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CENTRAFRIQUE : CRISPATIONS FRANCO-RUSSES

CENTRAFRIQUE : CRISPATIONS FRANCO-RUSSES

 

 

 

 

 

Bangui, le 25 mars 2018.

Par : Joseph Akouissonne de Kitiki, CNC.

 

MANŒUVRES  SUSPECTES

          Est-ce un renouveau de la guerre froide entre l’est et l’ouest sur les bords de l’Oubangui ? Après une altercation entre soldats français et russes à l’aéroport de Bangui Mpoko, après une manifestation de mauvaise humeur de la part de la France à propos du cantonnement de militaires russes au Palais de Béréngo, on comprend bien que l’ancienne puissance coloniale tient à rappeler fermement que la République Centrafricaine est une chasse gardée.          

          Ce jeudi 22 mars, des avions de chasse Rafale venant de N’djamena auraient survolé la capitale et le Palais de Béréngo. Volant à basse altitude, ils auraient, avec le grondement de leurs réacteurs, terrorisé les Banguissois  qui n’ont pas l’habitude d’être survolés par des engins de mort. La démonstration aurait donc été faite que, malgré les déclarations du président Emmanuel Macron à propos d’une coopération nouvelle avec l’Afrique, les habitudes restent. La Françafrique est toujours là, coriace, tenace, indéboulonnable.

          Etant donné la nervosité que Poutine provoque en ce moment en occident, il faudrait plutôt garder son calme et non pas se livrer à des opérations particulièrement dangereuses.

 

UNE URGENCE : S’ATTAQUER AUX VRAIS PROBLÈMES

          Ces avions de chasse ne devraient-ils pas plutôt survoler les repaires des bandes armées et préparer un assaut pour les neutraliser ? Il est fort à parier que cette nouvelle et inquiétante configuration risque d’éclipser les vrais défis que sont, en Centrafrique, la lutte contre les bandes armées et leur démantèlement.

          On aurait souhaité que la France, qui a signé des accords de défense avec la République Centrafricaine, respectât ces dispositions qui l’engagent à voler à son secours si besoin est. Mais il n’est pas trop tard pour le faire.

          Que la République Centrafricaine, pays souverain, fasse appel à une puissance extérieure pour se sauver des griffes des envahisseurs, est tout à fait légitime. Pour retrouver son intégrité territoriale et protéger ses populations, elle a besoin d’une aide militaire extérieure puisqu’elle n’a pas les moyens de se défendre toute seule.

          Mais ces crispations franco-russes lui sont tout à fait préjudiciables. Au moment même où les Russes envoyaient des armes et des soldats en Centrafrique, la France, d’après les rumeurs, s’apprêtait, elle aussi, à lui vendre des munitions. Les deux puissances vont-elles ouvrir un nouveau front de la guerre est-ouest dans ce pays, au risque de prolonger le chaos ? Le Centrafrique va-t-il devenir un nouveau terrain de jeux des puissances étrangères ?

          Ce qui, en outre, est totalement incompréhensible, c’est que les autorités centrafricaines ne commentent pas la situation et ne prennent aucune position. Il faudrait, au contraire, sortir de cette attitude qui alimente les procès en immobilisme du gouvernement. Les autorités devraient fixer des missions précises aux FACAS et à la MINUSCA en clarifiant nettement les objectifs à atteindre.

          Au lieu de quoi, on a la détestable impression que la République Centrafricaine est en train de basculer dans une sorte de somalisation. Et que, de fait, elle accepte sa partition. Dans les provinces qu’ils occupent, gèrent et administrent à leur guise, les ex-Sélékas semblent s’installer durablement dans une Centrafrique déjà morcelée.

          Comment le peuple centrafricain pourrait-il supporter une telle violation de son intégrité territoriale ? Comment accepter qu’un pays membre de l’ONU soit occupé par des rebelles qui menacent de le faire disparaître en tant que tel ? La France en premier et les autres puissances sont les bienvenues pour mettre fin aux défis des bandes armées.

          La République Centrafricaine est en danger de mort. L’urgence, c’est de la sauver. Les bisbilles franco-russes sur le terrain ne peuvent que retarder le surgissement de la paix et de la réconciliation nationale dont elle a un besoin vital.

 

             JOSEPH AKOUISSONNE DE KITIKI ET LOHAWE A BANGUI

 

(25 mars 2018)

 

Monsieur Joseph Akouissonne de Kitiki, CNC, l’auteur de l’article. Photo de courtoisie.
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