Ils vont à la rencontre des gens, patrouillent à pied la nuit dans les quartiers, répondent aux appels d’urgence: les soldats de la force européenne Eufor-RCA jouissent à Bangui d’une étonnante popularité qui contraste avec les habituelles invectives contre les autres forces internationales.
«C’est vrai, l’Eufor joue bien son rôle», confie Ahmat Amadou Soumaïlou, commerçant au quartier du PK5, dernière enclave musulmane dans Bangui, encore jusqu’à il y a peu théâtre de sanglantes violences inter-communautaires.
La présence des soldats européens «a permis la réouverture de l’agence (bancaire) EcobanK du PK5 ainsi que du commissariat de l’arrondissement», témoigne-t-il.
De l’avis de nombreux Banguissois, en moins de deux mois les militaires de l’Eufor ont contribué à la lente amélioration de la sécurité observée dans la capitale ces dernières semaines, après des mois d’exactions, de lynchages et de pillages sur fond de traque des habitants musulmans assimilés à l’ex-rébellion Séléka.
– QG en Grèce –
L’affaire était pourtant bien mal partie. Ridiculisée avant même son déploiement par le peu d’empressement des Européens à y contribuer, l’Eufor est d’abord apparue comme le gênant symbole de l’inertie de l’Europe dès qu’il s’agit d’intervenir en Afrique en soutien au traditionnel gendarme français.
Après bien des efforts diplomatiques et embarras médiatiques, avec l’aimable pression de Paris sur ses partenaires européens, l’Eufor compte finalement aujourd’hui 750 -pour un millier initialement prévus- soldats et gendarmes français, espagnols, estoniens et géorgiens pour le plus grand nombre, mais aussi finlandais, lettons, luxembourgeois, néerlandais, polonais et roumains…
Intervenant «en soutien à la force africaine Misca (6.000 hommes) et aux côtés de l’opération française Sangaris» (2.000 hommes), l’Eufor a atteint «sa pleine capacité opérationnelle» le 15 juin dernier.
Tous ses hommes ne sont cependant pas déployés dans les rues de Bangui, une partie étant basés en Grèce, à Larissa, où se trouve le QG de l’opération, avec son chef le général français Philippe Pontiès.
La force européenne est chargée notamment de la protection de l’aéroport de Bangui et de la sécurisation des 3e et 5e arrondissements. Dans ces deux anciens points chauds de la ville où des tensions persistent, l’Eufor est indéniablement populaire et créditée du retour relatif à la normalité.
«Ils font un bon travail, il faut le reconnaître», estime un habitant du 5e arrondissement, Josué Sanza, enseignant.
«La nuit dans mon secteur, ils vont à pied, suivis de leurs véhicules. Ils signalent (…) ceux qui détiennent des armes illégalement, encerclent les individus suspects et les neutralisent» en douceur, raconte-t-il.
Les soldats de l’Eufor «ont désarmé beaucoup de musulmans, ils ont fait du bon boulot», se réjouit Marc Bassa Vongou, cadre des Eaux et forêts. A la différence des hommes de Sangaris et de la Misca, «voleurs de diamants, vendeurs d’eau minérale et amateurs du sexe», accuse-t-il, reprenant quelques-uns des sempiternels griefs entendus dans le petit peuple de Bangui.
Il y a toujours –au gré des interlocuteurs et des quartiers– les inévitables soupçons de partialité en faveur de l’un ou l’autre camp, mais l’Eufor ne cristallise pas l’hostilité comme c’est parfois le cas avec les autres forces internationales.
– Contacts et proximité –
Accompagnés de policiers ou gendarmes centrafricains, «ils (l’Eufor) font des patrouillent nocturnes à pied dans les quartiers. Et quand vous les appelez, même nuitamment, leurs éléments débarquent dans les minutes qui suivent», raconte Hugues Kambiri, étudiant. «C’est ce qui les différencie de Sangaris et Misca qui utilisent leurs grosses machines pour rester uniquement sur les grosses avenues de Bangui le jour», assure-t-il.
«Curieusement, les gars de l’Eufor ne sont pas du tout perçus comme français», s’amuse une source humanitaire occidentale, alors que la France, «nation-cadre», fournit le gros de la troupe.
«Nous faisons un travail de proximité», résume à l’AFP un caporal français de la force européenne.
«Eufor est là pour continuer à sécuriser les Centrafricains, pour les écouter», a expliqué à la presse locale le chef de l’Eufor a Bangui, le général français Thierry Lion.
«On a beaucoup patrouillé. Les soldats sont présents de jour et de nuit, en vCentrafréhicule, à pied. Ils s’arrêtent, parlent avec les gens pour essayer de connaître leurs soucis (…). On a passé beaucoup de temps et on y passera encore» pour «apporter la paix dans Bangui», a promis le général Lion.