Bangui (République centrafricaine) – L’institution judiciaire est moralement complice de la faillite démocratique en Centrafrique ? Dans la plupart des constitutions à travers le monde, la célèbre théorie de Montesquieu relative à la séparation des pouvoirs est solennellement proclamée par les préambules et consacrée à valeur constitutionnelle.
Rédigé par Bernard Selemby Doudou, juriste
Publié par Corbeaunews Centrafrique (CNC), le dimanche 13 novembre 2022
L’institution judiciaire est-elle moralement complice de la faillite démocratique?
Cette notion de séparation de pouvoir consacrée par l’article 16 de la déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen de 1789 consiste à baliser les limites du pouvoir exécutif, législatif et judiciaire afin d’éviter l’arbitraire et d’empêcher les abus liés à l’exercice des différentes fonctions.
C’est ainsi que par souci d’assurer un équilibre dans le fonctionnement des organes, il est consacré insidieusement une voie prépondérante au pouvoir judiciaire pour veiller à l’application de la loi dans la plénitude de sa rigueur, de veiller au respect des droits fondamentaux, de réparer les torts et punir les comportements interdits par la loi afin d’éviter la récidive. ( L’institution judiciaire).
Ainsi, au regard des missions définies de la justice, la notion de démocratie tire sa substance par opposition à un régime totalitaire et oligarchique.
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La justice muselée
Force est de constater que depuis l’ascension du régime issu de la constitution du 30 mars 2016, la justice centrafricaine graduellement muselée s’éclipse et cède son territoire à l’anarchie et à la terreur.
C’est ainsi que de multiples cas avérés de corruptions, de distributions de fonds publics moyennant votes et concussions à ciel ouvert sont impunément enregistrés à l’assemblée nationale. À cela s’ajoute l’enrôlement des mercenaires et l’entrée au gouvernement sans une gêne du pouvoir judiciaire des représentants des groupes armés en violation flagrante des dispositions constitutionnelles. Quant aux différents communiqués incendiaires, menaçants et incitants à la haine des requins et autres milices associées, le pouvoir judiciaire est aux abonnés absents. ( L’institution judiciaire).
L’instrumentalisation de la justice selon ses humeurs en dépit de son indépendance a atteint son apogée par la libération considérée comme un coup de pied d’âne à la communauté internationale du ministre de l’élève (ancien rebelle) pourtant arrêté par le tribunal pénal spécial pour des crimes contre l’humanité. ( L’institution judiciaire).
La goutte d’eau de violation des règles démocratiques qui a débordé le vase est le limogeage spectaculairement et notoirement illégal de la présidente de la cour constitutionnelle sans aucune réaction du corps des magistrats qui pourtant donne vie à l’institution judiciaire.
Désormais, la haute juridiction judiciaire est dirigée par une autorité constitutionnellement illégitime et par voie de conséquence tous les actes posés par cette cour seront illégaux.
Du haut de toutes ces violations des normes établies, le mutisme et l’inertie du pouvoir judiciaire interroge :
– Pourquoi la justice ne s’inquiète t-elle pas du projet de réécriture de nouvelle constitution en vue de s’arroger un troisième mandat ?
– Quelle justice peut-on s’attendre d’un ministre lorsque ce dernier est un potentiel client de la cour pénale internationale pour des crimes contre l’humanité ?
– Une constitution sans son organe de contrôle et son baromètre-régulateur est-elle légitime de servir comme fondement de la démocratie ?
Au delà de tous ces errements et comme le ridicule ne tue pas, cette même justice nonchalante et moribonde se réveille d’un sommeil décennal pour traquer la diaspora en la reprochant d’organiser la résistance de façon pacifique.
Que Dieu protège notre fragile démocratie chèrement acquise au prix du sang de milliers de nos concitoyens et nous épargne des éventuels troubles sanglants.
Mais attention ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites surtout pas que c’est moi.
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