Centrafrique : Quand la gestion de la Mairie de Bangui par Émile-Gros Raymond Nakombo pose question… Dossier spécial.
Bangui, le 30 janvier 2018.
Par : Thierry Simbi, CNC.
Alors que l’Etat Centrafricain n’arrive plus à administrer correctement les préfectures de province, la gestion de la municipalité de Bangui revêt un caractère plus important que jamais en RCA. Le Banguissois attend aujourd’hui des réponses claires sur les sujets qui peuvent améliorer son quotidien : assainissement, gestion des déchets, voiries, marchés, maternités, crèches, accès à l’eau potable (fontaines publiques), éclairage public, état-civil pompes funèbres, etc. Plus d’un an et demi après la nomination d’Emile-Gros Raymond Nakombo en mai 2016, beaucoup se pose de sérieuses questions sur la gestion de la municipalité. Cet article a pour but d’ouvrir le débat sur un certain nombre de dossiers révélateurs de la gestion publique du nouveau président de la délégation spéciale de la ville de Bangui.
Existence de caisses parallèles à la caisse publique municipale ?
Le 26 Janvier 2018, s’est tenu un procès mettant en cause 11 personnels de la Mairie de Bangui pour détournement de fonds. La secrétaire particulière du Maire, Madame Stella Yalissou a avoué lors de l’audience qu’il existait bel et bien une seconde caisse au cabinet sur instruction du Maire parallèlement à la caisse municipale et la défense demande la mise sous mandat de dépôt de cette caisse noire. Beaucoup à Bangui dénonce l’existence de caisses parallèles à la caisse publique municipale et les nombreux détournements. Espérons que le verdict du Tribunal attendu pour le 8 février 2018 permettra d’y voir plus clair car la Mairie a eu bien du mal à se justifier dans cette affaire lors de l’audience préliminaire…
Détournements de biens ou fonds publics à des fins privées.
Il est à déplorer dans le fonctionnement quotidien de la mairie le détournement de nombreux biens ou fonds publics à des fins privées. Citons pour exemple parlant l’achat de deux motos d’une valeur pièce de 680.000 FCFA le 21 Juin 2017 (date de décaissement à Mesdames Stella Yalissou secrétaire particulière du maire et Noëlla Malingou). Depuis cette date, ces motos ne sont plus visibles à la mairie et n’ont jamais à un quelconque intérêt public. Le 17 Juillet 2017, un décaissement de 2.500 000 FCFA a été effectué pour couvrir certaines dépenses liées du deuil d’un dignitaire du régime a été effectué. De telles pratiques ne sont acceptables pour les administrés de la ville de Bangui qui attendent de la municipalité des réponses claires sur les sujets d’assainissement, de voirie, de gestion des déchets, marchés, maternités, crèches, eau potable, éclairage public, pompes funèbres, etc.
Financement BDEAC / UE : gestion des camions bennes. Société HYSACA CENTRAFRIQUE.
Madame Wodobodé avait obtenu de la BDEAC et de l’Union Européenne un financement 750 millions de francs CFA pour l’acquisition de 8 camions bennes à ordures et autres matériels d’entretien urbain. C’est ainsi que début Décembre 2017 ont été remis ces équipements à la Mairie de Bangui en présence du Premier Ministre Simplice Mathieu Sarandji et les membres du gouvernement. La société HYSACA CENTRAFRIQUE interviendra dans la gestion de ces véhicules, du carburant associé à leur fonctionnement ainsi que dans le recrutement des chauffeurs dédiés. A qui appartient cette société dont le siège est basé dans un bâtiment annexe de la Mairie à Castors ? Est-ce que HYSACA CENTRAFRIQUE qui s’occupe pour l’instant du ramassage des déchets via des tricycles sera apte à gérer un parc de véhicules de cette nature ? Espérons-le, car il faudra que ce matériel puisse répondre aux difficultés de gestion des décharges publiques qui fut très laborieuse en 2017. Il faudrait que le maire garde à l’esprit que l’une des missions les plus importantes de la mairie est de veiller à l’assainissement ainsi qu’à l’embellissement de la capitale Bangui.
Recouvrement en marchandises ou en espèces de taxes locales à des fins privées.
Pour fonctionner, la mairie de Bangui dispose de ressources de fiscalité locale dont l’Etat, sous son contrôle, laisse la latitude à la Mairie de les percevoir directement. Il existe aujourd’hui un système de taxation comprend les recettes à caractère fiscal (impôts et taxes) et celles à caractère non fiscal (loyers, redevances, droits, etc.) qui peut parfois varier à la tête du client. Et certains opérateurs économiques locaux peuvent rapidement se retrouvés étouffés par des nouvelles taxes inventés de toutes pièces. Monsieur Cyril Kokongbanji est personnellement chargé à la mairie de Bangui du recouvrement pour le compte du maire Émile-Gros Raymond Nakombo. En Décembre 2016, un recouvrement d’un million chez RAYAN s’est ainsi transformé en marchandises pour le domicile du Maire. C’est encore ce même qui prend à crédit des matériaux de construction auprès des commerçants libanais et qui ne sont pas payés. Même les travaux de réaménagement de l’hôtel de ville ont été effectués à crédit jusque-là. Il est aujourd’hui nécessaire qu’un système de taxation juste et équitable propre à la Mairie de Bangui dans des conditions tarifaires accessibles aux administrés soit connu de tous et que ce genre d’abus cesse.
Voyages intempestifs sur fonds publics.
Le motif invoqué par le maire de Bangui pour justifier ses nombreux voyages à l’étranger est la recherche de partenaires pour aider la mairie à assumer ses missions. Le problème est que les dépenses engendrées par ses déplacements ne sont pas connues ni justifiées comptablement dans un budget présenté au citoyen banguissois. Etant donné le nombre de vols effectué en 2017, on est en droit de s’interroger : est-ce que ces déplacements ne sont pas en réalité des voyages de villégiature et d’affaires sans qu’ils n’apportent précisément quelque chose de substantiel à la mairie de Bangui et ses administrés ? Il faut aussi souligner le fait, que de nombreux partenaires privés sont invité par le maire à la charge de la Mairie de Bangui.
Dotation de carburant réservée aux proches collaborateurs du maire.
Il existe dans le budget annuel de la mairie des dotations de fonctionnement qui sont les aides pécuniaires ou en nature (fournitures, petits matériels et outillages) octroyés par l’Etat, les partenaires publics ou privés pour appuyer le fonctionnement de la municipalité. Une dotation de 150 000 FCFA / semaine étaient accordé aux Directeurs et Chef de service permettaient ainsi à ces agents de se rendre directement au contact des populations dans le cadre de leurs missions. Cette dotation a été supprimée et ce choix risque bien d’affecter la qualité du service rendu. Désormais, seulement quelques personnes sélectionnées dont la secrétaire particulière du Maire, son protocole, son coordonnateur de projet, son aide de camp et son chauffeur bénéficient de cette dotation ce qui pose question : est-ce la gestion du fonctionnement de la mairie doit-elle être à ce point centralisée dans les mains d’une seule personne ?
Hausse de la masse salariale et nominations de proches à la mairie.
Un accord d’établissement de la Mairie de Bangui « convention collective », élaboré en 2015 est le texte de référence à toute les décisions en vue d’organiser le fonctionnement de la mairie. Il contient un manuel de procédures administratives définissant les droits et obligations au travail (conditions générale d’embauche, de durée du travail, de promotion, de formation, de rupture de travail, etc.) et des textes définissant les principes des libertés (droit syndical, d’opinion, délégué du personnel et des protections).
Est-ce que ce texte est aujourd’hui respecté par les autorités municipales ? Les titulaires encore en place, se plaignent des pressions exercées sur eux, pour les pousser dehors tandis que le maire a placé nombre de proches à la Mairie de Bangui, sans pour autant que ceux-ci ait les qualifications requises et la gestion du personnel municipal appelle aujourd’hui plus de transparence pour fonctionnement en toute efficacité.
Il faut noter que la masse salariale du personnel municipal représente 80% du poids du fonctionnement actuel de la Mairie de Bangui. Depuis sa prise de fonction, le maire Nakombo a effectué un recrutement exagéré sans se soucier de la masse salariale. Il lui arrive en réunion de promettre de faire des promesses au personnel de la Mairie purement démagogiques « qu’il ferait en sorte que le manœuvre puisse avoir un jour un salaire de deux millions par mois ou autres. » Ce sujet brulant engendre pourtant chaque année des discussions interminables avec l’Etat pour la prise en charge de ces salaires.
Dossier Cités Unies France, quel bilan ?
Cités Unies France est une fédération de collectivités territoriales françaises qui ont fait le choix de s’engager dans l’international en tissant des liens avec une ou plusieurs collectivités étrangères. Les représentants de Cités Unies France ont initialement été invités en RCA par Madame la maire Hyacinthe Wodobodé afin de nouer ou de relancer des partenariats entre Bangui et des collectivités françaises. C’est grâce à Madame Wodobodé que la fédération Cités Unies France s’est engagée à renforcement des capacités financières de la mairie de Bangui avec notamment une enveloppe débloquée par l’Union Européenne. Emile-Gros Nakombo a pu bénéficier des fruits de cette collaboration pour recevoir l’appui de Cités Unies France, l’ONG ACTED, l’UE. Monsieur Nakombo et Nicolas Wit Directeur General Adjoint de Cites Unies France ont paraphé l’accord régissant un projet pilote à la mairie de Bangui, dans le cadre de la gestion des marchés et la collecte primaire des déchets dans les 5ème, 6ème et 8ème arrondissements. Le budget total du projet s’élève à 466.000 euros, soit 305.500.000 FCFA, financé à 75% par l’UE, 12,5% par la France et le reste par les autres partenaires de ce projet. Comment ces fonds ont-ils été utilisés ? Quel est aujourd’hui le bilan de ce projet ?
Mise en vente ou location de biens ou terrain publics à des fins privés.
Les recettes de la mairie peuvent être issues de produits domaniaux qui sont les loyers et redevances que la Mairie perçoit en contre partie de l’exploitation de son domaine public et privé (lié au sol et à son patrimoine immobilier). Mais la gestion actuelle des produits domaniaux de la mairie de Bangui pose aujourd’hui question car nombre la majorité des recettes sont détournées à des fins privées.
Le maire a ainsi décidé de mettre en location le bâtiment de la Mairie de Bangui aux Castors alors que le personnel s’entasse à l’Hôtel de Ville. Ce local fut construit par l’UNICEF à l’époque et réhabilité par OXFAM après les évènements. Il faut souligner que la procédure habituelle qui suppose une décision prise en conseil municipal n’a dans ce dossier pas été respectée.
Citons aussi le dossier de la cession du terrain au TERMINUS NORD en face de la Cathédrale Notre Dame à la société Camerounaise TRADEX dans le cadre d’un bail emphytéotique de 99 ans en contrepartie d’une enveloppe de 400 millions FCFA. Pour cela, le maire a voulu expulser tous les contribuables qui ont des kiosques dans la gare. Et pourtant cette gare a été construite sur financement de l’Association internationale des Maires francophones (AIMF) à l’époque Jean-Barkès Gombé-Ketté. La somme de 400 millions FCFA a-t-elle été versé dans la caisse du publique de la mairie ? Cette somme a été partagée dans les poches de certaines personnalités privées à la mairie…
Signalons aussi le terrain à proximité d’UCATEX à TOTAL vendu par le maire alors qu’il appartient à un particulier… TOTAL a dû payer une deuxième fois au vrai propriétaire…
Dysfonctionnements dans le mode gestion normal de la mairie.
La délégation des compétences du Maire se fait normalement à travers l’organigramme de l’Institution qui partage en attribuant selon certaines modalités les responsabilités entre les directions et services qui à leur tour divisent ou fractionnent le travail (activités, tâches, actions, etc.) entre plusieurs agents et cadres ou groupes de travail. Cet organigramme n’est aujourd’hui plus respecté et la délégation s’effectue simplement au profit du Maire du 1er arrondissement Jules Abezoua et du 7ème arrondissement Joseph Tagbalé qui s’imposent comme le cabinet de l’ombre du maire de Bangui en son absence.
Lors des conseils municipaux, il a été relevé l’existence de 2 procès-verbaux de séances.
Le maire a par ailleurs attribué une indemnité mensuelle de 150 000 FCFA au chef de service de la comptabilité et du budget Mr Adrien Ouamalandji pour le remercier d’avoir maquillé les chiffres comptables de la Mairie comme les lignes des différents frais de mission du Maire dans le budget 2016 qui a grâce à son intervention a pu être équilibré.
Faire la lumière et corriger le tir pour répondre aux besoins des administrés
La récente mission de l’inspection d’Etat a produit un rapport d’audit au chef de l’Etat sur la gestion actuelle de la mairie est actuellement entre les mains du chef de l’Etat Centrafricain. Signalons que certains des membres de cette mission d’inspection ont été menacés de mort au cours de leur mission (c’est dire que la chose est sensible). Le Maire de Bangui en qualité d’ordonnateur doit normalement rendre compte de sa gestion au Conseil Municipal ainsi qu’au citoyen Banguissois et nous attendons que la lumière soit faite sur ces dossiers. Les populations n’ont pas besoin d’affairisme à des fins privés mais de l’assistance pour rendre meilleur leur quotidien. Les habitants de Bangui veulent simplement une ville propre, avec des routes en état, avoir accès à de l’éclairage public, accéder à des actes civils sans problème, etc. dans des conditions de dignité minimales.