Catherine Samba-Panza : Une transition sur fond de scandales. (Partie II).

Publié le 27 juin 2020 , 1:03
Mis à jour le: 27 juin 2020 1:03 am
l'ancienne Présidente catherine samba-panza pour ses voeux de 2020
l’ancienne Présidente de transition catherine samba-panza.

 

A –  Élue à la hâte Présidente de transition grâce à la France.

 

Un peu plus d’un mois après le début de l’opération Sangaris, juste après la démission de Michel Djotodia qui intervient le 10 Janvier 2014, le Conseil National de Transition (CNT) est chargé d’élire à la hâte (seulement dix jours après la démission de Djotodia) le futur Président de la transition. Mais ce n’est pas à Bangui que semble se jouer cette élection. Le 17 Janvier 2014, Denis Sassou-Nguesso qui est en déplacement à Paris reçoit dans la suite de son hôtel les ministres français des Affaires Etrangères Laurent Fabius et de la Défense Jean-Yves Le Drian.

Le lendemain, Sassou s’entretient directement de ce cette élection lors d’une rencontre avec François Hollande à l’Elysée. Il devient rapidement évident à Bangui que Samba-Panza est soutenue par les Etats-Unis, la France et le Congo. L’ambassadeur de France à Bangui Charles Malinas en poste depuis à peine un mois n’hésite pas à confirmer de vive voix à de nombreux conseillers nationaux de transition le soutien de la France à Catherine Samba-Panza

Il faut préciser que Charles Malinas est l’ancien directeur de cabinet de Yamina Benguigui, Ministre déléguée chargée de la Francophonie plusieurs fois rencontrée par Catherine Samba-Panza au cours des derniers mois…

Alors que 24 dossiers de candidatures sont déposés, une sélection drastique est opérée par la Commission électorale spéciale du CNT selon 17 critères éliminatoires et seulement 8 candidatures sont finalement retenues la veille de l’élection.

Au premier tour, CSP obtient 64 voix (une voix de moins que la majorité absolue, fixée par le CNT à 65 voix) et devance Désiré Kolingba qui recueille 58 suffrages. Le 20 janvier 2014, Catherine Samba-Panza est finalement élue au second tour Présidente de la transition devançant Désiré Kolingba par 75 voix contre 53. Elle prête serment le 23 janvier 2014 devenant ainsi la première femme Présidente de l’histoire de la RCA, sans avoir jamais eu la moindre expérience gouvernementale auparavant.

Selon le calendrier de la transition, des élections générales doivent désormais être organisées au plus tard au premier semestre 2015…

 

B –  Un gouvernement et des conseillers composés de proches et de parents.

La nomination d’un nouveau gouvernement (20 Ministres) et la désignation des membres du cabinet de la nouvelle Présidente (29 conseillers au total) le 3 février 2014 laisse une large place à des proches ainsi qu’à des parents de la Présidente de transition. André Nzapayéké, un cadre du PSD qui fut Ministre du développement rural dans le gouvernement d’Enoch Derant-Lakoué sous Kolingba, ancien de la Banque africaine de développement (BAD) et vice-président de la Banque de développement des Etats d’Afrique centrale (BDEAC) est nommé Premier Ministre. Sur les vingt membres de son gouvernement, huit sont parentés à la nouvelle Présidente de transition : Isabelle Gaudeuille (Ministre de la Justice et cousine de la Présidente), Aristide Sokambi (Ministre de l’Administration du territoire et cousin de la présidente), Florence Limbio (Ministre de l’Économie et du Plan et cousine de la Présidente), Denis Wangao Kizimalé (Ministre de la Sécurité publique et cousin de la Présidente), Rémy Yakoro (Ministre des Finances et du Budget et parent de Cyriaque Samba-Panza), Olivier Malibangar (Ministre des Mines et parent de Cyriaque Samba-Panza), Éloi Anguimaté (Ministre de la Fonction publique et beau-frère de la Présidente), Marguerite Samba (Ministre de la santé publique, épouse de l’ami intime d’Aristide Sokambi, Léopold Samba, ambassadeur à Genève). Joseph Mabingui, anciennement Secrétaire Général de la Présidence sous André Kolingba, directeur de cabinet d’Enoch Dérant Lakoué (lorsque ce dernier a géré en 2013 le Ministère de l’Économie, du plan) est nommé directeur de cabinet de CSP.

S’ils se sont connus et fréquentés lorsqu’ils étaient étudiants à Paris, il faut noter que son épouse Pauline Akondja est directement parentée à la Présidente de transition (du côté maternel). Christelle Sappot, la fille de Samba-Panza, jusqu’ici salariée au sein de la Société centrafricaine de cigarette (SOCACIG), filiale du Groupe Imperial Tobacco à Bangui est nommée chef de cabinet particulier de la Présidente de transition. Outre cette fonction, Christelle gère aussi les affaires financières de la Présidence disposant notamment d’un droit de regard sur les fonds spéciaux de la Présidence.

Le sulfureux Jean-Jacques Demafouth, cousin de Samba-Panza (côté maternel) est nommé conseiller spécial en matière de sécurité, chargé des relations avec MISCA, SANGARIS et EUFOR.

Enfin, notons que la proche amie  de CSP Yacinthe Wodobodé est nommée Présidente de la Délégation Spéciale de la ville de Bangui le 7 février 2014.

 

C –  La prédation s’ajoute à l’inexpérience et au manque de résultats.

 

Si son élection suscite un immense espoir, le manque d’expérience de la Présidente se ressent très vite à tel point celle-ci semble ne plus rien maîtriser dès la fin du premier trimestre 2014. Elle ne parvient pas à enrayer l’insécurité ni à gérer les priorités, notamment le redressement des finances publiques. Le tandem Samba-Panza – Nzapayéké montre clairement ses limites alors que le cabinet présidentiel, sorte de « gouvernement bis », formé de 29 conseillers (dont certains ont rang de Ministre) paralyse l’action de l’exécutif par d’incessantes rivalités. Ce vide permet notamment à certaines personnalités comme son parent et conseiller en charge de la sécurité Demafouth de gagner en influence et d’outrepasser ses attributions. Ce sentiment de flottement est unanimement partagé au sein de la société centrafricaine mais aussi dans les capitales sous-régionales participant à la MISCA au général sénégalais Babacar Gaye en passant par les états-majors.

Les violences continuent d’embraser sporadiquement Bangui (comme le 28 Mai 2014 lorsque 17 personnes sont tuées à l’église Notre-Dame de Fatima) et l’arrière-pays, faute de désarmement tandis qu’aucun plan n’est esquissé pour améliorer le sort des milliers de réfugiés. De plus en plus critiquée, Samba-Panza montre des signes d’agacement, notamment vis-à-vis de la presse. Le 7 avril 2014, le directeur de publication du quotidien Le Palmarès est arrêté après la parution d’un article jugé diffamatoire. Une semaine plus tard, son homologue du journal Le Peuple subit le même sort.

 

Les premiers scandales voient le jour. Le fils ainé de CSP Stéphane Sappot (dont les multiples frasques à Bangui et en France marqueront la transition) est arrêté en mars 2014 par les douaniers français qui saisissent à l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle 35 000 euros en liquide qu’il transporte. De nombreux permis forestiers dans le Sud-Ouest du pays sont attribués dans des conditions opaques (groupe Timberland industries / Sesame à Nola, STBC / STBK à Bayanga, Alpi / Alpica puis Wicwood / Sinfocam à Salo) laissant apparaître clairement des signes de prédation de l’équipe dirigeante. Le secteur des télécoms ne sont pas en reste. Le contrat passé entre la société EIG (aussi dénommée Zeus Télécom) pour la gestion de la Gateway Unique pour les appels internationaux présente ainsi de graves irrégularités (exclusivité et conflit d’intérêt manifeste pour la gestion et la supervision de la Gateway). En nommant le sulfureux homme d’affaires français Laurent Foucher comme ambassadeur de la Centrafrique auprès de l’ONU en Suisse, en lui octroyant un passeport diplomatique centrafricain et un poste de conseiller économique auprès de la présidence de la République, la Présidente de transition n’hésitera pas à monnayer une position diplomatique de haut niveau à ce ressortissant étranger dont la fortune estimée à près de 300 millions d’euros…

Notons aussi le cas de Dédé Vianney Mboe, frère de la sœur de CSP qui prodigue alors ses onéreux conseils juridiques aux autorités de transition et ses conseils patrimoniaux à Catherine Samba-Panza et son proche entourage malgré qu’il ait été radié à vie du barreau d’Orléans et condamné à trois ans de prison ainsi que le paiement de 90.000 euros de dommages et intérêts (peine confirmée en appel en Octobre 2012).

Si ces exemples sont autant de mauvais signaux relevés par les observateurs de la vie politique, c’est surtout le scandale du « don angolais » qui va éclabousser la transition. Le 4 mars 2014, CSP se rend à Luanda et le Président Dos Santos accepte d’octroyer un don de 10 millions de dollars à la RCA pour renflouer  les caisses du Trésor Public et permettre le paiement du salaire des fonctionnaires. La moitié de cette somme est alors remise en liquide, dans des valisettes à la Présidente de transition. De retour à Bangui, CSP remet elle-même les 5 millions de dollars en liquides à sa fille Christelle Sappot, à Mahamat Kamoun, son conseiller spécial et à Robert Bokoyo, Directeur adjoint du Trésor avec pour consigne d’aller les échanger contre des FCFA à Douala. Le Ministre des Finances Rémi Yakoro pourtant unique ordonnateur des finances de l’État est tenu à l’écart de toute cette transaction… Lorsque la deuxième tranche du don angolais (les autres 5 millions de dollars) parvient à la Présidence, Christelle Sappot la remet au directeur général du trésor Gabriel Madenga le 28 avril, lequel transfère aussitôt la somme sur le compte centrafricain à la BEAC, via Ecobank.

À nouveau, le Ministre des Finances, Rémi Yakoro est tenu à l’écart et ne sera informé qu’a posteriori, deux jours plus tard, par un courrier du DG du Trésor… Soucieux de ne pas devenir le bouc émissaire de cette affaire, Rémi Yakoro révèlera que la seconde moitié de la seconde tranche de 2,5 millions de dollars (soit l’équivalent de 1,132 milliard de FCFA) s’est évaporée…

Après ces révélations, le scandale enfle à Bangui : partis politiques, société civile, bailleurs internationaux exigent des explications.

Joseph Mabingui, Directeur de Cabinet de la Présidente confectionne alors un tableau daté du 14 juillet 2014, dans lequel il est vaguement expliqué que l’argent manquant a été utilisé sous forme de « fonds politiques » par la Présidence et la Primature. Il devient alors évident que ces fonds non comptabilisés au sein du compte courant du Trésor à la BEAC ont été détournés …

 

Par :Gaston MADENGA

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