Centrafrique : urgence humanitaire, urgence sécuritaire.

Publié le 23 janvier 2018 , 4:40
Mis à jour le: 23 janvier 2018 6:45 pm

CENTRAFRIQUE : URGENCE HUMANITAIRE, URGENCE SÉCURITAIRE.  

 

violence du KM5

 

Bangui, le 24 janvier 2018.

Par : Akouissonne de Kitiki, CNC.

 

UN PAYS AU BORD DE L’ABIME

         

Jadis, la République Centrafricaine était un pays auto-suffisant : une terre fertile et bien irriguée naturellement ; une forêt giboyeuse où les populations ne prélevaient que le strict nécessaire ; des rivières et des fleuves poissonneux. La RCA exportait même des denrées agricoles vers d’autres pays de la région, en particulier vers le Tchad désertique. 

          Aujourd’hui, elle danse sur un fil tendu au-dessus d’un volcan en éruption : massacres quotidiens ; déplacements massifs de population ; villages incendiés, rayés de la carte ; champs abandonnés aux broussailles par des paysans en fuite, terrorisés par les bandes armées.

          Aujourd’hui, plus de deux millions de déplacés sont aux abois, manquant de tout. Rien qu’à Kaga-Bandoro, dans le nord du pays, 40 000 personnes ont trouvé refuge dans des camps de fortune, où l’aide alimentaire internationale est notoirement insuffisante. Ces camps de déplacés risquent de devenir des foyers de carence alimentaire, avec leur lot de maladies infectieuses.

          Désormais, il suffit d’un rien pour que tout le pays bascule dans le cratère rugissant. Les cris d’alarme du président du CICR (Comité International de la Croix-Rouge) en visite à Bangui ne laissent aucun doute sur l’issue dramatique de la crise. Si les autorités ne font pas tout pour empêcher la prolifération d’hommes armés, si elles n’assument pas leurs missions régaliennes, les menaces qui cernent le pays ne feront que s’aggraver.

          Pourquoi ce mutisme du gouvernement devant les calamités qui mettent en danger son peuple ? On dirait que Bangui, la capitale, est devenue un refuge de ripailles où festoient les membres d’un gouvernement impuissant, qui donne l’impression de ne se préoccuper que de bombance –  abandonnant le peuple à la précarité alimentaire et à des hordes de barbares à la cruauté sans égale. Les ONG qui veulent apporter une aide aux populations en détresse ne peuvent intervenir, car elles sont elles-mêmes attaquées, dépouillées et massacrées par les bandes armées.

 

UN GOUVERNEMENT ABSENT, DES HOMMES ET DES FEMMES POLITIQUES QUI FONT DEFAUT

          Le pays est au bord de la famine. L’insécurité chronique fait reculer les bailleurs de fonds, qui hésitent à débloquer les donations. On le répète sans arrêt ici : l’insécurité est une pathologie sévère qui plombe le développement de la République Centrafricaine.

          Devant cette terrible situation, les autorités semblent dépassées, comme figées dans un immobilisme effrayant. Ou alors acculées à entreprendre des actions hasardeuses, comme la nomination de membres de l’ex-Séléka à la Présidence et au gouvernement, accréditant ainsi la thèse que les groupes armés sont déjà au cœur du pouvoir, qu’ils noyautent et prennent en otage.

          Bien peu de politiciennes et de politiciens centrafricains se sont fait entendre pour dénoncer l’entrisme des rebelles. Ils étaient une quarantaine aux élections présidentielles. Le pays brûle et on ne les entend pas. Quant à ceux qui sont élus, ils ne somment pas assez le gouvernement de protéger la population et d’instaurer la sécurité.

          En outre, il est insupportable que la MINUSCA (Mission des Nations-Unies pour la Stabilisation de la Centrafrique) ne remplisse pas sa mission et passe son temps à inaugurer les chrysanthèmes ou à proférer des menaces sans suite. De plus, de lourds soupçons de connivences avec les ex-Sélékas pèsent sur elle. On soupçonne des ventes illicites d’armes aux rebelles par quelques nervis issus de ses rangs.

          Il est tout aussi intolérable que des criminels de guerre puissent se pavaner à Bangui et voyager sans être inquiétés. Des passeports centrafricains avaient souvent été délivrés illégalement à des étrangers par François Bozizé et le gouvernement de la Transition. Le tri va être compliqué entre les vrais Centrafricains et les mercenaires venus d’ailleurs.

          La Centrafrique ressemble ainsi à un pays de cocagne où toutes les prédations et toutes les dérives sont possibles. C’est un pays qui tangue dangereusement, tel le radeau de la Méduse cerné par des vagues rugissantes.

 

QUID DES ARMES RUSSES ?

          Deux bataillons de FACAS ont, dit-on, ont été formés par les Européens. Les Russes les ont équipés en armement et s’apprêtent à envoyer des conseillers en Centrafrique. L’embargo n’est plus un handicap pour les actions militaires du gouvernement.

          Malheureusement, l’immense espoir suscité par la livraison des armes par les Russes n’a rien changé à l’immobilisme des dirigeants. Le chaos est allé crescendo : environ 85% du territoire sont plus que jamais entre les mains des féroces bandes armées. A N’Délé, le terroriste Noureddine Adam nomme ses propres gendarmes et empêche les représentants de l’État de rejoindre leurs postes. C’est un califat de fait qui a été instauré dans le Haut-Mbomou, au nez et à la barbe des autorités légitimes.

          Les armes russes sont-elles arrivées à destination ? Ou sont-elles déjà tombées entre les mains des séditieux ? En outre, certains Centrafricains accusent la France de retenir les armes à l’aéroport Bangui M’ Poko sous prétexte de les identifier. Pourquoi la France ne peut-elle pas s’empêcher de se mêler de tout en Centrafrique ? Qu’est-ce qu’elle a à voir dans les affaires russo-centrafricaines ?

          Décidément, le pays est loin de la réconciliation et de l’apaisement.  Cette impression de vacance de l’autorité du pouvoir ne présage rien de bon. Est-ce une descente aux enfers inéluctable ? Attention à la somalisation du pays ! Ce qui se passe à N’Délé pourrait en être le début.

          Vu la tournure tragique des événements, la crainte est plus que jamais légitime.

                                                                                                                                                          AKOUISSONNE DE KITIKI

(24 janvier 2018)

 

Monsieur Akouissonne de Kitiki, l’auteur de l’auteur.

 

 

 

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