La Centrafrique sur la voie de l’émergence

Corbeau News Centrafrique.
Catherine Samba-Panza
Les défis sont énormes, gigantesques, et nécessite un appel à la mobilisation de toutes les filles et de tous les fils du pays après les futures élections générales (municipales, législatives et présidentielles), voire même avant. Puisque le rétablissement de la sécurité et de la paix nous interpelle tous. C’est un devoir d’honneur et chacun de nous doit retrousser les manches. Celui qui s’y abstient, sa place n’est plus en Centrafrique. Un pays qui a perdu son âme pendant les crises militaro-politiques et qui serait à la phase de résurrection.
A peine qu’on nous enterre tous et le pays disparaît ou occupé par des barbares si la fameuse intervention onusienne n’intervient pas pour nous sécuriser et nous baliser le chemin du retour à la phase de reconstruction nationale, sans oublier le travail fait en amont par les forces internationales (Sangaris et FOMAC). Le trajet du retour à la normalisation sera bien long, pénible et épuisant. Nous avons intérêt tous, à nous préparer intellectuellement, moralement, psychologique et physiquement pour aborder les défis de l’émergence ; nous abstenir de la consommation abusive de l’alcool qui devient une obsession pour le centrafricain. Vous conviendrez avec moi, que les derniers événements dramatiques ont remis en cause les résolutions et recommandations du Document Stratégique de Réduction de la Pauvreté (DSRP).
Economiquement parlant, l’émergence n’est pas un concept nouveau mais plutôt l’effort quotidien, individuel et collectif à fournir par les acteurs du développement pour bouster la croissance. Et si ces efforts consentis évoqués pour les besoins de la cause se dégagent sur le plan national et sur toute l’étendue du territoire, il n’y a pas de raison qu’on n’y arrivera. L’émergence sera un mot derrière nous puisque depuis « l’opération Bokassa » dans les années 70, à mon avis, si l’on avait maîtrisé ce processus de l’économie verte et qu’il n’y a pas eu crise, les autres pays du continent auront du mal à nous rattraper puisqu’on sera loin à la tête du peloton avec un écart irrattrapable. Ajouter aux efforts consentis du gouvernement centrafricain sous le haut commandement de feu président Jean-Bedel BOKASSA, les projets axés sur le développement des productions vivrières et pastorales financés par FIDA depuis 1974. Les crises récurrentes ont infecté les progrès ces dernières années, à telle enseigne qu’il y a eu découragement des agriculteurs et les principaux bailleurs de fonds.
On ne peut parler d’émergence sans évoquer la principale priorité de l’heure qui est la consolidation de la sécurité et de la paix sur l’ensemble du pays. Pour prendre un bon élan, rappelons que les frontières centrafricaines avec ses voisins qui sont le Tchad, les deux Soudan, le Cameroun, le Congo-Brazza et le RD Congo étaient poreuses depuis le déclenchement des multiples crises. Les dates historiques, je crois, sont bel et bien mémorisées par les centrafricaines et centrafricains qui suivent l’évolution des conflits armés. D’autre part, le service de renseignements d’Etat a perdu son efficacité et de surcroît les premiers citoyens ou juges du pays (je voudrai parler des chefs de quartier) ne jouaient aucunement ou presque pas leur rôle d’alerte et de prise de décisions vis-à-vis des envahisseurs venant d’autres horizons pour s’installer dans le pays. Les indicateurs économiques et sociaux se sont gravement dégradés et il y a eu un relâchement. Le chômage battait son plein et la plupart des paysans ont été enrôlés dans les mouvements des coupeurs de route et différentes rébellions bien entendu. Ils ont choisi l’arme à la place de la houe. Ces derniers doivent être impérativement réinsérés par rapport au programme DDRR. Par conséquent, L’espérance de vie a graduellement baissé et le revenu dans le milieu rural est tombé trop bas. Il a été relevé que les 4 millions de la population de la République centrafricaine vivent sous le seuil de la pauvreté avec moins d’1 dollar par jour et par personne. Quant à moi, je dirai que le centrafricain lamda vit aujourd’hui avec un demi-dollar puisque c’était la catastrophe générale que le pays a connu. L’argent était devenu rare. Si vous sillonnez les 16 préfectures du pays, vous constateriez qu’il y a des personnes qui manquent quotidiennement et cruellement d’argent pour s’acheter les denrées de premières nécessités telles que le sel et le sucre.
Il faut repartir sur de bonnes bases avec un programme de développement économique national cohérent et non illusoire pour reconstruire un pays en crise afin d’avoir une économie forte. De ce point de vue, on donne la priorité aux trois premiers axes des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) qui sont : l’alimentation pour tous, l’éducation pour tous et la santé pour tous, suivi de l’énergie qui est le principal moteur de cette émergence. L’agriculture ne doit plus se pratiquer à l’état manuel où les paysans n’utilisent que des houes en dépensant trop d’énergie humaine au lieu des tracteurs et bulldozers pour des surfaces en hauteur. Ce processus d’économie verte nous conduira vers une vaste gamme de politique de développement durable où la chaîne verra la participation de toute la population, et débouchera à la réduction du taux de chômage très élevé et l’éradication de la pauvreté. Les produits de notre production agricole diversifiée seront utilisés pour la consommation locale d’abord et transformés pour l’exportation afin d’être compétitif sur les marchés mondiaux.
Selon les recherches des experts du développement rural en République centrafricaine, le pays qui est à vocation agro-pastoral regorge plusieurs cultures d’exploitation et vivrière telles que le manioc, le maïs, l’arachide, le mil, le sorgho, le sésame, le palmier à huile, la canne à sucre, la banane Plantin, le café, le coton, la pomme de terre, le poivre, la tomate, les fruits, les berges et les légumes. Ajoutant à ces produits qui méritent la transformation industrielle, l’élevage des bovins, la tannerie des peaux animalières. Il va sans dire que la République centrafricaine a un climat très favorable à une agriculture pluviale avec des cycles bien longs. On note également une abondance de ressources en eau qui traverse toute la superficie de la république. Cela constitue un potentiel bien entendu pour l’intensification de ces cultures et son industrialisation. Je citerai un exemple à suivre, qui vient de gagner le Prix spécial Reconnaissance du Prize Equator par Amical Bè Oko que président Mme Clémentine NGASSIMA à Sibut. Si nous avons des initiatives salutaires et géniales comme celle-là sur toute l’étendue du territoire, je crois qu’on va vite passer au rang des pays émergents. Concernant le pâturage réservé pour les cheptels, il y a 16 millions d’ha mais seulement 9 millions seulement sont exploités pour 3,7 millions de têtes de bovins. Les conflits armés en ont bien décimé et bon nombre d’éleveurs et leurs troupeaux ont opté pour la transhumance aux pays voisins, tout en relevant que beaucoup ont été volés et pillés par les groupes armés de part et d’autre et les éleveurs tués.
Aux termes de la transition, le retour à l’ordre constitutionnel est la condition sine qua none de tout ce vaste programme d’intensification des cultures d’exploitation et vivrières pour l’émergence. Les futures nouvelles autorités qui gagneront les élections, à mon avis, doivent s’y atteler pour mobiliser les producteurs ruraux dans la stratégie de lutte contre la pauvreté. D’ailleurs, il n’y a pas une raison de mener une politique qui rime à contre-courant puisque l’agriculture et l’élevage occupent, selon les experts, 80% de la population. Et je crois, elle est la base du développement. Les Etats-Unis d’Amérique ont commencé d’abord par l’agriculture avant de devenir la première puissance mondiale. Et les autres pays de l’Occident et de l’Asie lui ont emboîté le pas.
On peut arriver à réduire la pauvreté au sein de sa famille et de la communauté. Ce qui mérite nécessairement un apport personnel, un encouragement et un appui financier de la part des bailleurs de fonds et banques de crédit pour moderniser et développer nos Petites et Moyennes Entreprises de production(PME).
La majorité de la population centrafricaine est très jeune pour qu’on néglige l’éducation et la culture qui sont les bases du développement. J’ai beaucoup mis l’accent sur ce volet dans l’article intitulé « la RCA : un pays détruit par des conflits armés face aux OMD et aux APE ». En effet, c’est la clé de l’émergence. Pour que les objectifs soient atteints, il nous faut former des ingénieurs de qualité qui passeront d’abord par le primaire, le secondaire puis les études universitaires. Nous avons perdu beaucoup d’écoles dans l’ensemble du territoire national. Au total 40% de nos écoles ont été détruites. Il faut les remplacer et numériquement les revoir à la hausse et de manière moderne. La République centrafricaine qui regorge aujourd’hui presque 20.000 étudiants doit envisager construire une autre université qui répond aux normes universelles et plusieurs lycées techniques pour la formation de très bons techniciens lesquels travailleront dans des usines de fabrication et de transformation des produits. Autrement dit, le pays sera éternellement en train de faire appel aux mains d’œuvre extérieures pour ne pas dire être envahis par des expatriés. Les nouvelles autorités du pouvoir légitime doivent préparer déjà ce gigantesque chantier qui attend le peuple centrafricain qui a perdu trop de temps inutilement dans des guerres fratricides. Il faut récupérer les enfants soldats et leur apprendre un métier. Inciter les parents à inscrire tous les enfants qui ont l’âge scolaire et surtout les filles dont le taux de scolarité est trop faible en Centrafrique.
L’énergie : tremplin du développement
Malgré sa richesse hydrographique dense, la république centrafricaine fait partie des pays les plus pauvres de la planète pour manque d’infrastructures répondant aux besoins de la population dont 80% vivant dans des zones rurales. En effet, les taux d’accès à l’eau potable et à l’assainissement de base sont très faibles et n’ont pas bougé d’un iota depuis la période des troubles. Tout au contraire, ils ont gravement chuté et il y a eu dégradation.
Le projet hydroélectrique de Boali 3 financé par la Chine à hauteur de 14 milliards de fcfa est insuffisant pour reconstruire la RCA au niveau d’un pays émergent. Selon les autorités de l’ENERCA (Société Nationale d’Electricité) qui ne voient l’électrification qu’au niveau de Bangui, la production de ce barrage ne suffit pas de surcroît d’électrifier toute la capitale centrafricaine puisque la moitié (50%) servira à alimenter l’unique usine de la cimenterie de Nzila nouvellement construite en 2013 avant l’événement du 24 mars 2013, et dont les centrafricains sont impatients de voir son premier sac de ciment en vente dans les quincailleries locales. Financée par un richissime homme d’affaire indien, cette cimenterie a la mal chance d’ouvrir ses portes depuis le déclenchement des hostilités entre la rébellion séléka de Djotodia et les forces gouvernementales de Bozizé. Certes, sa mise en opération devrait bouster la croissance et diminuer le fort taux de chômage dans le pays. Malheureusement, les chefs de guerre n’ont pas voulu enterrer la hache de guerre pour faciliter l’ouverture de ses portes et enclencher le processus des objectifs du développement tant prônés.
Outre le barrage de Boali 3 en construction, le pays dispose seulement, depuis l’indépendance, deux centrales hydroélectriques de très faible capacité qui alimentent Bangui la capitale d’à peine 20 MW et des groupes diesels qui desservent très peu de villes dans l’arrière-pays. La vétusté des turbines posent souvent de graves problèmes pour le bon fonctionnement de l’ENERCA. Elle fait plonger successivement Bangui dans l’obscurité, mettant doublement les populations dans l’insécurité totale causée par les groupes armés qui s’affrontent perpétuellement en contrôlant les quartiers des 8 arrondissements de Bangui. Ces derniers temps, les groupes armés encore non désarmés continuent de semer la terreur à travers des braquages et kidnappings.
Quant à la Société de Distribution d’Eau Centrafricaine (SODECA), elle n’approvisionne que 23% de la population de Bangui et 60% dans l’arrière-pays. Ce chiffre ne convainc pas puisque n’eut été les projets réalisés par l’UNICEF, PAM et la Banque mondiale pour le ravitaillement en eau potable dans les 16 préfectures, la population rurale allait être abandonnée à son propre sort par les gouvernants.
Résoudre le problème d’accès à l’électricité est la principale solution de l’industrialisation de la république centrafricaine. Pays situé au cœur du continent, la RCA dispose des ressources énergétiques suffisantes pour alimenter le pays et plusieurs pays du continent.
Selon les résultats d’étude des experts en la matière, c’est un pays qui dispose d’importants réseaux hydroélectriques et d’énormes potentialités en matière d’énergies. La République centrafricaine regorge de grands fleuves et cours d’eau pour pouvoir construire des barrages et alimenter suffisamment sans rupture ses zones rurales et urbaines en eau potable. Faut-il encore que le pays adopte une politique de développement sur la base d’énergie solaire afin de contribuer efficacement à la réduction du gaz à effets de serre (CO2). Car le réchauffement climatique est l’un des défis majeurs de la population de la planète. Beaucoup d’espèces d’animaux sont en voie de disparition dans le monde et des zones planétaires en pleine sècheresse. Ce qui cause de sérieux problèmes pour les éleveurs et paysans. Il va sans dire que le réchauffement climatique a causé beaucoup de dégâts environnementaux dans le monde et cette crise planétaire interpelle toutes les autorités de la planète, et surtout les pays en voie de développement et Pays Pauvres Très Endettés (PPTE) dont la RCA qui tous, entrent dans une nouvelle phase d’orientation de développement. Des dispositions scientifiques et techniques doivent être prises en compte pour ce nouveau départ des pays pauvres de la planète ou en voie de développement.
A base de ses ressources minières, la république centrafricaine doit créer un fonds de recherches et d’investissements pour les promoteurs et cadres de haut niveau dans le domaine des nouvelles technologies en matière d’énergies renouvelables. Certes, la vulgarisation des énergies renouvelables dans les 16 préfectures de la République centrafricaine facilitera la création de nombreuses Petites et Moyennes Entreprises (PME) qui débouchera à la réduction du fort taux de chômage et de la pauvreté qui asphyxie le peuple centrafricain. Les Bureaux d’Achat de Diamant (B.a.d) qui se cachent à Bangui derrière des sièges fantomatiques doivent s’installer dans les zones diamantifères sous le contrôle rigoureux de la Brigade minière et les forces de défense et de sécurité. Comme je l’ai souligné, l’énergie solaire permettra aux petites entreprises de production des jus de fruits et de transformation de certains produits vivriers tels que le manioc, la tomate, le sorgho, le maïs, les berges etc.

Les ingénieurs agronomes centrafricains ne doivent pas somnoler en matière de la recherche des biocarburants qui est une filière très importante. La RCA a des puits de pétrole mais dispose énormément des plantes énergétiques compte tenu de sa superficie riche en bois et diverses espèces des plantes exploitables mais encore non exploitées. A titre d’exemple, une démarche a été entamée par le feu président Ange Félix Patassé (paix à son âme) qui était très avancé au niveau de la phase d’expérimentation. Bref ! C’est un exemple parmi tant d’autres qui nécessite le réveil des centrafricaines et centrafricains et un suivi dans plusieurs domaines à caractère économique pour le développement afin de réduire la pauvreté qui n’est pas une fatalité sur 623.000 km2. Avec autant de richesses naturelles, rien n’est impossible pour éradiquer la pauvreté et assurer le bien-être social. Mais en tout, faut-il encore qu’il y ait de la volonté politique et que les centrafricains, conscients de ce retard socioéconomique et culturel soient solidaires pour un pacte républicain et se mettent résolument au travail en déployant assez d’efforts pour se débarrasser de la vieille habitude qui leur colle à la peau, avec l’espoir et l’engagement individuel et collectif d’enterrer définitivement la hache de guerre.

journaliste politique et culturel
journaliste politique et culturel

 

Par: Pierre INZA