CENTRAFRIQUE : LES BLOCAGES ET LA PERSISTANCE DU CHAOS EXIGENT UNE AUTRE GOUVERNANCE

Publié le 27 juin 2017 , 7:07
Mis à jour le: 27 juin 2017 7:07 pm

 CENTRAFRIQUE : LES BLOCAGES ET LA PERSISTANCE DU CHAOS EXIGENT UNE AUTRE GOUVERNANCE

 

Monsieur Joseph Akouissonne, l'auteur de l'article.
Monsieur Joseph Akouissonne, l’auteur de l’article.

 

 

Bangui, le 28 juin 2017.

Par : Joseph Akouissonne, CNC.

 

UN PAYS DÉVASTÉ

          Lors de l’élection du Président Faustin-Archange Touadera, le choix des citoyens avait soulevé un immense espoir en République Centrafricaine. Ses premières adresses à la population avaient été applaudies. Mais, depuis quelque temps déjà, l’espoir a vacillé. 

          Car les drames sanglants se succèdent sans répit : violences indicibles, massacres de populations par des bandes armées assoiffées de pouvoir,  villages incendiés. Les populations abandonnées sont devenues des parias errant dans leur propre pays.  Les villes sont occupées par les ex-Sélékas et les Antibalakas, qui y appliquent la loi du plus fort et entretiennent une terreur sans nom.

          Les Casques bleus, les forces internationales chargées par l’ONU de protéger les populations et de ramener la paix (SIRIRI) s’enlisent. On se pose, on se posera toujours et à juste titre cette lancinante question : pourquoi la MINUSCA et les forces internationales n’arrivent-elles pas à bout de bandes armées disparates, alors qu’elles disposent d’une formidable armada ? Pourquoi laissent-elles ces desesperados sanguinaires tenter de sauver leur tête en écumant le pays pour y répandre leurs violences aveugles ?

          Il sera difficile d’empêcher les Centrafricains de soupçonner des connivences au plus haut niveau : les errements du Gouvernement de la Transition, la place faite aux rebelles, qui manigançaient pour torpiller de l’intérieur les actions du Gouvernement, n’ont pu que laisser place au doute. La ville de Bambari n’a-t-elle pas été cédée sans contrepartie au criminel Ali Daras ? Au lieu de désarmer les rebelles, ne les a-t-on pas laissés se retirer avec armes et bagages dans les provinces qu’ils occupaient et dont ils violentaient les populations ? Soutenus et équipés par Idriss Deby et les pétromonarchies du Golfe, ils ont pu, sans difficulté, faire face à un gouvernement centrafricain sans armée, donc impuissant, incapable de protéger son peuple et de désarmer ces rebelles arrogants qui semaient la terreur.

          Il faut bien le reconnaître : le président Touadera, sous la tutelle de la MINUSCA et de la France, ne semble pas être en mesure d’exercer pleinement son pouvoir. Ses directives concernant la lutte contre les bandes armées ne sont pas appliquées par les forces internationales qui donnent ainsi l’impression de jouer double jeu.  Le DDRR qui avait soulevé tant d’espoir est devenu caduc : les rebelles n’ont pas été désarmés. Les Centrafricains sont en droit de soupçonner les forces internationales d’organiser en secret des conciliabules avec les rebelles sur le dos du gouvernement souverain de la République Centrafricaine. Leur but ? Sortir par le haut du bourbier centrafricain, quitte à accepter les ambitions scandaleuses des ex-Sélékas, avides de procéder à la partition du pays en leur faveur.

 

UNE AUTRE GOUVERNANCE

          La nocivité de la tutelle infernale apparaît au grand jour. La République Centrafricaine a beaucoup de mal à jouir de la plénitude de son indépendance d’État souverain. C’est compliqué pour un président légitime de se faire entendre. Mais, démocratiquement élu, il devrait pouvoir prendre le peuple à témoin et appliquer le programme pour lequel il a été choisi. Il devrait avoir le courage d’exiger la démission d’un gouvernement devenu obèse et incompétent.

          La reconstruction de la République Centrafricaine demandera sans doute beaucoup d’abnégation. Pour une bonne gouvernance, dans un pays tel que le Centrafrique, il faudra absolument tirer les leçons du passé calamiteux des précédents pouvoirs, qui se sont évertués à piller les caisses de l’État et à faire le lit de l’impunité et de l’injustice sociale, aboutissant ainsi au chaos sanglant dans lequel s’est enfoncé le pays. 

          Mais, depuis l’élection de Touadera, les Centrafricains ont comme un goût amer : les choses ne semblent pas avancer. 60% du territoire sont occupés par les ex-Sélékas. De jour en jour, la violence gagne du terrain. La communication et les actions du Gouvernement ne sont pas à la hauteur du drame qui frappe le pays. Sur les massacres du Mbomou et la Haute Kotto,  aucune initiative, aucun commentaire fort, à la mesure des horreurs subies.  Sur l’accord de paix de Rome, qui annonce pourtant des lendemains douloureux, aucune déclaration solennelle du président de la République ou des membres du Gouvernement.   

          L’admirable résilience des Centrafricains a ses limites. Leur pays leur donne l’impression de n’être pas gouverné. Le pire n’est-il pas à craindre ?

                                                                                                                                JOSEPH AKOUISSONNE

(27 juin 2017)

 

 

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