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« Y a-t-il eu délit ? », doit se demander le contribuable centrafricain, témoin des faits et gestes de la première Dame dans un Etat centrafricain en déliquescence. Difficile sans doute d’absoudre Catherine Samba-Panza, tout comme on ne peut passer sous silence la forfaiture de ceux qui détournent l’argent que la communauté internationale a envoyé en Sierra Leone pour aider à lutter contre le virus Ebola. Mais, devant ce paysage de cadavres, de troubles et de violence, Catherine donne la triste impression d’avoir cherché à s’en mettre plein les poches.
Son image de première dirigeante d’un pouvoir en transition, et de femme africaine battante, en sort quelque peu ternie. La faute commise est grave, car elle n’est pas que politique ; c’est aussi une faute morale. C’est en effet sur elle, premier personnage de l’Etat, que repose la réhabilitation de l’administration centrafricaine. On retiendra qu’il y a des situations où l’argent n’apporte pas de solutions véritables. Bien au contraire, il engendre des problèmes. La RCA végète aujourd’hui justement à cause de cette faillite politique et morale dont a toujours fait preuve sa classe politique.
Catherine de Bangui n’avait sans doute pas cru un seul instant que le ciel lui tomberait sur la tête, lorsqu’on lui confiait le gouvernail du bateau centrafricain. Aujourd’hui, c’est tout comme, avec les quolibets dont elle est victime.
Le drame avec Dame Catherine, c’est l’amateurisme et la naïveté avec lesquels son entourage a géré la manne angolaise. Car, il faut le reconnaître, si elle est la principale utilisatrice de ces fonds, sans doute ne doit-elle pas être totalement au fait de toutes ces procédures technico-administratives dans lesquelles un honnête citoyen peut se voir embarqué à son corps défendant.
Une vraie honte dans cette Afrique où les autorités ne cessent de clamer la pauvreté de nos populations pour justifier leur demande d’aide auprès de pays nantis. Elle aurait dû s’expliquer plus tôt, ce qui aurait eu l’avantage de limiter les critiques. Or, elle attendra que les critiques fusent de toutes parts pour enfin réagir.
L’existence des fonds spéciaux est pourtant une réalité dans nos pays. Leur utilisation au sommet de l’Etat est aussi bien connue de ceux qui ont un minimum de connaissance du fonctionnement de notre administration publique, tributaire de certaines pratiques héritées de la colonisation. Toutefois, il faut en convenir, à Bangui, on a fait preuve de légèreté. Les agissements du pouvoir central à Bangui traduisent le mépris et le détachement dont font montre les élites politiques africaines, face aux souffrances qui perdurent au niveau du citoyen lambda. C’est le fruit de cette culture de l’impunité qu’on ne voudrait pas voir se généraliser à l’ensemble du continent.
Catherine Samba-Panza aura prêté le flanc
Jeter la pierre à la première dame de Centrafrique, n’est-ce pas aussi indexer la mal gouvernance à l’échelle du continent ? Dans la plupart de nos républiques bananières, il y a en effet manque de rigueur et de transparence dans l’utilisation des deniers publics. Parmi les gouvernants et ceux qui ont en charge la gestion des ressources nationales, rares sont ceux qui se préoccupent de l’existence ou non de délits d’initié ou d’abus de biens sociaux. Péché originel donc, que celui qui vient d’être commis à Bangui, si les présomptions de culpabilité sont fondées. Catherine Samba-Panza risquerait alors d’être disqualifiée pour conduire la réhabilitation de l’Etat centrafricain. Pour avoir mordu indûment à l’appât du gain, elle a contribué à fragiliser le peu de crédibilité que son équipe avait réussi, non sans peine, à concocter au fil du temps. Dans le contexte de non droit qui est celui de la RCA d’aujourd’hui, elle aura finalement prêté le flanc à tous ceux qui s’opposent à son avènement à la tête du pays. Comme les anti-balakas qui ont beau jeu aujourd’hui de se faire passer pour des gens soucieux d’un minimum de transparence.
Des faits enregistrés à Bangui, il faut tirer leçon car de telles pratiques ont cours presque partout dans nos républiques bananières. Il y a toujours de l’argent mais pas pour tout le monde. Ceux qui en disposent, parce qu’ils sont aux avant-postes, doivent tout de même veiller à l’utiliser à bon escient. Les divers rongeurs du bien public agissent en parfaite connaissance de cause. Très affairés, ils disposent d’un vaste réseau de complices qui ont tout aussi intérêt à entretenir et à transmettre le rituel « ça a toujours été comme ça », « même votre prédécesseur agissait ainsi ! ».
Oser les affronter seul, signifie parfois prendre des risques bien inutiles, des gens insoupçonnés pouvant se trouver dans l’échafaudage. Le labyrinthe est bien entretenu, et le système fonctionne et se perpétue tant qu’il ne vient à l’esprit de personne de briser l’omerta qui règne dans le milieu. Ainsi, se perpétue la race des prédateurs des économies nationales. L’Afrique d’aujourd’hui qui fait de la transparence un credo, devrait absolument revoir la gestion des fonds spéciaux et autres caisses noires attribués aux principaux dirigeants.
La vie de l’Etat est ainsi faite en Afrique où les charançons sont parfois là où on s’attend le moins. En tout cas, l’occasion aura ainsi été donnée aux Anti-balakas, ces groupes armés sans scrupules et dont les mains sont tâchées de sang, de s’ériger en donneurs de leçons de morale et de se faire les porte-voix de la bonne gouvernance. Catherine Samba-Panza qui se bat pour chercher des subsides au profit de l’Etat centrafricain, devrait faire beaucoup attention. Etant donné justement le dépérissement de l’Etat et l”existence d’ogres en son sein, elle devrait agir de manière à éviter le chapeau qu’on voudrait lui faire porter. La double faute qu’elle vient de commettre pourrait bien compromettre le pouvoir angolais. Par ces temps de scrutin, l’opposition pourrait inviter le président Dos Santos à s’expliquer, ce qui inciterait d’autres gouvernements amis à plus de réserve.
Finalement, la première Dame de Centrafrique se sera comportée comme les autres, dans une Afrique où nombre de dirigeants font de l’Etat et du bien public leur propriété personnelle. Dans son cas en particulier, son entourage aura fait preuve d’un amateurisme vulgaire et d’une négligence coupable. Le mérite d’une telle déconvenue, ce serait au moins d’en profiter pour faire observer encore plus de rigueur et de transparence dans la gestion des fonds publics dans nos pays.