La Constitution du 30 août 2023, monnaie d’échange contre des immeubles de standing pour les juges du conseil constitutionnel
Le Conseil constitutionnel centrafricain, récemment rebaptisé ainsi dans la nouvelle Constitution controversée promulguée par le président Faustin-Archange Touadéra le 30 août 2023, semble gangréné par une corruption massive. Des sources proches de l’institution dénoncent un système bien huilé d’enrichissement personnel de ses membres, au mépris de leurs devoirs et de l’éthique.
Bangui, 04 septembre 2024.
Par la rédaction de Corbeau News Centrafrique.
Un immeuble suspect soulève des questions sur la nouvelle Constitution du 30 août 2023.
Au cœur du scandale, un immeuble de trois étages construit par Mme Sylvie Naïssem, vice-présidente du Conseil constitutionnel. L’édifice, érigé sur le site de l’ancien camp militaire d’Obrou à Bangui, intrigue par son ampleur et sa localisation stratégique. Ce quartier, transformé en cité présidentielle, abrite désormais les villas des hauts dignitaires du régime et accueille même les réunions du Conseil des ministres.
“Comment une fonctionnaire peut-elle s’offrir un tel immeuble? Son salaire ne le permet pas, même après dix ans d’économies”, s’interroge un observateur sous couvert d’anonymat. Les soupçons de corruption se renforcent quand on apprend que le compagnon de Mme Naïssem, M. Arsène Gbaguidi, directeur des élections à la MINUSCA, possède lui aussi un immeuble de quatre étages dans le quartier.
Constitution du 30 août 2023 : Une trahison bien orchestrée.
L’ascension fulgurante de Mme Naïssem au sein du Conseil constitutionnel soulève également des questions. Ancienne étudiante de Mme Danièle Darlan, ex-présidente de l’institution, elle a gravi les échelons à une vitesse vertigineuse pour devenir vice-présidente. Cette promotion coïncide avec un revirement spectaculaire de l’institution sur la question de la révision constitutionnelle.
En effet, en octobre 2022, le Conseil constitutionnel, alors cour constitutionnelle, présidée par Mme Darlan, avait rejeté à l’unanimité le projet de nouvelle Constitution, le jugeant contraire à la loi fondamentale de 2016. Cette décision avait provoqué l’ire du président Touadéra et de ses soutiens. Dans la foulée, Mme Darlan fut limogée.
Jean- Pierre Waboué, alors vice-président, assura l’intérim à la tête de l’institution. Contre toute attente, lui et Mme Naïssem retournèrent leur veste, trahissant la position initiale du Conseil. Cette volte-face ouvrit la voie à l’adoption de la nouvelle Constitution, si décriée par l’opposition et la société civile.
“Ils ont bradé nos institutions pour des miettes”, fustige un juriste centrafricain. “Mme Naïssem n’a même pas les compétences requises. Elle a été parachutée là par l’ancien président de l’Assemblée nationale, Karim Meckassoua”.
Un pasteur compromis.
Le cas de Jean-Pierre Waboué, désormais président en titre du Conseil constitutionnel, suscite également l’indignation. Pasteur de l’église Coopération évangélique du quartier Gobongo, son comportement interroge sur sa probité.
“Comment un homme de Dieu peut-il cautionner de tels agissements ?”, s’insurge un fidèle. “C’est une trahison envers le peuple centrafricain”. L’enquête se poursuit pour déterminer l’étendue de son enrichissement personnel.
Un système bien rodé.
Ces révélations ne seraient que la partie émergée de l’iceberg. Selon nos sources, la plupart des hauts responsables du régime posséderaient des biens immobiliers luxueux, notamment dans le 7e arrondissement de Bangui, à la cité Bellevue.
“Les premiers ministres, le président, les membres du gouvernement… Tous ont leurs immeubles là-bas”, affirme un entrepreneur du bâtiment. “Ce sont souvent des sociétés libanaises qui construisent pour eux à titre gracieux, évidemment, c’est de la corruption. L’argent coule à flots.”
Cette frénésie immobilière contraste cruellement avec la pauvreté endémique qui frappe la quasi-totalité des Centrafricains. Dans un pays ravagé par des décennies de conflits, où plus de 70% de la population vit sous le seuil de pauvreté, l’enrichissement ostentatoire des élites passe mal.
Une justice aux abonnés absents.
L’impunité dont semblent jouir les protagonistes de cette affaire soulève des questions sur l’indépendance de la justice centrafricaine. Malgré l’ampleur des soupçons, aucune enquête officielle n’a été ouverte.
“C’est le règne de l’omerta”, déplore un magistrat sous couvert d’anonymat. “Personne n’ose s’attaquer aux puissants. Ceux qui essaient sont vite muselés ou menacés”.
Cette situation alarmante nourrit la colère et la frustration au sein de la population. De nombreux Centrafricains dénoncent un “hold-up institutionnel” orchestré par ce pouvoir des voleurs en place.
“Ils se sont accaparés tous les leviers de l’État”, s’indigne un leader de la société civile. “Le Conseil constitutionnel était notre dernier rempart. Maintenant, c’est fini”.
Un avenir incertain.
L’affaire jette une bombe nucléaire de lumière sur les dérives du pouvoir en Centrafrique. Alors que le pays peine à se relever de années de conflit, la corruption au plus haut niveau de l’État hypothèque gravement son avenir.
“Comment parler de reconstruction nationale quand ceux qui sont censés garantir nos institutions se vautrent dans la corruption ?”, s’interroge un analyste politique. “C’est tout le processus de paix et de réconciliation qui est menacé”.
L’opposition appelle à une enquête internationale indépendante sur ces allégations de corruption. Mais dans un contexte de verrouillage du pouvoir, leurs chances d’aboutir semblent minces.
Le peuple centrafricain, lui, observe avec amertume le spectacle de ses élites qui s’enrichissent sur son dos. Dans les rues de Bangui, la colère gronde. Jusqu’à quand ?
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