CENTRAFRIQUE : LA DÉCISION DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE DESTITUANT UN DÉPUTÉ EST-ELLE JUSTE, LÉGALE OU FONDÉE EN DROIT ? 

Publié le 14 août 2021 , 7:54
Mis à jour le: 14 août 2021 7:54 pm

 

Bangui, République centrafricaine, dimanche, 15 août 2021 ( Corbeaunews-Centrafrique). La cour constitutionnelle qui est la plus haute juridiction de l’architecture juridique a statué et a rendu une décision prononçant la déchéance d’un député proclamé élu à l’issue des élections législatives partielles du 23 mai 2021. En effet, il s’agit de la décision N*116/CC/21 du 12 août 2021 rendue suite à la saisine en date du 13 juillet 2021 de la cour par son adversaire aux élections législatives. La requête en déchéance du député de la deuxième circonscription du troisième arrondissement de Bangui a puisé ses griefs dans le rapport d’environ cent cinquante (150) pages des experts du conseil de sécurité de l’ONU qui accuse en évidence le député d’être le conspirateur, la caution morale de la coalition des groupes armés et commanditaires ou auteur intellectuel de la tentative de coup d’état du 13 janvier 2021. En conséquence de ce qui précède, le requérant évoque quelques textes constitutionnels, textes organiques sans occulter une jurisprudence constitutionnelle où un député de Nana bakassa réputé anti balaka a vu sa candidature invalidée.

Ibrahim Ould Alhissene Algoni, député de la deuxième circonscription du troisième arrondissement de Bangui
Ibrahim Ould Alhissene Algoni, député de la deuxième circonscription du troisième arrondissement de Bangui

 

En effet, l’article 68 de la loi organique N*17.004 du 15 février 2017 portant organisation et fonctionnement de la cour constitutionnelle évoque que la constatation de l’inéligibilité est une cause d’annulation des élections et par voie de conséquence l’article 28 alinéa 3 de la constitution du 30 mars 2016 interdit l’accès à toutes fonction publique, dans les institutions à tous ceux qui ont comploté contre l’Etat. Ébaubi par l’agencement non cartésien et du manque de fluidité juridique dans les raisonnements de la cour constitutionnelle, le citoyen lambda s’interroge :

La décision de la cour constitutionnelle qui est sensé être le régulateur de l’harmonie sociale et institutionnelle est-elle fondée en droit ?

Le rapport des experts de l’ONU tant vilipendé par toutes les structures d’état s’est-il paradoxalement mué en instrument juridique pour convaincre la cour constitutionnelle ?

À l’exception de la politique politicienne ou du « politiquement correct », la cour constitutionnelle est-elle véritablement compétente pour statuer sur la déchéance d’un député mis en cause pour des infractions pénales ?

Les griefs évoqués pour justifier cette décision politiquement préfabriquée ne s’apparentent-ils pas à des parfaits alibis pour légaliser une parodie ?

À défaut de forclusion, comment comprendre la recevabilité de la requête alors que le délai (imposé par l’article 92 du code électoral) de trois (3) jours franc après la publication de la liste provisoire par l’ANE est largement dépassé ?

Qu’avez-vous fait des dispositions de l’article 19 de la loi organique qui régit le fonctionnement de la cour constitutionnelle qui soutient que « les décisions de la cour ne sont susceptibles d’aucun recours… »?

Qu’est-ce qui justifie cet acharnement ciblé sur le même député ?

Au regard des précédents, la démocratie n’est-elle pas en danger ?

Au delà de ces multiples questionnements et en tout état de cause, cette analyse ne remet pas en cause la véracité des accusations révélées par le rapport des experts de l’ONU ni ne plaide en faveur du député déchu mais la méthode ou l’approche de la cour constitutionnelle pour assouvir des appétits politiques déshonore la justice centrafricaine tant sur le plan national qu’international.

Logiquement, cette dernière devrait seulement se résoudre à constater l’incompatibilité en vue de déchoir le député de son statut après une condamnation judiciaire devenue définitive puisque les faits mis en relief sont de qualification pénale et par voie de conséquence relève de la compétence des juridictions pénales. Pourtant, dans ses considérants, la cour constitutionnelle a bien pris soin de récapituler les chefs d’accusation comme crime, complot, atteinte à la sûreté intérieure de l’état…tous prévus et punis par des lois pénales…mais hélas. La loi est dure mais c’est la loi même si la justice n’est toujours pas juste et équitable.

Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande m, ne dites surtout pas que c’est moi.

 

Paris le 13 août 2021.

Bernard SELEMBY DOUDOU.

Juriste, Administrateur des élections.

Tel : 0666830062.

 

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