Centrafrique : Réquisitoire du procureur général de la cour de cassation lors de la prestation des juges de la cour pénale spéciale

Publié le 4 juillet 2017 , 6:12
Mis à jour le: 5 juillet 2017 5:00 am

Centrafrique : Réquisitoire du procureur général de la cour de cassation lors de la prestation des juges de la cour pénale spéciale 

 

Monsieur Léon DINCPI, ProcureurGénéral près la Cour de Cassation.
Monsieur Léon DINCPI, ProcureurGénéral près la Cour de Cassation.

 

Bangui, le 05 juillet 2017

 

Le Vendredi, 30 juin 2017, Faustin Archange Touadera a présidé au Tribunal de Grande instance de Bangui, la cérémonie de prestation de serment des magistrats de la Cour Pénale Spéciale de Bangui.

La mise en œuvre de la politique de l’impunité zero vient d’etre franchit.

Nous vous invitons à suivre l’intégralité de cette requisitoire

Réquisitoire aux fins de prestation de serment de 06 juges de la Cour Pénale Spéciale à l’audience solennelle du 30 Juin 2017 de Cour de Cassation. Par Léon DINCPI, Procureur Général près la Cour de Cassation.

Excellence Monsieur le Président de la République Chef de l’État, Président du Conseil Supérieur de la Magistrature;

Honorable Président de l’Assemblée Nationale;

Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement;

Madame et Messieurs les Présidents des Institutions Républicaines;

Monsieur le Ministre de la Justice, des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux, vice-président du Conseil Supérieur de la Magistrature;

Madame et Messieurs les membres du gouvernement;

Excellences Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Chefs de mission diplomatique;

Mesdames et Messieurs les représentants des Organismes Internationaux;

Monsieur le Président de la Délégation Spéciale de la ville Bangui;

Messieurs les Chefs des Cours;

Mesdames et Messieurs les Magistrats;

Monsieur le Bâtonnier de l’ordre des Avocats;

Madame la Présidente de la Chambre des Notoires ;

Mesdames et Messieurs les Avocats, Notoires et Huissiers de Justice ;

Mesdames et Messieurs les Greffiers et Chef, Secrétaires ;

Distingués invités;

Mesdames et Messieurs.

Excellence, Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat;

Les Membres de la Cour de Cassation par ma voix vous souhaitent une chaleureuse bienvenue au Palais de Justice. Vous êtes venu pour présider personnellement, malgré votre agenda chargé, l’audience solennelle de prestation de serment de 06 magistrats nommés à la Cour Pénale Spéciale ; cela dénote de votre part votre volonté de rendre opérationnelle le plus tôt possible celle-ci.

Les mêmes vœux de bienvenue s’adressent également à toutes les éminentes personnalités qui ont bien voulu rehausser de leur présence ladite audience.

La cérémonie qui nous réunit aujourd’hui en ce haut-lieu est prévue par les dispositions des articles 23 et 25 de la Loi Organique de la Cour Pénale Spéciale qui imposent respectivement aux Juges nationaux et aux Juges internationaux de ladite Cour, avant leur entrée en fonction, la prestation de serment devant la Cour de Cassation. Ils vont le prêter dans les termes cités ci-après prescrits par l’article 4 de la Loi Organique de celle-ci : «  Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de les exercer en toute impartialité, dans le respect de la constitution, de garder le secret des délibérations et des votes, de ne prendre aucune position publique et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat ».

Qui sont les 6 récipiendaires du serment?

1-Toussaint Muntazini Mukimapa est né le 24 Janvier 1955 à Djuma dans la République Démocratique du Congo. Il est intégré dans la Magistrature le 1er Janvier 1978. Son dernier poste fut celui du 1er Avocat Général près de la Haute Cour Militaire de la République démocratique du Congo avant d’être maintenant nommé Procureur Spécial près la Cour Pénale Spéciale.

Il est Magistrat militaire avec le grade de colonel.

2- Alain Ouaby-Bekaï est né le 6 Septembre 1964 à Bossangoa.

Il est intégré dans la Magistrature de l’ordre judiciaire le 1er Août 1990. Son dernier poste fut celui du 1er Conseiller à la Chambre civile et commerciale de la Cour de Cassation avant d’être maintenant nommé Procureur Spécial Adjoint près la Cour Pénale Spéciale.

Il est magistrat Hors Hiérarchie.

3-Alain Tolmo est né le 04 Septembre 1970 à Bossangoa. Il est intégré dans la magistrature de l’ordre judiciaire le 21 Décembre 2000. Son dernier poste fut celui d’Avocat Général près la Cour d’Appel de Bouar avant d’être maintenant nommé Substitut du Procureur Spécial près la Cour Pénale Spéciale.

Il est Magistrat du 1er Grade, 2ème échelon.

4- Jacob Sanny Damily est né vers 1957 à Ippy. Il est intégré le 20 Août 1993 dans la Magistrature de l’ordre judiciaire. Son dernier poste fut celui du 3ème Conseiller à la Chambre Sociale de la Cour de Cassation avant d’être maintenant nommé juge à la Chambre d’accusation Spéciale de la Cour Pénale Spéciale.

Il est Magistrat Hors Hiérarchie.

5- Patience Guerengbo est né le 28 Avril 1971 à Bangui. Il est intégré le 1er Août 2003 dans la Magistrature de l’ordre judiciaire. Son dernier poste fut celui du deuxième Avocat Général près la Cour d’Appel de Bangui avant d’être maintenant nommé Juge d’instruction à la Cour Pénale Spéciale. Il est Magistrat du 1er grade, 1er échelon.

6- Ngokpou Michel est né vers 1958 à Ngangui dans la sous-préfecture de Ouango.

Il est intégré le 24 Juillet 1997 dans la Magistrature de l’ordre judiciaire. Son dernier poste fut celui du 1er conseiller à la Chambre correctionnelle de la Cour D’Appel de Bangui avant d’être maintenant nommé Juge d’instruction à la Cour Pénale Spéciale.

Il est Magistrat du 2ème grade, 5ème échelon.

Chers collègues, récipiendaires du serment, je vous présente toutes mes félicitations pour votre brillante nomination à la cour Pénale Spéciale et particulièrement à Monsieur le Procureur Spécial, je lui souhaite la bienvenue sur territoire centrafricain.

Vous avez un grand défi à relever c’est celui de permettre au peuple centrafricain de tourner cette page sombre de son histoire pour qu’il retrouve enfin la paix et la sécurité. Ce peuple meurtri vous regarde avec des larmes aux yeux, espérant que vous puissiez mettre fin à ces souffrances, à ces hécatombes qui ont commencé et continuent de s’abattre sur lui. Qui de nous centrafricains n’a pas été touché dans sa chair de près sinon de loin par ce phénomène qui ne dit pas son nom.

Aux termes de l’article 3 de la loi Organisation de la Cour Pénale Spéciale, ladite Cour est compétente pour enquêter, instruire et juger les violations graves des droits humains et du droit international humanitaire perpétrées sur le territoire centrafricain depuis 1er Janvier 2003 et ces violations sont notamment les crimes de génocide , les crimes contre l’humanité et les crimes guerre.

Chers collègues, vous connaissez les définitions de ces 3 différents graves crimes et il m’est donc inutile de vous les rabâcher.

Vous allez bientôt prêter serment pour exercer vos fonctions conformément à la loi notamment en les exerçant en toute impartialité. Je veux souligner le mot impartialité. Qu’est ce que cela veut dire ? Cela voudrait dire que vous ne ferez aucune distinction entre les auteurs de ces graves crimes selon certains critères que je me permets d’en citer ici quelques-uns:

1) Vous ne favorisez aucun d’eux en raison de certains liens que vous avez eux par exemple des liens de parenté, d’alliance, de partis politiques, de religion.

2) Et non plus, vous ne pouvez examiner les affaires par inimité en prenant des décisions outre mesure sévères pour vous venger. Si vous vous retrouvez dans les cas qui viennent d’être cités, vous devez vous récusez pour laisser un autre magistrat neutre examiner les affaires à votre place.

3) Vous ne favorisez la personne ni pauvre, ni du riche, non plus la personne ni du petit ni du grand en ce sens que vous serez sans pitié pour tous ceux qui sont impliqués dans la commission de ces graves crimes, qu’il s’agisse des chefs des groupes armés ou de leurs éléments ou de tous autres.

4) Vous ne recevrez d’aucune personne impliquée dans la commission de ces crimes, un quelconque don ou tout avantage indu directement ou indirectement, c’est ce qu’on appelle en termes clairs la corruption prévue et punie par les articles 368, et 370 du code pénal. Vous savez, vous et moi, que le corrupteur comme le corrompu sont tous les deux punissables.

Cela étant, j’espère que la loi sera impliquée dans toute sa rigueur pour que tous les auteurs, co-auteurs et complices de ces graves crimes, sans exception aucune, soient arrêtés et traduits devant la Justice, étant entendu que ces graves crimes sont imprescriptibles selon les termes de l’article 3 de la Loi Organique de la Cour Pénale Spéciale et qu’ils sont en outre insusceptibles de grâce ou d’amnistie termes de l’article 162 de du code pénal centrafricain.

Je voudrais m’adresser à vous, chers collègues Juges nationaux de la Cour Pénale Spéciale, pour attirer votre attention sur le fait que s’il arrive que vous manquiez aux obligations évoquées ci-dessus découlant du serment que vous allez prêter, vous aurez la surprise que les dispositions de l’article 74 de la Loi portant statut de la magistrature de l’ordre judiciaire et celles de l’article 37 de la Loi du 8 Août 2009 modifiant la Loi Organique du 10 Mars 1997 du Conseil Supérieur de la Magistrature vous soient appliquées. En vertu de ces dispositions en cas de ce manquement, le Ministre de la Justice pourra vous traduire devant le Conseil Supérieur de la Magistrature et vous pourrez encourir, entre autres sanctions, la rétrogradation ou la révocation.

Et quant à vous, Monsieur le Procureur Spéciale, Magistrat international, s’il arrive qu’un tel manquement vous soit reproché, les dispositions de l’article 27 de la Loi Organique de la Cour Pénale Spéciale vous seront appliquées, ce qui permettra à Monsieur le Ministre de la Justice de vous dénoncer à la MINUSCA pour une procèdure disciplinaire.

Mais en tout cas, qu’il s’agisse des Juges nationaux comme des juges internationaux, il a été tenu rigoureusement compte de tous les paramètres notamment ceux de leur moralité lors de leur sélection pour leur nomination à la Cour Pénale Spéciale en sorte que, chers collègues récipiendaires du serment, vous étiez au-dessus de tout soupçon, et j’ose croire que vous ne tomberiez pas dans les pièges d’une poursuite disciplinaire.

Sur ce, le Ministre Public prend acte de ce que la lecture par Madame le Greffier en Chef a été déjà donnée des Décrets portant nomination des récipiendaires du serment.

Excellence, Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat;

Je requiers qu’il plaise à la Cour de les recevoir en leur serment, de les renvoyer à l’exercice de leurs fonctions, de me donner acte de mon réquisitoire, et de dire que de tout il en sera dressé un procès-verbal qui sera transcrit dans un registre spécial tenu au greffe de la Cour de Cassation pour y recourir en cas de besoin.

Je vous remercie de votre aimable attention.

Fait à Bangui, le 30 Juin 2017

LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION.

Léon DINCPI

Aucun article à afficher