Texte par: AFP
Publié par: Corbeaunews Centrafrique
Mieux vaut tard que jamais. Ainsi, la semaine passée, six régiments de la 2e Brigade Blindée [BB] ont reçu la Croix de la valeur militaire [CVM] pour leurs « faits d’armes exemplaires » en Centrafrique, dans le cadre de l’opération Sangaris, laquelle a pris fin en… 2016. Pour rappel, cette intervention française avait été décidée trois ans plus tôt afin de mettre un terme aux affrontements entre les milices anti-balakas et les groupes armés relevant de la Séleka, faciliter le déploiement d’une mission des Nations unies [la MINUSCA, ndlr] et favoriser la transition politique dans ce pays.
Puis, une mission de formation des forces armées centrafricaines [FACa] fut mise en place par l’Union européenne [EUTM RCA] tandis qu’un plan appelé DDR [désarmement, démobilisation et réintégration] devait permettre de réduire les violences en incitant les groupes armées à rendre les armes.
Dans le même temps, la Centrafrique se dota de nouvelles institutions et organisa des élections présidentielles et législatives. Et, depuis 2016, elle est dirigée par le président Faustin-Archange Touadéra. Mais celui-ci n’aura guère tardé à se tourner vers la Russie.
Fin 2019, et alors qu’un accord de paix entre Bangui et quatorze groupes armés avait été signé à Khartoum, Moscou obtint l’autorisation de livrer des armes aux FACa. Et pour assurer la formation des soldats centrafricains, des « instructeurs militaires civils » russe [pour reprendre la formule de la diplomatie russe, ndlr] se déployèrent en Centrafrique, en particulier dans les régions minières, également convoitées par les organisations rebelles. Et le tout, sur fond de propagande anti-française.
Et c’est ainsi que le groupe paramilitaire russe Wagner s’est imposé dans le pays, au point d’avoir désormais la mainmise sur les FACa. « Lorsqu’ils [les mercenaires de Wagner] pénètrent dans un pays, ils multiplient les violations, les exactions, les prédations pour se substituer parfois même à l’autorité du pays », avait ainsi dénoncé Jean-Yves Le Drian, le ministre français des Affaires étrangères, en octobre 2020.
Pour autant, la présence du groupe Wagner en Centrafrique n’a pas permis de mettre un terme aux violences, notamment celles commises contre les populations civiles. Et plusieurs groupes rebelles [Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique, Unité pour la paix en Centrafrique, 3R, etc] restent actifs.
« Je reste consterné par l’augmentation constante des atteintes aux droits humains et des violations du droit international humanitaire perpétrées par toutes les parties au conflit, y compris le recours excessif à la force. […] J’exhorte les autorités nationales à prendre des mesures vérifiables et immédiates pour prévenir les graves violations des droits de l’homme commises par les forces de sécurité nationales et autre personnel de sécurité, notamment les atteintes visant les minorités ethniques et religieuses », avait ainsi dénoncé Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies, dans son dernier rapport sur la situation en Centrafrique.
Et d’ajouter : « Je condamne fermement les violences commises par les groupes armés, qui doivent cesser immédiatement. Ce cycle de violence, s’il n’est pas maîtrisé, risque de replonger le pays dans un conflit de grande ampleur, notamment fondé sur des critères ethniques et religieux. Nous avons la responsabilité collective d’éviter ce scénario ».
Bien que l’opération Sangaris soit terminée depuis près de six ans, les forces françaises sont toujours présentes en Centrafrique, via leur participation à l’EUTM RCA [qui a cependant réduit ses activités] et à la MINUSCA. En outre, elles assurent une mission logistique à Bangui [MISLOG].
Signe, sans doute, d’une certaine inquiétude, l’État-major des armées a, d’une manière inhabituelle, évoqué l’évolution de la situation en Centrafrique dans son dernier compte-rendu des opérations. Évolution observée par les militaires français présents à Bangui.
Les forces françaises présentes en Centrafrique « observent une dégradation lente mais continue de la situation économique et surtout sécuritaire » et les « opérations coups de poing menées par les Forces armées centrafricaines et leurs partenaires de Wagner, émaillées de violences, sont suivies le plus souvent par un départ des FACa, incapables d’occuper et de contrôler les zones d’évolution des groupes armés », explique l’EMA.
La conséquence est que les rebelles reviennent rapidement dans les zones que les FACa sont incapables de tenir, comme cela a récemment été le cas dans l’est de la Centrafrique, relève l’État-major des armées. Et cela d’autant plus que le groupe Wagner se concentre surtout sur la « prédation des ressources minières ».
« Cette dynamique se traduit par un affaiblissement du processus de Désarmement démobilisation et réintégration, tout en créant encore davantage d’insécurité pour les populations devant faire face à ces bandes violentes désormais dotées de la légitimité procurée par leurs nouveaux statuts, hypothéquant toujours plus les possibilités d’un retour de l’État en dehors de Bangui », prévient l’État-major des armées.
Par ailleurs, sur une carte illustrant son constat, celui-ci dénonce les « actions d’entraves » contre la MINUSCA en général et la France en particulier, avec des saisies et des « contrôles forcés » de matériels, de violations des accords de coopération, des opérations d’influence et des arrestations de Casques bleus, comme cela est arrivé à quatre légionnaires de l’équipe de protection rapprochée du général français Marchenoir, le chef d’état-major de la Force de la MINUSCA, en février dernier.
Le même document accuse le groupe Wagner de recruter des « supplétifs » issus de groupes rebelles pour « protéger les sites miniers au détriment de la protection de la population, exacerbant ainsi les tensions inter-ethniques ». Et de dénoncer également des exactions « quotidiennes » ciblant principalement les populations peules et musulmanes, lesquelles sont « accusées de connivence » avec certains groupes armés.