Centrafrique : les raisons d’une instabilité persistante

Publié le 11 octobre 2014 , 4:30
Mis à jour le: 11 octobre 2014 4:35 pm

Quid Maroc  /  Corbeau News

les troupes française de la Sangaris en Centrafrique

En Centrafrique, la situation ne cesse de se dégrader depuis trois jours. La présidente est toujours contestée et les Casques bleus visés par des attaques

A vingt années d’instabilité et de violences entre 1993 et 2013, s’ajoute l’escalade qui secoue la République centrafricaine depuis maintenant trois jours. En effet, l’élément déclencheur de la montée des violences est le coup d’Etat de mars 2013, qui a renversé le régime de François Bozizé et renforcé les milices de la Séléka. Sur le terrain, c’est la troisième guerre civile à laquelle assiste le pays, au moment où la présidente de transition Catherine Samba-Panza est de plus en plus contestée par la population. Beaucoup parmi les centrafricains disent avoir perdu leur confiance en Samba-Ranza. Ils lui reprochent des détournements de fonds, en plus de son inefficacité à maintenir la paix dans le pays.

La Séléka vs Les anti-balaka

Pour comprendre les rapports de force existants en République centrafricaine et les raison de l’instabilité qui y règne, il faut connaître le poids de la Séléka et des anti-balaka. La première est une milice regroupant les partis politiques et les rebelles, qui ont exprimé en 2012 leur opposition au président déchu François Bozizé. Parmi ces rebelles, on retrouve des mercenaires venus de Lybie, du Tchad et du Soudan. Ils forment une coalition à vocation religieuse islamique, dans un pays où 80% des habitants sont de confession chrétienne. La Séléka a 20 000 personnes à son actif. Sa dissolution avait été annoncée en 2013. Mais sur le terrain, cette dissolution n’a rien changé à la situation instable de la Centrafrique. D’ailleurs, le coup d’Etat contre François Bozizé porte l’empreinte de la Séléka. Ses milices avaient eux-mêmes revendiqué la prise du palais présidentiel, le 24 mars. L’enquête ouverte par Cour pénale internationale (CPI) sur les massacres commis dans la région entre 2012 et 2014 pointe du doigt la Séléka également. Elle estime que la milice est impliquée dans des « crimes de guerre », selon le Statut de Rome qui énumère les agissements considérés comme tels et où la CPI est compétente au niveau des enquêtes, des poursuites, du lancement des mandats d’arrêt, des demandes d’extradition et des procès.

Quant aux groupes anti-balaka, ils ont été créés bien avant la Séléka. Depuis 2009, cette milice chrétienne regroupe plusieurs paysans centrafricains. Ses porte-parole estiment que les anti-balaka sont entre 50 000 et 70 000 personnes, essentiellement basées dans la capitale Bangui. Ils prétendent vouloir s’auto-défendre en combattant les ‘coupeurs de route’. Depuis 2013, c’est contre la Séléka qu’ils ont commencé à prendre les armes. Le pays a donc replongé dans une guerre civile de plus, après celles de 2003 et de 2012. De nombreux coups d’Etat militaires et mutineries ont précipité ces guerres civiles qui ont fait plusieurs morts et déplacés parmi les populations. Ce n’est donc pas un hasard si l’enquête ouverte par la CPI met en cause la Séléka autant que les anti-balaka, au même niveau d’implication dans les crimes commis ces deux dernières années.

Catherine Samba-Panza perd la confiance populaire

Catherine Samba-Panza est actuellement présidente de transition en Centrafrique. Avant son accession au poste, la Séléka s’était emparée du palais présidentiel et destitué François Bozizé. Le président déchu avait lui aussi accédé au pouvoir après un coup d’Etat militaire, en 2003. En 2011, Bozizé a été réélu avec 64% des voix lors de la présidentielle, durant laquelle il a battu Ange-Félix Patassé, l’ex-président qu’il avait lui-même destitué huit ans auparavant. Après une année au pouvoir, Bozizé était critiqué par la Séléka. Elle lui reprochait son non-respect des accords de cessez-le-feu, passés en 2007 et en 2011 entre milices, opposition et gouvernement. La Séléka a donc repris les armes et contrôlé plusieurs grandes villes du pays, en coalition avec d’autres mouvements armés et rebelles de l’opposition. Après plusieurs accords et négociations de paix voués à l’échec, la milice pro-islamique a fait son entrée à Bangui le 23 mars 2013. Un jour après et alors que François Bozizé était en dehors du pays, le groupe a annoncé la prise du palais présidentiel. Rapidement, le militaire et membre de la Séléka Michel Djotodia a pris la fonction de président pas intérim. C’est ainsi que la guerre interconfessionnelle opposant la Séléka aux anti-balaka et à l’armée de Bozizé a éclaté. C’est ainsi également que l’ONU a adopté en décembre de la même année une résolution pour le maintien de la paix. Elle a prévu le déploiement de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA). Dans le cadre de cette mission, la France a déployé de son côté 1 200 membres de son armée pour « l’opération Sangari ». Celle-ci qui avait comme objectif de désarmer les milices à Bangui et « permettre l’acheminement de l’aide humanitaire ».

Après l’initiation d’un processus de paix, Michel Djocodia a été pressé pour présenter sa démission. Le Conseil national de transition (CNT) a été créé et s’est occupé d’organiser des élections présidentielles transitionnelles. Catherine Samba-Panza a été élue en 2014 et a tout de suite appelé la Séléka et les anti-balaka à déposer les armes. Elle a été d’ailleurs derrière la requête auprès de la CPI pour lancer une enquête contre les crimes de guerre commis en Centrafrique, entre 2012 et 2014. En revanche, les hostilités interconfessionnelles n’ont fait que croitre depuis le début de l’année. La population civile autant que les Casques bleus ne sont pas encore épargnés par les attaques attribuées à la Séléka. C’est ainsi que les civiles et même les ex-membres de la Séléka demandent aujourd’hui la démission de la présidente, en l’accusant notamment de détournement de fonds. Samba-Panza nie les accusations, alors que le magazine Jeune Afrique a révélé « la gestion opaque de 10 millions de dollars accordé par l’Angola » à la Centrafrique. L’affaire démontre qu’un quart de ce don n’est pas allé directement aux caisses de l’Etat, alors que la somme avait été octroyée « en mains propres » pas le président angolais à cet effet.

Dans un contexte où les violences interconfessionnelles sont mêlées à une gestion politique et économique controversées, le FMI et la Banque Mondial disent avoir l’intention de se pencher sur le cas des soupçons mettant en cause Catherine Samba-Panza. Entre temps, l’instabilité persiste dans le pays. Hier soir, des échanges de tirs d’armes lourdes ont été entendus à Bangui et l’aéroport a été fermé. La veille de ces accrochages dont le bilan n’est toujours pas connu, la MINUSCA et les forces françaises ont été attaquées par des milices armées, faisant état d’un mort parmi les Casques bleus.

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