Centrafrique : les russes à Bangui, inquiétude à Paris.

Publié le 15 mai 2018 , 3:02
Mis à jour le: 15 mai 2018 3:02 pm

CENTRAFRIQUE : LES RUSSES A BANGUI, INQUIÉTUDE A PARIS.

 

 

Les soldats russes dans un véhicules de la gendarmerie nationale à Bangui.

 

 

 

 

Bangui, le 15 mai 2018.

Par : Joseph Akouissone de Kitiki, CNC.

 

LES NOUVEAUX  AMIS DE LA CENTRAFRIQUE ?

          L’un des bateaux de la « Françafrique » est-il en train de couler ? Depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à la présidence de la République française, apparemment peu intéressé par le sort de la Centrafrique, depuis la venue des Russes, sollicitée par le président Touadera déçu par les Occidentaux, la France en particulier, depuis le casernement des soldats de Poutine à Béréngo, le palais de l’ancien empereur Bokassa, la carte des influences au sein du pays a été sérieusement modifiée.

            Ce sont les Russes qui la redessinent en effaçant d’abord la France de la scène centrafricaine. Le retrait prématuré de la force Sangaris a laissé un goût amer à de nombreux habitants. Ils se sont sentis trahis et abandonnés par la France, l’amie séculaire. Dès le retrait de ses soldats, les massacres ont repris de plus belle, car les ex-Sélékas ne craignaient qu’une force en Centrafrique : celle de Sangaris. Son intervention a évité au pays ce qui aurait pu être un génocide et un nettoyage confessionnel.

          Cela étant, il ne faut pas oublier que la colonisation française n’a pas vraiment favorisé l’essor de la RCA. Le retard abyssal pris par ce pays témoigne du désintérêt de la France pour son ex-colonie. L’Oubangui-Chari était un comptoir colonial aux mains de cruelles sociétés concessionnaires, qui se préoccupaient plus de piller les matières premières que d’améliorer le sort des populations.

          Et, il faut bien le dire, les habitudes sont malheureusement tenaces. Une sorte de néocolonialisme s’est substituée au colonialisme d’antan. Les mentalités, plombées par des relations de dominants à dominés, ont transformé les élites centrafricaines en pantins, fossoyeurs de leur pays.

La présence russe va-t-elle initier un nouveau type de rapport, plus équilibré ? Ou, au contraire, perpétuer une coopération dont la Centrafrique sortirait encore perdante ?

 

LE PARI DU PRESIDENT TOUADERA

          Faustin-Archange Touadera ne vient-il pas d’abattre là son dernier joker ? Soit les Russes l’aident à se débarrasser des rebelles qui font la loi sur 80% du territoire et massacrent les populations ; soit son quinquennat risque d’être compromis.

          Il doit, de toute façon, clarifier les conditions de l’intervention russe. Personne ne croira que les soldats de Poutine volent au secours des Centrafricains par philanthropie.  Que vont-ils exiger en compensation ? L’autorisation de créer une base militaire comme au Soudan et en Syrie, pour pérenniser leur présence au centre du continent ? Ou la permission d’exploiter les immenses richesses du sous-sol et de la forêt ?

          La Centrafrique n’a, pour l’instant, que ses richesses naturelles à offrir, en échange d’une aide pour éradiquer les violences qui pourrissent la vie de ses habitants. En outre, l’installation d’une base militaire au centre du continent serait un atout majeur pour le rayonnement de la puissance des Russes face aux occidentaux.

          Quoi qu’il en soit, leur arrivée va modifier singulièrement l’approche du chaos centrafricain. C’est une nouvelle donne qui va déséquilibrer le rapport des forces au détriment des rebelles. Ceux-ci savent pertinemment que, si les Russes s’engagent fortement aux côtés des FACAS, leur fin est proche. C’est pourquoi ils sont devenus si nerveux et multiplient les actes de violence et les massacres. Mais les déclarations intempestives des chefs sélékistes réunis à Kaga-Bandoro, menaçant de marcher sur Bangui, ne sont que du bluff. Une intimidation, telle une souris devant un cobra menaçant. Les factieux ont intérêt à suivre sans tarder la médiation russe et à rejoindre la table des négociations après avoir déposé les armes.

          Tandis que les Européens – les Français en particulier – gardent un silence surprenant (signe d’une certaine inquiétude ?), les forces russes assurent la garde rapprochée du président Touadera, contribuent à l’entraînement des FACAS et commencent même à intervenir avec elles sur le terrain. Comme à Sibut par exemple, à la grande satisfaction des populations. L’espoir va-t-il renaître ?

Le pays des Bantous a énormément souffert. Il a besoin qu’une aube nouvelle de paix et de réconciliation surgisse bientôt – et ce sera sans doute grâce aux Russes et aux Centrafricains eux-mêmes.

                                                          JOSEPH AKOUISSONNE DE KITIKI (15 05/2018)

Monsieur Joseph Akouissone de Kitiki, l’auteur de l’article.

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