CENTRAFRIQUE : LES FACA ET NOUS
Bangui, le 12 juin 2018.
Par : Robert ENZA, CNC.
Nous avons déjà dit que notre armée était une copie chétive à l’image de l’armée coloniale ; une armée de répression et des opérations « hiboux » ; une armée instrument de domination du pouvoir. De son existence, notre armée a vécu aux rythmes des coups d’état, des mutineries et a servi dans une plus grande mesure le maréchal Bokassa à défaire la République par un empire chétif et ridicule en 1976. Elle a réprimé de toute sa force les évènements des étudiants et élèves de 1979. Elle a fait couler du sang, des centaines de personnes ont souffert et souffrent encore de la disparition de leurs proches, de la persécution, de la torture.
Aujourd’hui, elle a vieilli, et les officiers et les généraux trop âgés pantouflent dans une inactivité totale. Notre armée est hostile à l’idée d’introduire des civils dans sa gestion opaque qu’elle veut exclusivement militaire ; il faut une complémentarité (militaire et civil) dans la gestion.
Son administration échappe totalement aux contrôles internes, aux surveillances et aux procédures de gestion qui sont des pratiques éprouvées de bonne gestion. Son organigramme tentaculaire et pantouflard est établi pour une activité insignifiante voire inexistante, le personnel administratif est au beurre et touche des sinécures en guise de primes de fonction à ne rien faire.
Sa gestion est assurée à l’avantage des officiers et des « fils à papa » qui sont dans l’armée. Une armée qui s’est construite au fil des années de père en fils, et donc une « entreprise de familles militaires» fermée aux autres enfants du pays. Etre militaire c’est un emploi garanti et une carrière assurée sans risques avec des promotions graduellement payées à ne rien faire du moins…
Les militaires d’aujourd’hui sont les enfants des officiers d’hier qui n’ont aucune vocation guerrière. Avoir un parent officier dans l’armée, c’est la clef sûre d’entrée.
Toutes les opportunités de promotion et d’évolution professionnelle sont toujours cooptées par des officiers bien positionnés dans les arcanes de la gestion ; une oligarchie. La cooptation n’est pas un acte de gratuité parfois.
La recherche des avantages et intérêts personnels est le mal abyssal qui divise et empêche toute cohésion au sein de l’armée. La bataille des intérêts et des avantages personnels est rude entre les officiers et éméchée de jalousie.
Les Femmes dans l’armée sont des marguerites au bas de l’échelle et sont utilisées comme des salariées de petites mains de bureaux. Et encore à quel prix, si elles en sont arrivées là. Les Femmes subissent une forme de discrimination consciente soutenue par un argumentaire puéril que l’armée est un métier d’hommes.
Notre armée est trop éloignée des fondements de sa création, et également elle est très éloignée de la population. Et c’est ainsi, pendant des années, nous avons entretenu une armée nationale qui nous a servi de parade et non de défense.
Aujourd’hui, c’est une nouvelle armée qui se renait, une armée par laquelle l’Etat fait preuve des volontés de son institution, une armée de défense du territoire et de protection de la population, une armée de proximité et proche de sa population victime des violences et des crimes perpétués sur son corps, enfin une armée qui a conscience du rôle qu’elle a joué par le passé et qu’elle paye les conséquences. Maintenant c’est l’armée du peuple.
Les FACA et nous, devrions avoir une compréhension partagée afin que nous puissions prendre conscience de l’importance des militaires dans notre société, chose que beaucoup de personnes ne perçoivent pas.
Les FACA et nous, devrions apprendre à dialoguer, à travailler ensemble, à se connaître pour mieux comprendre et avoir une perception commune des risques de menaces sur la paix, la sécurité et le progrès social de notre société.
Etablir un dialogue entre les FACA et nous constitue un impératif fondé sur le respect mutuel et la recherche de la paix et peut permettre la prévention des risques possibles de menaces.
Avoir une perception commune et une conscience partagée peut jeter la base d’une paix durable et permettre l’intervention d’un certain nombre d’acteurs doublés de respect et de principes moraux de comportement.
La notion de l’armée dans la société est d’autant plus importante qu’elle touche le domaine de la défense en général et de la société civile dans son ensemble. Notre monde aujourd’hui est un monde de violence, de menaces inter-frontalières, de terrorisme et de rebellions, ainsi la question de sécurité et de la nation s’entremêlent. La sécurité passe par la protection des citoyens.
Les FACA ont besoin de nous, sans notre appui il leur sera impossible de mobiliser les ressources et les informations nécessaires et de satisfaire à cette nécessité.
Les FACA et nous, devrions de renforcer notre lien pour établir une relation basée sur la confiance et le respect mutuel qui favorise l’intégration des FACA au sein de la société civile, une garantie de paix durable.
Les FACA doivent être proactives dans leurs actions au lieu d’attendre que l’événement se produise afin qu’elles puissent intervenir. Pour cela elles ont besoin des informations venant de la population. Le lien FACA-population est très important.
Les violences inhumaines perpétuées par les groupes armés ont poussé la population à faire appel à son armée nationale, cela prouve combien la place des FACA est importante dans la société.
Il est donc impératif aujourd’hui de promouvoir et de faire évoluer les relations entre forces de sécurité et sociétés civiles, vers davantage de confiance et de respect pour éveiller un intérêt réciproque et favoriser l’intégration des militaires dans la société civile.
La relation avec les FACA aura aussi un aspect de dire la vérité, c’est-à-dire de rendre compte de leurs actions à la société, ceci les crédibilisera et prouvera la grandeur de leur force, mais cela ne signifie pas que les FACA sont tenues de tout dire. Les FACA doivent protéger le secret et le succès de leur opération.
Les FACA doivent communiquer avec la population afin de lui expliquer en quoi consistent leurs nouvelles tâches, leurs nouvelles missions et qu’elles sont prêtes à s’adapter aux nouvelles exigences. Il est essentiel que le public comprenne à quel point il est absolument nécessaire de disposer d’une défense nationale et les FACA qui ont besoin d’une reconnaissance qui donne du sens à leurs actions et leur raison d’existence.
L’intégration des FACA dans la société civile ne peut avoir lieu sans un effort du civil vers le militaire et du militaire vers le civil : le civil ne doit ni mépriser, ni craindre, ni ignorer les représentants des forces armées ; en retour le militaire ne doit pas se replier sur lui-même, il doit être fier de ce qu’il représente et accomplit et être ouvert à la société civile. La perception des FACA ne doit plus être négative, ce qui modifierait en profondeur l’image des FACA. Lorsque l’on parle des FACA, certains de nos compatriotes sont à leur pensée hostiles et ne donnent aucun respect au militaire. Ils ont à l’esprit l’image de cette armée de répression brutale et aveugle.
En effet, « c’est lorsque l’on avoue quand on commet des fautes et que parfois aussi, l’on réalise des choses remarquables, que ces dernières sont encore plus valorisées ».
Les FACA, c’est notre armée, nous devons lutter contre la perception négative des FACA. Il est donc essentiel d’œuvrer en faveur d’une image positive des militaires, « tels des inconditionnels d’une paix dont ils mesurent toute la complexité ». L’État doit s’engager par des lois et les réformes nécessaires pour plus de profondeur.
On a l’habitude d’appeler l’armée « la grande muette » et les médias « le grand bavard ». Et pourtant le dialogue compromis entre les deux (2) est essentiel. Les journalistes ne sont ni des amis, ni des ennemis, mais « une donnée de l’environnement dans lequel les forces armées ont à travailler ». Le renforcement de l’image positive des FACA, en effet, ne peut en aucun cas se passer des journalistes, ces derniers constituent un véritable pont de communication avec les civils.
Les FACA doivent informer et communiquer, et pourront filtrer selon la pertinence des questions, décider ou non de satisfaire les demandes des journalistes. Les FACA doivent œuvrer à l’instauration d’un climat de confiance réciproque avec les journalistes, comprendre leurs problèmes, leurs besoins et eux, ceux des forces armées. La relation FACA-médias sera basée sur le respect et la responsabilité.
Peuvent contribuer à la valorisation de l’image des FACA, les anciens militaires, les fonctionnaires de la défense, et les autres acteurs qui connaissent bien l’armée, peuvent-être des intermédiaires entre les FACA et la société civile pour faire connaître au public le métier de l’armée. Et c’est ce que nous faisons en mettant ces notes en ligne.
Ne laissons plus et jamais à la politique et aux militaires la gouvernance de notre armée nationale, outil de notre défense et de notre sécurité et instrument de notre souveraineté nationale.
Robert ENZA, association de soutien aux FACA