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Anicet-Georges Dologuélé : « Le jour où Bozizé a offert un second mandat à Touadéra »

Anicet Georges Dologuelé lors de sa conférence de presse le 5 janvier 2020 par cyrille jefferson yapendé
Anicet Georges Gologuelé, lors de sa conférence de presse le 5 janvier 2021. Photo Cyrille Jefferson Yapendé / CNC

Par Mathieu Olivier

Jeune Afrique 

 

En 2020, l’ancien Premier ministre centrafricain pensait pouvoir compter sur le soutien du chef de l’État déchu. Mais, à peine scellé, leur pacte volait en éclats, comme le raconte celui qui s’est senti floué. « Ce que je retiens, c’est surtout une immense déception. À l’occasion du scrutin présidentiel de 2015-2016 déjà, j’avais sollicité le soutien du Kwa Na Kwa (KNK), la formation de François Bozizé. Le parti me l’avait accordé, mais pas Bozizé en personne, qui avait choisi de soutenir Faustin-Archange Touadéra. Or il était très populaire et son soutien comptait davantage que celui du KNK. À la présidentielle suivante, en 2020, tout le monde a donc voulu se rapprocher de lui. Bien sûr, Bozizé a d’abord essayé de mettre la coalition de l’opposition à son service, créant de ce fait une compétition feutrée entre lui et moi. Puis sa candidature a été invalidée par la Cour constitutionnelle, ce à quoi nous nous attendions tous. Restait alors à savoir qui il allait soutenir.

 

 

Là, il a annoncé qu’il était favorable à une candidature unique de l’opposition, incarnée par un leader qui disposerait déjà d’un électorat. En dehors de lui, cela ne pouvait s’appliquer qu’à moi. C’était mon portrait-robot. Les autres ayant décidé d’y aller seuls, Bozizé m’a donc appelé pour que l’on se rencontre chez lui, à Bossangoa. Le rendez-vous a eu lieu le 16 décembre. Comme je voulais faire l’aller-retour dans la journée, nous sommes partis très tôt de Bangui en voiture. Christian Guénébem, le directeur de campagne et l’un des principaux lieutenants de Bozizé, ouvrait la route, sous les couleurs du KNK. Mon convoi suivait, avec mes affiches de campagne. Sur place, nous avons attendu Bozizé deux heures durant, sans savoir pourquoi. L’entretien a duré moins de trente minutes. Il m’a dit : « Il y a cinq ans, je ne vous avais pas soutenu comme il se devait et je m’en mords les doigts. Aujourd’hui, vous faites preuve de constance en sollicitant à nouveau le soutien du KNK. Vous l’avez, ainsi que le mien. »

 

« Un gigantesque gâchis »

 

Il a confié la suite des négociations à Guénébem, et nous nous sommes juste entendus sur le fait qu’il fallait que cette entente soit connue des Centrafricains et diffusée dans les médias. Le lendemain, elle a été rendue publique. En réalité, cela n’est jamais allé plus loin. On n’a jamais signé un véritable accord. Me doutais-je que cette alliance ne serait pas solide ? Sur la route de Bossangoa, on avait croisé, dans les villages, quelques centaines de jeunes anti-balakas en tenues disparates, bardés de fusils artisanaux et d’amulettes de protection. J’avais demandé pourquoi, et Bozizé m’avait répondu qu’ils s’étaient auto-constitués pour assurer sa sécurité. Quand je suis rentré à Bangui et que j’ai entendu parler de la Coalition des patriotes pour le changement [CPC, alliance de groupes rebelles anti- Touadéra], je me suis dit que notre entente était morte. La CPC a « pourri » ma campagne par sa présence dans les principales villes de province. Comme j’étais soucieux de la sécurité de mon équipe de campagne, je suis prudemment resté à Bangui. Cela ne m’a pas empêché de faire 31% des voix au premier tour, score qui a été ramené à 21% sous la pression du pouvoir, pour permettre à Touadéra de se déclarer vainqueur au premier tour. Au travers des actions d’intimidation de la CPC, Bozizé avait empêché le vote, notamment dans l’Ouham-Pendé, l’Ouham et la Ouaka, régions où je devais faire mes meilleurs scores ! Ce sont davantage ces actions que l’annonce de son ralliement à la CPC qui m’ont pénalisé. Bozizé avait-il conscience qu’il était en train d’offrir un second mandat à Touadéra ? Il a cru qu’il pourrait retrouver le pouvoir en s’appuyant sur ceux qui l’avaient fait tomber en 2013. Mais la CPC n’a jamais été en mesure de marcher avec efficacité sur Bangui… Depuis notre rencontre de Bossangoa, je n’ai jamais eu l’occasion de reparler à François Bozizé, sauf pour l’informer que ma délégation était bien rentrée à Bangui. Finalement, tout cela est un gigantesque gâchis. Si notre accord avait été signé et mis en œuvre, nous serions au pouvoir. Aujourd’hui, on repart de zéro. »

 

 

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