Centrafrique:En Centrafrique, même regarder la Coupe du monde est un parcours du combattant

Publié le 30 juin 2014 , 9:12
Mis à jour le: 1 juillet 2014 1:49 am

En Centrafrique, pays dévasté par la guerre et l’insécurité, même regarder un match de la Coupe du monde relève de l’exploit. Témoignages de nos Observateurs dans le pays.Ces dernières semaines, les rassemblements liés à la diffusion des matches de la Coupe du monde de football ont posé des problèmes sécuritaires dans plusieurs pays : au Kenya, les fans ont été invités à suivre les matches depuis leur domicile après une double-attaque contre des restaurants et des bars, faisant une soixantaine de morts dimanche 16 juin. Au Nigeria, adversaire de la France en huitièmes de finale, un attentat dans un centre-commercial d’Abuja a tué 21 personnes deux heures avant le match du pays contre l’Argentine, jeudi dernier.

En Centrafrique, la situation sécuritaire, à Bangui mais aussi dans certaines villes du centre et du Nord-Est, empêche également beaucoup de fans de suivre les matches. Le Premier ministre André Nzapayéké a même appelé mercredi ses compatriotes à respecter une trêve dans les violences intercommunautaires pour pouvoir suivre pleinement la compétition.

Pacôme Pabandji est journaliste à Bangui. Il a suivi une partie du match Algérie-Russie jeudi soir devant un écran géant.

Il y a une petite dizaine d’écrans géants installés un peu partout dans Bangui, souvent par des ONG, ou dans des lieux de culte. Mais on ne trouve en général pas plus d’une vingtaine de personnes devant, car la majorité des gens ont peur de sortir voir les matches en groupe. L’affluence des matches de 17 heures [heure de diffusion du premier match de la journée à Bangui, NDRL] est plus importante car il fait encore jour. Mais dès 18 heures, souvent à la mi-temps, beaucoup de gens préfèrent rentrer chez eux et écouter la fin du match à la radio. À 21 heures [horaire de diffusion des seconds matchs NDLR], on ne retrouve que les vrais mordus de ballon rond.

Autour de ces lieux de diffusion, la sécurité est assurée par des patrouilles des forces françaises et de l’Union africaine, qui sont postées à l’entrée. Souvent, ce sont les habitants qui s’organisent en groupe d’autodéfense pour fouiller ceux qui veulent rentrer. Avant-hier, ils ont trouvé une machette et deux grenades sur quelqu’un !

Même regarder la télé chez soi peut être dangeureux : lors du dernier match de la France mercredi, un habitant du 8e arrondissement avait sorti son téléviseur dans sa cour et convié ses voisins. Des anti-balaka [des milices d’auto-défense] qui passaient par là sont entrés chez lui et lui ont demandé s’il avait un justificatif pour diffuser le match en groupe, chose ridicule qu’il n’avait évidemment pas. Ils lui ont alors confisqué sa télé et son décodeur, empêchant tous les supporteurs de voir la fin du match. Même la Coupe du monde est encore un prétexte pour piller.

Aurélio Gazzera, prêtre italien habituellement basé à Bozoum dans le nord, était de passage au camp de Carmel à Bangui où 7 500 réfugiés tentent tant bien que mal de suivre la compétition.

J’ai vu une pancarte qui indiquait que les matchs Nigéria-Argentine et France-Équateur étaient diffusés. Curieux, j’ai voulu en savoir plus. Un réfugié qui a réussi à emporter sa télévision et une antenne parabolique a installé un espace de retransmission dans une partie du camp, grâce à un générateur.

La télévision est toute petite et l’espace restreint, mais il y a régulièrement plusieurs dizaines de personnes qui viennent assister au match. Cependant, il faut payer 100 Francs CFA (15 centimes d’euros) pour pouvoir rentrer. Au final, très peu peuvent se le permettre.

Phares travaille comme humanitaire à Bambari, ville qui a connu la semaine dernière des affrontements entre anti-balakas et ex-Selekas, milices rebelles composées majoritairement de musulmans, faisant une cinquantaine de morts.

Tous les vidéos-clubs [mini-cinémas qui diffusaient les matches, NDLR] sont fermés depuis le début de la semaine dernière par peur d’attaques contre des supporters. Il est devenu quasi-impossible de suivre la Coupe du monde à Bambari. C’était pourtant des moments de détente très importants pour les habitants ces dernières semaines [la tension est à son comble depuis un mois dans la ville, des ex-Selekas y avaient attaqué l’armée française fin mai, NDLR]. Je me suis rendu à la cathédrale de Bambari où il y a beaucoup de réfugiés : l’évêque a installé un petit écran de 50 centimètre de diamètre. Ils sont pratiquement 500, entassés autour de la télévision pour suivre les matches.

Charles Ouandjayelo est pasteur à Ndélé, ville du nord-est de la Centrafrique où la Séléka a réuni son état major en mai.

Malgré la présence des forces françaises qui patrouillent, il y a encore beaucoup d’éléments de l’ex-Seleka qui continuent de s’en prendre aux chrétiens. Nous évitons d’allumer nos groupes électrogènes et nos téléviseurs aux horaires des matches, car c’est la meilleure façon d’attirer l’attention des rebelles et d’être pillés. Pour voir les rencontres, nous nous rendons chez des amis musulmans qui, moyennant 150 francs CFA [environ 20 centimes d’euros, NDLR] nous accueillent chez eux. C’est en quelque sorte une forme de solidarité, même si elle est payante, qui nous permet de passer un moment ensemble autour du football et d’échanger sur la situation dans notre pays. La situation n’est cependant pas la même partout dans le pays : des Observateurs contactés à Berbérati, dans le Sud-Ouest, et à Bouar dans l’Ouest, assurent qu’ils suivent la compétition assidument et sans problème, photos à l’appui.

Sources: France 24

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