Crise des prix à Gallo : une population au bord de l’asphyxie économique

Par la rédaction de Corbeau News Centrafrique, CNC.
À Gallo, une petite ville située dans la commune de Foh, à 65 kilomètres de Bouar, chef-lieu de la préfecture de la Nana-Mambéré, en République centrafricaine, les habitants assistent, impuissants, à une hausse vertigineuse des prix des produits de première nécessité. Située à environ 450 kilomètres de la capitale Bangui, cette localité, proche de la frontière camerounaise, voit son quotidien bouleversé par une inflation qui frappe aliments, savons, sel, et même la viande, devenue, selon les mots de Martine, présidente locale de l’Organisation des Femmes Centrafricaines (OFCA), “aussi précieuse que de l’or”. Face à cette situation, la population lance un appel désespéré au gouvernement, tandis que les commerçants tentent d’expliquer les raisons de cette crise qui les dépasse.
Une hausse des prix brutale et généralisée
Au marché de Gallo, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Une demi-cuvette d’arachides, vendue il y a peu à 13 000 FCFA, atteint désormais 15 500 FCFA, soit une augmentation significative en à peine un mois. Ce n’est pas un cas isolé : manioc, huile, sucre, sel, savon – rien n’échappe à cette spirale. Martine, qui cumule son rôle de commerçante avec celui de responsable associative, dresse un constat alarmant : “Les prix grimpent sérieusement, et on ne sait plus comment faire”. Pour cette figure du marché des jours, la situation est devenue intenable pour les familles modestes, déjà fragilisées par un contexte économique précaire dans cette région reculée.
Paul, délégué des commerçants de Gallo, abonde dans le même sens. Il raconte que les produits essentiels, autrefois accessibles, sont désormais hors de portée pour beaucoup. “Tout augmente”, résume-t-il, pointant du doigt des causes qui dépassent les seules dynamiques locales.
Le Cameroun, fournisseur clé et source de tensions
La ville de Gallo, par sa position géographique, dépend fortement du Cameroun pour son approvisionnement. La ville camerounaise de Garoua-Boulaï, située à proximité de la frontière, est le principal point de ravitaillement. Mais ce commerce transfrontalier, vital pour la région, est aujourd’hui entravé. Selon Paul, les autorités camerounaises – policiers et gendarmes en tête – saisissent régulièrement les marchandises au passage de la frontière. “Ils disent que ces produits, comme l’huile ou d’autres denrées de base, sont réservés aux Camerounais et ne doivent pas sortir”, explique-t-il. Cette politique, qui vise à protéger le marché intérieur camerounais contre les pénuries et la hausse des prix, met les commerçants centrafricains dans une situation critique.
Pour contourner ces restrictions, certains se rabattent sur des circuits informels, utilisant des motos pour transporter les marchandises par des chemins détournés. Mais cette alternative a un coût : non seulement les frais s’envolent, rendant les produits encore plus chers, mais le risque est permanent. “Si les policiers tombent dessus, ils prennent tout, et c’est perdu pour nous”, déplore Paul. Malgré les assurances officielles du gouvernement centrafricain, qui affirme avoir négocié des accords avec le Cameroun, rien ne semble avoir changé sur le terrain. “Ils disent que tout est réglé, mais en réalité, rien n’est fait”, ajoute-t-il, désabusé.
Un marché minier qui amplifie la crise
À cela s’ajoute une particularité locale : Gallo est un carrefour pour les artisans et ouvriers des mines environnantes. Ce marché, où affluent ceux qui travaillent dans l’extraction, connaît une demande soutenue. “Les miniers ont un peu d’argent, ils achètent beaucoup”, observe Martine. Résultat : les prix s’envolent encore plus vite, tirés par cette clientèle au pouvoir d’achat relatif. Pour certains habitants, cette dynamique, bien que bénéfique pour les commerçants à court terme, aggrave l’accès aux produits pour les autres résidents, moins fortunés.
Une réponse gouvernementale insuffisante
Face à cette crise, le gouvernement centrafricain a tenté d’agir. Le ministre du Commerce a récemment pris un arrêté pour fixer les prix de certains produits sur les marchés. Mais cette mesure, bien intentionnée, passe à côté des véritables problèmes, selon les acteurs locaux. Elle ne prend pas en compte les difficultés d’approvisionnement liées aux restrictions camerounaises, ni les coûts supplémentaires imposés par les circuits clandestins. “Le gouvernement ne voit pas ce qui se passe ici”, regrette Paul, qui appelle à des solutions plus adaptées, comme des négociations sérieuses avec le Cameroun ou un soutien direct aux commerçants pour stabiliser l’offre.
Un équilibre délicat avec le Cameroun
La position du Cameroun, bien que critiquée à Gallo, n’est pas dénuée de logique. En limitant les exportations, Yaoundé cherche à protéger ses propres citoyens d’une hausse des prix qui pourrait découler d’un trop fort drainage de ses ressources vers la Centrafrique. Si les Centrafricains achètent massivement à Garoua-Boulaï, les stocks locaux s’épuisent, les prix grimpent, et les Camerounais en pâtissent à leur tour. Cette interdépendance met en évidence la nécessité d’une coopération renforcée entre les deux pays, un défi que les discours officiels n’ont pas encore traduit en actions concrètes.
Une population à bout de souffle
Pour les habitants de Gallo, coincés entre ces tensions économiques et géopolitiques, la vie devient chaque jour plus difficile. Martine, avec sa verve de leader associative, incarne cette exaspération collective : “On ne peut plus continuer comme ça”. La viande, autrefois un mets ordinaire, est désormais un luxe, et les produits de base s’arrachent à des prix prohibitifs. Dans cette commune de Foh, où les ressources sont limitées et les perspectives incertaines, l’appel au secours résonne comme un cri d’urgence. Sans une intervention rapide et ciblée, la crise risque de s’aggraver, laissant une population déjà vulnérable dans une précarité encore plus profonde.
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