ACFPE : Le recrutement du Directeur Général vire au scandale à 50 millions de francs CFA

Rédigé le 17 novembre 2025 .
Par : la rédaction de Corbeaunews-Centrafrique (CNC).
Le processus de recrutement du nouveau Directeur Général de l’Agence Centrafricaine pour la Formation Professionnelle et l’Emploi (ACFPE) tourne au chaos administratif et financier. Une enquête exclusive menée par Corbeau News Centrafrique dévoile un scandale impliquant le double paiement de cabinets de recrutement, des violations massives des procédures réglementaires et un réseau de népotisme orchestré au plus haut niveau de l’institution.
Vingt-cinq millions dilapidés sans résultat….
Le cabinet CIFOM, mandaté initialement pour organiser le recrutement du Directeur Général de l’ACFPE, a reçu vingt-cinq millions de francs CFA pour mener à bien cette mission. Après avoir entamé l’examen des dossiers de candidature, le cabinet s’est retiré du processus sans rembourser les fonds publics déjà encaissés. Les vingt-cinq millions ont ainsi disparu sans aucun résultat tangible pour l’ACFPE.
Selon les informations recueillies par notre service d’investigation, ce retrait soudain résulte des pressions contradictoires exercées sur le cabinet. D’un côté, le Président du Conseil d’Administration Henri Koulayom et la ministre du Travail Annie-Michelle Mouanga ont exigé la validation de la Directrice Générale intérimaire actuelle, Renée Michèle Bimbo, qui occupe ce poste depuis un an et demi. De l’autre, des instances proches du parti au pouvoir, le MCU, auraient proposé leurs propres candidats. Pris dans cet étau politique, le cabinet CIFOM a préféré abandonner le dossier plutôt que de cautionner un processus manifestement truqué.
Un second cabinet, un nouveau gaspillage de vingt-six millions….
Après cette impasse, le Président du Conseil d’Administration Henri Koulayom a immédiatement sollicité le cabinet de l’ancien Directeur Général de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS) pour reprendre le processus de recrutement. Ce nouveau mandataire recevra à son tour vingt-six millions de francs CFA pour effectuer exactement la même mission que son prédécesseur.
Le coût total de cette opération chaotique s’élève désormais à cinquante et un millions de francs CFA pour un seul recrutement, alors que les statuts de l’ACFPE prévoient explicitement que cette procédure relève directement du Conseil d’Administration sans recours obligatoire à des prestataires externes coûteux.
Un comité de façade pour légitimer le recours aux cabinets….
Un arrêté ministériel a officiellement créé un comité de recrutement pour le poste de Directeur Général de l’ACFPE. Ce comité, présidé par le Professeur Henri Koulayom en sa qualité de Président du Conseil d’Administration, devait comprendre selon les textes : M. Aristide Ganabo et M. Victor Mazanga (administrateurs de l’ACFPE), un représentant du Contrôle Général du Secteur Parapublic, un représentant du Ministère du Travail, le Contrôleur Financier de l’ACFPE, un représentant de l’UNPC, un représentant du GICA et un représentant des syndicats de travailleurs.
La création de ce comité apparaît désormais comme une simple opération de communication destinée à donner une apparence de légalité au processus. En réalité, la présence de nombreux représentants de diverses structures de l’État et de l’ACFPE au sein de ce comité aurait rendu difficile, voire impossible, toute manipulation ou trucage du recrutement. Ces représentants, issus d’horizons différents et dotés de prérogatives de contrôle, constituent normalement un garde-fou contre les dérives.
C’est précisément pour contourner cet obstacle que le Président du Conseil d’Administration Henri Koulayom a choisi de confier l’intégralité du processus à des cabinets externes. Cette externalisation permet de court-circuiter le comité statutaire et de conduire le recrutement en dehors de tout contrôle effectif. Les cabinets privés, rémunérés grassement sur les fonds de l’ACFPE, deviennent ainsi les instruments d’un trucage que le comité officiel aurait rendu impossible.
Cette stratégie de contournement explique le double paiement de cinquante et un millions de francs CFA à des prestataires externes, alors que le comité prévu par l’arrêté ministériel aurait pu effectuer ce travail sans coût supplémentaire pour l’établissement. Le recours aux cabinets ne répond à aucune nécessité technique ou réglementaire. Il sert uniquement à créer les conditions d’une manipulation qui n’aurait pas été possible dans le cadre des procédures normales.
Des termes de référence vidés de leur substance….
L’examen comparatif des termes de référence utilisés lors des précédents recrutements du Directeur Général de l’ACFPE avec ceux élaborés par le PCA Henri Koulayom révèle une manipulation délibérée des critères de sélection.
En septembre 2021, sous la présidence de Félix N’Ganga, les termes de référence comportaient une section détaillée sur les expériences professionnelles requises. Le document exigeait explicitement : “Avoir travaillé au moins pendant dix (10) ans dont trois (03) à un poste de responsabilité de niveau de Directeur ou équivalent.” Cette exigence garantissait que seuls des candidats ayant fait leurs preuves dans des fonctions de direction de haut niveau pourraient prétendre au poste.
De même, en août 2019, sous la présidence de Noël Ramadan, figure respectée du syndicalisme centrafricain, les termes de référence contenaient exactement la même exigence d’expérience professionnelle. Ces standards rigoureux assuraient la sélection de candidats qualifiés et expérimentés, capables de diriger une institution aussi importante que l’ACFPE.
Sous la direction d’Henri Koulayom, ces exigences ont été purement et simplement supprimées ou considérablement affaiblies. Les termes de référence actuels ne comportent plus de critères précis sur l’expérience professionnelle minimale requise. Cette régression majeure crée les conditions pour valider des candidatures qui n’auraient jamais franchi les seuils de sélection appliqués par les précédents Conseils d’Administration.
Cette manipulation des critères traduit une intention claire : tailler les termes de référence sur mesure pour la Directrice Générale intérimaire Renée Michèle Bimbo, dont le profil ne correspondrait manifestement pas aux standards rigoureux établis en 2019 et 2021. En abaissant délibérément le niveau d’exigence, le PCA Koulayom transforme un processus de recrutement compétitif en simple formalité administrative destinée à légitimer une nomination déjà décidée en coulisses.
Les conflits d’intérêts du Professeur Koulayom….
Le Président du Conseil d’Administration Henri Koulayom, présenté comme un universitaire reconnu par le CAMES et titulaire de plusieurs doctorats, se trouve au centre d’un réseau de conflits d’intérêts manifestes. Il dirige une université privée, Go to School, qui reçoit chaque année entre vingt-cinq et trente-cinq millions de francs CFA de l’ACFPE pour la formation des agents de l’établissement.
Cette situation crée une dépendance financière directe entre le PCA et l’institution qu’il est censé superviser de manière indépendante. Plus troublant encore, plusieurs agents de l’ACFPE se sont plaints d’avoir été contraints de suivre des formations dans l’université privée du Professeur Koulayom, même lorsque ces formations ne correspondaient pas à leurs besoins professionnels. Aucun appel d’offres n’a jamais été lancé pour sélectionner d’autres établissements de formation, l’université du PCA bénéficiant d’un monopole de fait sur ces marchés publics.
En manipulant les termes de référence du recrutement pour faciliter la confirmation de la Directrice Générale intérimaire, Henri Koulayom chercherait selon plusieurs sources à “remettre l’ascenseur” à la ministre Annie-Michelle Mouanga, garantissant ainsi la pérennité de ses lucratifs contrats de formation. Cette pratique transforme le Conseil d’Administration en instrument de captation de ressources publiques plutôt qu’en organe de gouvernance responsable.
Un réseau familial au sommet de l’ACFPE….
La Directrice Générale intérimaire Renée Michèle Bimbo, que l’ensemble du processus vise manifestement à confirmer dans ses fonctions, entretient des liens familiaux étroits avec la ministre du Travail Annie-Michelle Mouanga. Cette dernière est elle-même apparentée au Premier Ministre Félix Moloua et à la deuxième épouse du Président de la République, Tina Touadéra, créant ainsi une concentration de pouvoir familial au sein de l’appareil d’État.
Cette configuration explique l’acharnement déployé pour contourner les procédures réglementaires et imposer une candidature qui ne survivrait probablement pas à un processus de sélection véritablement transparent et compétitif. Le népotisme institutionnalisé atteint ici des sommets, transformant les établissements publics en fiefs familiaux où les compétences et l’intérêt général cèdent le pas aux loyautés personnelles et aux arrangements clientélistes.
Un précédent dangereux pour la gouvernance publique….
Au-delà du cas spécifique de l’ACFPE, ce scandale montre la dérive généralisée de la gouvernance des entreprises et établissements publics en République Centrafricaine. La loi numéro 20.004 du 13 janvier 2020, qui organise le cadre institutionnel, juridique et financier applicable à ces structures, devait justement prévenir de telles dérives en instaurant des mécanismes de contrôle et de transparence.
Force est de constater que ces garde-fous réglementaires sont systématiquement contournés lorsque des intérêts politiques ou financiers puissants sont en jeu. L’impunité dont bénéficient les auteurs de ces malversations encourage la reproduction de ces pratiques dans d’autres établissements publics.
Les cinquante et un millions de francs CFA dilapidés dans ce processus de recrutement chaotique représentent des ressources qui auraient pu financer des programmes de formation professionnelle pour des centaines de jeunes Centrafricains. Ils auraient pu contribuer à l’amélioration des infrastructures de l’ACFPE ou au renforcement de ses capacités opérationnelles. Au lieu de cela, ils enrichissent des cabinets de complaisance et alimentent un système de corruption institutionnalisée.
Où sont les organes de contrôle?
Devant cette hémorragie financière et ce mépris affiché des textes réglementaires, l’absence de réaction des organes de contrôle interpelle. Ni l’Inspection Générale d’État, ni la Cour des Comptes n’ont manifesté leur intention d’examiner ce dossier explosif. Le Contrôle Général du Secteur Parapublic, pourtant membre statutaire du comité de recrutement, semble avoir été marginalisé ou s’est abstenu d’exercer sa mission de surveillance.
Cette passivité des institutions de contrôle montre soit leur impuissance devant les réseaux politiques protégeant les protagonistes de ce scandale, soit leur complaisance dans un système où la corruption a cessé d’être l’exception pour devenir la norme. Dans les deux cas, c’est la crédibilité de l’ensemble de l’appareil d’État qui est érodée.
Les agents de l’ACFPE, témoins impuissants de ce pillage organisé de leur institution, expriment leur désarroi devant une situation qui sape le moral et décrédibilise l’établissement. Comment peuvent-ils accomplir leur mission de service public lorsque les dirigeants censés incarner l’exemplarité se comportent en prédateurs?
Corbeau News Centrafrique continuera de suivre ce dossier et publiera prochainement de nouveaux développements sur les sanctions prises contre les représentants du personnel de l’ACFPE.
Par Alain Nzilo….
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