Centrafrique: un million de logement à construire suite à la crise selon Gabriel Ngouamidou DG Habitat

Publié le 25 janvier 2015 , 9:54
Mis à jour le: 25 janvier 2015 11:20 pm
Gabriel Ngouamidou
Crédit Photo: Fred Krock pour CNC

Un million de logement à construire suite à la crise selon Gabriel Ngouamidou DG Habitat

La République centrafricaine vient de connaître une crise toute particulière de son histoire, dominée par la destruction des maisons et le phénomène de villages brûlés. Évidemment, bien avant la crise, le besoin de logement était déjà une préoccupation, tant pour les populations que pour l’Etat. Malheureusement, les tristes événements qui se sont produits avec la dernière crise ont été une véritable désolation pour la RCA. Certains analystes avançaient que la RCA était devenu « fantôme », ils ont raison, car les villes du pays ont perdu tout ce qu’elles avaient d’attrayant. Conséquences logiques, les besoins en logement sont passés d’environ 500 milles logements avant la crise à un (01) million aujourd’hui. Dans cette interview exclusive, Gabriel Tanguy Ngouamidou, Directeur général de l’Habitat au Ministère de l’Habitat et du logement situe l’enjeu de construction de logement aujourd’hui en RCA.

 

Corbeau News Centrafrique (CNC) : Bonjour DG ! La crise politico-sécuritaire actuelle en République centrafricaine a affiché un visage de la destruction massive des maisons d’habitation à travers le pays, ainsi que l’incendie des villages entiers. Dites-nous, bien avant cette crise, quelle a été la situation du logement en RCA ?

Gabriel Tanguy Ngouamidou (GTN) : Bonjour, Monsieur le journaliste. Depuis 1983 quand l’unique société de construction de logement en RCA, notamment la SNH (Société nationale de l’habitat) a fermé ses portes, il n’y a aucune structure qui permet la construction de logement dans le pays. C’est vrai qu’on peut noter quelques actions isolées, telle que l’aide de l’Ambassade de la République Populaire de Chine qui nous a construit les ‘’100 Logements’’ sur la route de Boali. La République centrafricaine est l’un des rares pays au monde où il n’y a aucun programme immobilier. Cela a eu des grandes conséquences marquées par un déficit criant en matière de logement pour la population. Les dernières estimations que nous avons élaborées montrent qu’il faudra construire un million (1 000 000) de logements parce qu’il n’y a aucune initiative d’une manière légale pour permettre la construction du logement dans notre pays. Conformément à la norme fixée par l’ONU-Habitat qui prévoit que les politiques réelles en matière de l’habitat, chaque pays doit créer un Département ministériel à part entière en charge de construction de logement.

C’est ainsi qu’en RCA, il a été créé en 2009, le Ministère de l’Habitat et du Logement. Cette structure a eu à mener beaucoup de travaux et beaucoup de projets ont été initiés. N’eût été les récurrentes crises que nous avons connues, beaucoup de sociétés seraient déjà venues pour nous construire des logements. Nous avons élaboré un projet dont nous avons obtenu le financement auprès de Celtel-Afrique, cette structure de financements de logements basée à Nairobi au Kenya, pour construire 300 cent (300) logements sur deux sites, dont un à au quartier Boy-Rabe (à Bangui) et l’autre au village Kozobilo sur la route de Boali. Malheureusement, ce projet n’a pu aboutir du fait de la dernière crise que le pays a connue. Il y a beaucoup d’autres sociétés qui ont manifesté pour venir construire dans notre pays. Nous n’avons pas baissé la main, nous travaillons ardemment sur ces dossiers pour que ce déficit criant en matière de logements soit compensé.

CNC : Ce tableau sombre d’avant la crise s’est vue aggraver par la dernière crise illustrée par la destruction des maisons à Bangui et l’incendie des villages entiers dans les villes de provinces…

GTN : Exactement, suite à cette crise, nous avons revu en hausse ce déficit de logements. Il est ressorti par ailleurs trois types de problème de logements recensés, à savoir : D’abord, des maisons totalement détruites, c’est-à-dire que sur l’emplacement de la maison, il n’y a rien, même la fondation est emportée ;   ensuite des maisons saccagées dont l’ossature reste, mais les tôles, les portes et fenêtres, ainsi que les appareils sanitaires sont emportés et enfin ; il y a des maisons incendiées. Et lors de la réunion que nous avons eu récemment avec la cellule de la Coordination des affaires humanitaires, nous avons, avec le concours des Maires et Chefs de groupements et quartiers, fait l’état des besoins tant à Bangui que dans l’intérieur du pays. Ce qui nous a permis de revoir en hausse les besoins en matière de logements dans notre pays. C’est pour dire que les derniers événements survenus dans le pays n’ont fait qu’aggraver une crise qui existait déjà pour laquelle on se battait. Tout naturellement, cela nous demande de fournir beaucoup d’efforts, afin d’être à la hauteur de résoudre ce problème.

CNC : Etant donné le diagnostic que vous avez établi, qu’est-ce que le Département de l’Habitat fait concrètement, en vue de relever ce défi ?

GTN : Il faut savoir que beaucoup d’actions ont été menées par le gouvernement pour répondre au besoin du logement. D’abord, le Département a créé l’Agence de la promotion de l’habitat qui est l’appareil étatique qui s’occupait justement de ces questions. C’est vrai qu’on peut compter sur nos partenaires pour décrocher des financements, alors qu’il y a beaucoup de matériels locaux de construction dans notre pays et qu’il suffit de les mettre en valeur, afin de minimiser l’utilisation des matériels manufacturés (fer, ciment, et autres) qui coûtent bien cher. Cela passe nécessairement par des vastes campagnes de valorisation de ce potentiel local afin de permettre aux centrafricains de construire des maisons solides mais à faible coût. Entre temps, nous avons déjà monté plusieurs projets dont un projet économique, pour ne pas dire un projet social qui permettra aux ménages à faible revenu de s’offrir une maison décente.

Maintenant, nous nous battons pour avoir les financements de ce projet. Déjà, dans le cadre du partenariat public/privé que nous innovons actuellement, nos partenaires d’ETODIVI par exemple sont à l’œuvre pour nous construire dix mille (10 000 logements). Dans le cadre de ce projet, il ne sera pas seulement question de construire des logements, mais il s’agit de mettre à disposition des bénéficiaires des parcelles viabilisées (facilement accessible avec de l’eau et l’électricité). Entretemps, le gouvernement était déjà suffisamment avancé sur le projet de la réhabilitation de la Briqueterie de Boyali avec nos partenaires chinois pour la fabrication de briques et des tuiles à base de la terre. Il faut aussi reconnaitre que les Centrafricains construisent, mais de manière anarchique.

CNC : Monsieur le Directeur général, certes des efforts sont en train d’être faits tant du côté du gouvernement que du côté des partenaires privés. Mais, un millions de logements à construire, c’est énormes… Etes-vous optimiste de résorber ce besoin ?

 

GTN : Personnellement, je suis toujours optimiste. Mais entretemps, nous avons participé à plusieurs ateliers à l’extérieur. Et partant des expériences des autres pays qui ont pu asseoir une politique réelle en matière de logements, nous croyons qu’il suffit d’un petit levier pour déclencher tous les autres mécanismes. C’est-à-dire que lorsqu’un programme de logements que ce soit pour 300, 1 000 ou 10 000 logements sera lancé, cela va déclencher un dynamisme de construction en masse, sans oublier que d’autres avantages connexes, à savoir les mains d’œuvre vont être mobilisées.

Nous sommes optimistes qu’avec le retour progressif de la sécurité dans le pays, lorsque ces projets vont être exécutés, ce problème de logements sera résorbé. Cela pourra prendre du temps, 5, 10 ou 20 ans, mais nous allons résorber ce déficit criant de logements dans notre pays.

CNC : M. Gabriel Tanguy Ngouamidou, je vous remercie.


 

Réalisée par Fred KROCK

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