président Touadéra bénéficiait d’une étonnante bienveillance de la part de la Communauté Internationale. Cependant, je n’ai pas souvenir d’une ouverture au dialogue lancée par le président Touadéra tel que mentionné dans ce rapport. Peut-être sauriez-vous me rafraîchir la mémoire à ce propos. Mais j’en doute fort.

 

Je me rappelle plutôt d’un appel au dialogue, plus précisément d’une recommandation ou d’une exhortation formulée par la Représentante Spéciale du Secrétaire Général des Nations-Unies accueillie de manière très brutale et négative par l’entourage du président de la République centrafricaine. Les communicants, officiels ou non, n’ont pas hésité à rejeter de manière virulente cette proposition d’ouverture, pourtant salutaire.

 

L’opposition démocratique, dont le Kwa Na Kwa, a exprimé, à cette occasion une position commune laquelle subordonne notre réponse à une offre de dialogue émanant des personnes habilitées à faire cette proposition, notamment le gouvernement centrafricain. Jusqu’à ce jour, il n’y a toujours pas de propositions de dialogue sur la table. Nous ne pouvons donc pas y répondre.

 

CNC : Pouvez-vous nous parler des initiatives prises pour la relance des activités du KNK ? Quels sont vos principaux objectifs et stratégies pour renforcer la présence et l’influence de votre parti ?

 

CG : Vous comprendrez que cette question est délicate et que je ne puisse pas apporter de réponse qui, à vos yeux, serait satisfaisante parce qu’elle me ferait aborder publiquement des questions de stratégies politiques débattues au sein du bureau politique du Kwa Na Kwa et que ces dernières sont couvertes par le sceau de la confidentialité pour une efficacité maximale.

 

Je peux cependant vous dire que les autorités compétentes ont été saisies par écrit à cet effet, notamment les ministères de l’Administration du Territoire et de l’Intérieur. De plus, nous prévoyons prochainement le retour des principaux dirigeants du parti à Bangui, mon propre retour y compris.

 

CNC : L’arrestation du député Yandocka a suscité nombre de préoccupations et de réactions. Quelle est votre opinion sur cette affaire ? Comment votre parti perçoit-il le contexte politique entourant cette arrestation ?

 

CG : Par ma voix le Kwa Na Kwa souhaite exprimer ici sa très grande préoccupation face à nombre de dérives que nous constatons sous ce régime qui réduit chaque jour un peu plus le champ d’expression des libertés publiques et que nous n’avons eu de cesse de dénoncer. Le respect de l’état de droit et de la présomption d’innocence ne semblent plus vraiment être au goût de ceux qui nous gouvernent.

 

Le député Dominique Yandoka, élu du 4e arrondissement de la ville de Bangui, a été interpellé dans le cadre d’une procédure de flagrant délit aux dires du parquet et nous nous étonnons cependant que cette procédure de flagrant délit n’ait pas débouché sur une comparution immédiate, tel que prévu par les usages en la matière. Au contraire, une information judiciaire a été ouverte et la recherche de preuves par le biais de cette enquête semble s’effectuer en ce moment. Pourtant, dans le cas d’un flagrant délit, la preuve est constituée par l’acte délictuel lui-même et les complices de l’auteur sont en théorie interpellés concomitamment ou dans les heures qui suivent. Curieusement, Dominique Yandoka demeure le seul détenu à ce jour dans cette affaire.

 

CNC : Comment votre parti évalue-t-il la situation judiciaire actuelle en RCA , au regard de ce que vous venez d’évoquer et notamment de la condamnation de M. Abdou Karim Meckassoua ? Quels sont vos appels pour garantir un système judiciaire transparent et équitable ?

 

CG : Je dois vous dire avant tout que je ne suis pas le garant des institutions. Ce n’est donc pas à moi de garantir un système judiciaire transparent et équitable. Aucun appel de ma part ne sera en mesure de produire cela. Cependant, je ne peux, dans ma position, que plaider inlassablement en faveur d’une justice indépendante et impartiale, qui soit la même pour tous.

 

Au sujet de la condamnation dont a fait l’objet Abdou Karim MECKASSOUA, il faut dire que ses avocats, notamment Me Nicolas TIANGAYE, ont été très explicites quant au non-respect de la loi en ce qui le concerne. Le fait que le juge ait décidé d’ignorer l’effet suspensif des procédures d’appel et de pourvoi en cassation introduites par la défense est pour le moins inquiétant et interroge sur le respect de l’Etat de droit en Centrafrique.

 

CNC : Les attaques et les intimidations contre les leaders de l’opposition sont une source de préoccupation croissante. Que dites-vous des récents développements, notamment en ce qui concerne l’arrestation du Coordonnateur du Bloc Républicain pour la Défense de la Constitution, Maître Crépin MBOLI GOUMBA ?

 

CG : C’est un sujet de forte préoccupation, notamment à l’heure où le Kwa Na Kwa envisage de reprendre ses activités de terrain et de jouer à nouveau le rôle qui est le sien dans l’animation de la vie politique nationale.

 

J’ai moi-même été récemment encore la cible d’attaques grossières et violentes dont la dernière en date, au cours de la semaine écoulée sur les réseaux sociaux, en réponse à l’interview que j’ai accordé à l’un de vos confrère. Tout est mis en œuvre pour nous intimider et nous empêcher de jouer notre rôle d’opposant.

 

Maître Crépin MBOLI GOUMBA se trouve à ce jour pris dans les filets de la justice pour des affaires de droit commun semble-t-on vouloir nous faire croire. On évoque des outrages à magistrat, le dossier de la gestion de la succession Kolingba, une plainte pour diffamation entre autres. Cependant je ne puis m’empêcher de relever que sous d’autres cieux, l’on n’est pas placé en détention pour cela, ni même débarqué d’un vol où l’on a déjà pris place. On fait, tout du moins, l’objet d’une convocation en guise de démarrage de la procédure. Ce n’est pas ce que nous avons observé ici et cela nous amène à penser que s’opposer au régime s’avère dangereux. Il ne fait pas bon penser différemment en Centrafrique par les temps qui courent.

 

CNC : Monsieur Christian GUENEBEM, je vous remercie pour votre disponibilité.

 

CG : Merci à vous de m’avoir ouvert vos colonnes.

 

Propos recueillis par Alain Nzilo

 

 

Corbeaunews Centrafrique

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