Attaques, pillages, exactions : je suis à Bangui, les habitants me confient leur quotidien (Dossier)

Publié le 29 octobre 2014 , 11:22
Mis à jour le: 29 octobre 2014 11:22 am

l’obsplus.com   /   Corbeau News centrafrique: 29-10-2014,   16h29

Des anti-balaka à Boda en Centrafrique le 28/08/2104 (Sylvain Cherkaoui/AP/SIPA)
Des anti-balaka à Boda en Centrafrique le 28/08/2104 (Sylvain Cherkaoui/AP/SIPA)

Je suis sur place depuis une semaine et j’ai pu parler à plusieurs habitants de Bangui, qui m’ont fait part de ce qu’ils vivent. Dans le quartier de Nguingo, situé en amont de l’Oubangui par rapport au centre-ville, les gens sont terrorisés.

“Des rumeurs disent que les anti-balaka vont mener une nouvelle attaque cet après-midi” m’a déclaré l’un d’entre eux quand je me suis rendue dans le quartier mercredi 22 octobre. “Ils veulent nous donner une leçon.”

Violences intercommunautaires en Centrafrique

Depuis quelques années, la République centrafricaine fait beaucoup parler d’elle pour ses graves violences intercommunautaires.

Après le départ du gouvernement de la Seleka, coalition à majorité musulmane, en janvier 2014, le pays a été le théâtre d’une vague de nettoyage ethnique, qui a littéralement vidé le territoire de ses habitants musulmans. Des milliers d’entre eux ont été tués.

(Source : Amnestystories)

La Seleka s’est aussi rendue coupable de graves atteintes aux droits humains dans diverses parties du pays, dont la capitale, Bangui.

Toutefois, les troubles à Nguingo, sous-division du quartier de Ouango, sont d’un autre ordre.

Si Nguingo, comme le reste du quartier de Ouango, comptait autrefois une communauté musulmane prospère, il y a longtemps que ses membres ont fui – chassés par les anti-balaka, une milice composée principalement de chrétiens et d’animistes.

Avec le départ des musulmans – dont les maisons ont été pillées et saccagées – les milices anti-balaka ont perdu leurs cibles les plus faciles.

Elles ont maintenant de plus en plus recours à des méthodes de voyous contre les habitants non musulmans de Bangui, s’aliénant même ceux qui les avaient jusqu’à présent soutenues.

De fréquentes attaques d’anti-balaka

Il y a dix jours, une attaque des anti-balaka dans le quartier de Nguingo a fait trois morts et au moins 20 blessés graves. Quelque 28 maisons et une église ont aussi été incendiées.

“Pour moi c’est une bande de bandits”, a déclaré avec colère un vieil homme. “Ils pensent que parce qu’ils ont des fusils et des machettes ils peuvent s’en prendre à nous librement.”

Cette incursion des anti-balaka à Nguingo le 14 octobre était une attaque de représailles. Plus tôt dans la journée, un groupe de trois combattants anti-balaka était venu voler dans le quartier. C’était la deuxième fois en l’espace de quelques jours qu’ils menaient une telle opération. Les habitants en avaient assez.

La fois précédente, les anti-balaka avaient volé des voitures, des motos et d’autres engins. Avec l’aide des soldats rwandais – déployés dans le pays dans le cadre de la force de maintien de la paix de l’ONU – les habitants ont pu récupérer la plupart des objets volés, mais ils se sont aussi préparés à résister à de nouvelles déprédations.

Quand les trois combattants anti-balaka sont arrivés le 14 octobre, les jeunes du quartier ont riposté en leur lançant de lourdes pierres. Deux des combattants sont parvenus à s’enfuir, mais le troisième, armé d’un pistolet non chargé, a été grièvement blessé par les jets de pierres. Il avait le visage en sang, dans un tel état que certains l’ont d’abord cru mort, mais il a finalement survécu et a été remis aux autorités et conduit à la prison locale.

Des attaques très violentes 

Deux heures plus tard, les anti-balaka sont revenus, en force cette fois-ci. Selon la police locale, le commandant anti-balaka de la zone avait demandé des renforts au commandant de Boy Rabe, principal bastion anti-balaka de la ville.

S’il est difficile de savoir exactement combien de combattants anti-balaka ont participé à cette attaque – les estimations vont de plusieurs dizaines à bien plus de 100 – les témoins sont unanimes pour dire que ces hommes étaient très bien armés – notamment de kalachnikovs et de grenades – et disposés à se battre.

Les anti-balaka ont attaqué par le nord, tirant en l’air et hurlant : “Dehors, dehors ! Tous les hommes dehors !”, m’a raconté Thérèse, 55 ans. Ils voulaient tuer tous les jeunes hommes.

Les anti-balaka ont commencé par attaquer la maison du chef de quartier, le tenant pour responsable de la contre-attaque des habitants. Si celui-ci est parvenu à s’enfuir avant leur arrivée, ses voisins n’ont pas tous eu cette chance.

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