CENTRAFRIQUE : DES INQUIÉTUDES SUR LA PROBLÉMATIQUE DE LA TRANSPARENCE ET DE LA RÉGULARITÉ DES ÉLECTIONS QUALIFIÉES DE TOUS LES DANGERS. 

Publié le 29 août 2020 , 1:20
Mis à jour le: 29 août 2020 1:20 am
Monsieur Bernard Selembi Doudou, l'auteur de l'article. Photo de courtoisie.
Monsieur Bernard Selembi Doudou, l’auteur de l’article. Photo de courtoisie.

 

Bangui, République centrafricaine, samedi 29 août 2020 ( Corbeaunews-Centrafrique ). A la lecture du chronogramme prévisionnel de l’Autorité Nationale des Élections (ANE), les élections présidentielles et législatives sont prévues pour le premier tour du scrutin au 27 décembre 2020. Cette échéance électorale sensée enraciner notre jeune démocratie rencontre d’innombrables problèmes de lisibilité, de transparence dans le processus électoral d’où l’inquiétude des principaux acteurs de la vie politique centrafricaine, de la communauté internationale, des partenaires au développement ainsi que de la presse qui la qualifie d’élection de tous les dangers.

 

S’inscrivant dans la suite logique du raisonnement, il urge d’ores déjà de rappeler des difficultés d’ordre organisationnel liées à l’occupation excédentaire du territoire national par les groupes armés non conventionnels à hauteur de 80% constituant de facto une partition de fait de notre patrimoine commun. A cela s’ajoutent les retards conjugués liés entre autres au retrait inexpliqué du projet de la loi électorale par le gouvernement, le retard enregistré dans l’enrôlement des électeurs, les soupçons manifestes de fraude des inscriptions sur le liste électorale caractérisés par une baisse drastique et inexpliquée du corps électoral par rapport à 2015.

Malmené tout le long du quinquennat par les groupes armés non conventionnels signataires de l’accord de Khartoum qui ne respectent pas leurs engagements contractuels, le pouvoir de Bangui peine notoirement à garantir l’intégrité du territoire national telle que prévue par les termes de la prestation de serment, ni le déploiement de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire national pour favoriser l’organisation d’une élection transparente, crédible et apaisée dans le délai constitutionnel. De la lecture synoptique du processus électoral, on constate que le pouvoir de Bangui avait très tôt perçu la difficulté à organiser les élections groupées dans le délai constitutionnel.

En prévision de ce qui précède, le pouvoir de Bangui a commencé à esquisser des scénarios et des stratagèmes favorisant un glissement insipide du calendrier électoral. C’est ainsi que la pandémie du coronavirus était une aubaine ou un parfait alibi pour la classer dans la catégorie des « circonstances exceptionnelles » en modifiant certaines dispositions substantielles de la constitution. Devant la grogne populaire et le rejet du projet par les élus de la nation, la Cour constitutionnelle a tranché dans son avis du 5 juin 2020 recommandant par voie de conséquence une large concertation nationale entre le pouvoir et les forces vives de la nation.

A quatre mois de la date fatidique du premier tour du scrutin, c’est le statuquo avec les germes d’une crise qui règne (frustration et contestation) car le pouvoir semble rejeter la concertation et réitère avec certitude que les élections vont se tenir à bonne date malgré les manquements graves constatés qui ont même inquiété la diplomate américaine accréditée en Centrafrique dans sa dernière sortie médiatique. De l’autre côté, l’opposition démocratique et les forces vives de la nation campent sur leur position en rejetant toute élection dans des conditions décrites et réclament un dialogue franc avec le pouvoir.

Devant l’impasse politique et sécuritaire, le citoyen lambda s’interroge :

Pourquoi ce véritable rapport de force entre le pouvoir et l’opposition démocratique ? Au regard de ce qui précède, qui arbitrera le conflit entre le pouvoir et l’opposition démocratique ? Le pouvoir attend t-elle encore une injonction des puissances occidentales au risque d’une énième ingérence dans les affaires intérieures ? En dehors de la concertation tant souhaitée par la Cour constitutionnelle, que se passera-t-il à la fin du quinquennat et surtout à la fin du mandat de l’ANE ? L’autorité Nationale des élections est-elle encore crédible pour garantir la transparence des élections vu que sa légalité est fortement contestée par la coalition de l’opposition ? L’opposition démocratique a t-elle les moyens nécessaires pour sécuriser ou pour contrôler la régularité du processus électoral parallèlement à la Cour constitutionnelle ? Au regard du code électoral, les ténors de l’opposition seront-ils au rendez-vous électoral pour éviter des tensions électrostatiques latentes ?

Au delà de ces questionnements, nous estimons que les échéances électorales à venir ne seront transparentes, crédibles, apaisées et bénéfiques à tous que lorsque tous les acteurs de la vie politique sont associés de façon consensuelle au processus électoral. Cette mutualisation d’énergie caractérisera notre volonté commune à construire notre démocratie car le contraire consolidera et confortera les fossoyeurs de la république dans leur posture.

Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites surtout pas que c’est moi.

 

Paris le 28 août 2020.

Par Bernard Selembi Doudou

Aucun article à afficher