CENTRAFRIQUE : LE REPORT DES ÉLECTIONS CONSÉQUENT À LA DÉTÉRIORATION DU CLIMAT SÉCURITAIRE EST-IL NÉCESSAIREMENT SYNONYME D’UNE TRANSITION POLITIQUE ?

Publié le 26 décembre 2020 , 2:29
Mis à jour le: 26 décembre 2020 2:29 am
Madame Danielle Darlan, Présidente de la cour constitutionnelle, le 03 décembre 2020. Photo CNC / C.J. Y apendé
Madame Danielle Darlan, Présidente de la cour constitutionnelle, le 03 décembre 2020. Photo CNC / C.J. Y apendé

 

Bangui, République centrafricaine, samedi, 26 décembre 2020 ( Corbeaunews-Centrafrique). Les élections présidentielles et législatives étaient prévues pour le dernier week-end de l’année plus précisément le 27 décembre 2020. La campagne électorale montait en puissance avec des folklores carnavalesques quand brusquement le climat sécuritaire se dégrade vertigineusement avec la reprise des hostilités militaires corollaire d’occupation territoriale par la nouvelle coalition armée dénommée Coalition des Patriotes Centrafricains (CPC). On note par ailleurs de violents combats meurtriers sur plusieurs fronts qui opposent la coalition des groupes armés à l’armée nationale appuyée par les forces onusiennes, les mercenaires russes et rwandaises.

 

Inquiétés et apeurés par ce regain de violence sanglante, la Coalition de l’Opposition Démocratique (COD 2020) et certains candidats ont suspendu leur campagne électorale et par voie de conséquence réclament le report des élections qui selon eux ne peut se tenir sereinement dans ce climat de psychose chronique en rappelant au passage que l’article 35 de la constitution déclare que le président de la république doit être élu au suffrage universel… et qu’on ne peut priver certains territoires du droit de vote.

Pour assoir cette logique de report, un candidat astucieux a exploité les failles de la législation électorale pour retirer sa candidature aux présidentielles donnant ainsi une légitimité juridique au report du scrutin tant prôné par une frange de l’opposition démocratique.

Par voie de conséquence, la cour constitutionnelle est saisie pour juger de l’opportunité d’appliquer les dispositions de l’article 115 du code électoral.

En effet l’article 115 du code électoral dispose que : « en cas de décès, d’empêchement définitif ou de retrait de l’un des candidats entre la publication de la liste des candidats et le premier tour, l’organisation des élections est entièrement reprise avec une nouvelle liste de candidats, sur décision de la cour constitutionnelle, saisie sans délai par l’Autorité Nationale des Élections où toute partie intéressée ». Animé par le désir de comprendre l’incompréhensible, le citoyen lambda s’interroge :

Le report des élections réclamée par l’opposition pour vider la psychose d’insécurité est-il nécessairement synonyme de l’ouverture d’une transition politique ? Une élection organisée dans ce contexte ne prépare t-elle pas le lit de la contestation suivie de tragédie sanglante et de violences post-électorales ? Le soutien apparent de la communauté internationale au processus électoral suffit-il pour crédibiliser une élection même mal organisée ? Face à l’entêtement du pouvoir, une élection organisée à Bangui et quelques villes est-elle représentative de l’ensemble du territoire national ? Est-il démocratique d’organiser une élection attendue par la communauté internationale sans la présence de l’opposition démocratique ? Pourquoi ne pas ouvrir une discussion pour négocier une issue consensuelle ?

S’agissant de la psychose de coup d’état qui hante la population de la capitale et rappelant au passage les mauvais souvenirs de 2013, l’on s’interroge pourquoi les autorités n’ont pas instauré un couvre-feu avec un quartier consigné pour les militaires afin de sécuriser et rassurer la population ?

Au delà de toutes ces interrogations, nous tenons à souligner que nous sommes farouchement hostiles à la prise du pouvoir par les armes mais nous ne pouvons accepter non plus qu’on organise une élection dans des conditions aussi chaotiques. L’enjeu ou la question ne se pose pas en terme « d’aller ou pas » aux élections à la date prévue. Plutôt c’est la crédibilité et la légitimité d’une telle élection diamétralement opposée aux standards internationaux au regard de la reconnaissance internationale, surtout des investisseurs, bailleurs et partenaires au développement.

Pour finir, il importe de rappeler qu’aucun texte n’impose de façon obligatoire la date de l’élection définie par le chronogramme de l’Autorité Nationale des Élections…un glissement de quelques jours pour normaliser la situation sécuritaire tout en respectant le délai constitutionnel demeure possible. La loi ne prévoit l’ouverture d’une concertation qu’en cas de dépassement du délai constitutionnel c’est à dire du 30 mars 2021. S’agissant de l’application de l’article 115 du code électoral, la cour constitutionnelle est tenu de retirer le candidat défaillant sur l’unique bulletin de vote. La confection des nouveaux bulletins de votes nécessiterait du temps et des dépenses supplémentaires non prévues…le respect de la lettre et l’esprit de l’article 115 du code électoral rendrait improbable l’organisation du scrutin à bonne date.

Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites surtout pas que c’est moi.

 

Paris le 25 décembre 2020.

Bernard SELEMBY DOUDOU.

Juriste, Administrateur des élections.

Tel : 0666830062.

 

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