CENTRAFRIQUE : QUAND LE GARANT DE LA LOI FONDAMENTALE VIOLE LES PRINCIPES PRIMORDIAUX DE LA CONSTITUTION.

CENTRAFRIQUE : QUAND LE GARANT DE LA LOI FONDAMENTALE VIOLE LES PRINCIPES PRIMORDIAUX DE LA CONSTITUTION.                                              

 

 

Le Ministre Flavien Mbata.

 

Bangui, le 27 novembre 2017.

Par : Bernard Selemby Doudou, CNC.

 

La constitution est l’ensemble des règles écrites ou coutumières qui déterminent la forme de l’Etat, la dévolution et l’exercice du pouvoir. Elle est la loi fondamentale de la République. Placée au sommet de la hiérarchie des normes, la constitution rappelle l’attachement du peuple centrafricain au droit de l’homme et au principe de la souveraineté nationale. Son préambule rappelle les principes de la démocratie c’est à dire l’indivisibilité du pays, la laïcité et l’égalité des citoyens devant la loi sans distinction d’origine, de race ni de religion. La cour constitutionnelle est l’organe judiciaire qui est chargée de veiller au respect de la constitution ainsi qu’à la constitutionnalité des actes administratifs. La tradition républicaine selon les dispositions de l’article 38 de la constitution du 30 mars 2016 oblige le President de la République à prononcer la phrase suivante lors de la prestation de serment : “Moi…..je jure devant Dieu et devant la nation d’observer scrupuleusement la constitution…. de remplir consciencieusement les devoirs de ma charge sans aucune considération d’ordre éthique, régional ou confessionnel”. Embarrassé suite à la lecture des dispositions de cet article 38 de la constitution, le citoyen lambda s’interroge  en faisant l’économie du volet sécuritaire : Le President de la République observe t-il scrupuleusement la constitution ? Suivant la suite logique, le President de la République remplit-il les devoirs de sa charge sans considération ethnique, régionale ou confessionnelle ? Dubitatif, le citoyen lambda s’intéresse aux récents actes posés par l’élu de la nation. D’abord le décret Présidentiel du 12 septembre 2017 portant nomination des membres du gouvernement. À travers ce décret, le President de la République a fait entrer au gouvernement des représentants des groupes armés notoirement connus comme commanditaires des viols, crimes, assassinats, humiliations, pillages et exactions de tout genre sur le peuple centrafricain. Alors que le garant de la constitution est sans ignoré le contenu de l’alinéa 2 de l’article 28 de la constitution qui dispose : “toute personne physique ou morale qui organise des actions de soutien, diffuse ou fait diffuser des déclarations pour soutenir un coup d’état, une rébellion ou une tentative de prise de pouvoir par mutinerie ou par tout autre moyen est considérée comme coauteur”. Par ailleurs, l’alinéa 3 de ce même article dispose : “les auteurs, coauteurs ou complices des actes visés aux alinéas 1 et 2 sont interdits d’exercer toute fonction publique dans les institutions de l’Etat”. Ainsi, en sollicitant les services de ces rebelles, le President de la République n’a t-il pas violé la constitution ? L’article 124 de la constitution considère comme crime de haute trahison le non respect du serment. En attendant l’appréciation des chevronnés en droit constitutionnel, un charismatique leader d’opinion, President d’un parti politique, toujours incompris des régimes successifs a intenté une action en annulation devant le conseil d’Etat. Par méfiance, le conseil d’Etat a préféré démissionner devant ses responsabilités en se déclarant incompétent au motif que le décret pris par le chef de l’Etat a un caractère politique. Il convient de rappeler que le conseil d’état a sciemment ignoré que le pouvoir de nomination politique confié par la constitution au President de la République est par nature un acte administratif relevant du tribunal administratif et par voie de conséquence du conseil d’état en dernier ressort. S’agissant du décret très contesté portant nomination des préfets et sous préfets, la présidence oppose le pouvoir discrétionnaire du President de la République. Nous tenons à rappeler les autorités que le pouvoir discrétionnaire est soumis au principe de légalité, ne doit pas faire l’objet de polémiques et ne doit pas fragiliser les institutions républicaines (réactions et contestations de la classe politique). À la lecture des régimes successifs, le pouvoir discrétionnaire doit se distinguer du pouvoir monarchique synonyme de la dictature. En conséquence, le pouvoir discrétionnaire tel que défini par le pouvoir conduit à des dérapages, dérives. Pour finir, nous abordons l’épineux dossier des vingt officiers de police judiciaire sélectionnés pour appuyer la Cour pénale spéciale. En effet, une commission de sélection a été mise en place par la communauté internationale pour retenir les officiers de police judiciaire. Vingt lauréats ont été retenus à l’issue du test. Le garde des sceaux, sur la base des critères non formels (critères de genre, de l’équilibre régional, de non primauté d’une ethnie) a remplacé dix des vingt lauréats. Surpris par la liste des lauréats validée par décret, la communauté internationale n’a pas tardé à montrer son indignation par le boycott et la suspension du financement de la Cour pénale spéciale. L’ingérence de la présidence de la République dans ce processus de recrutement piloté par le garde des sceaux constitue une entrave, une atteinte grave à l’indépendance du pouvoir judiciaire garanti par l’alinéa 1 de l’article 109 de la constitution. Ainsi, l’exclusion des candidats à un concours pour des raisons de primauté ethnique, régionale et de genre est-elle fondée sur un motif juridiquement valable ? L’appartenance à une ethnie, une région où une religion est-elle incompatible avec l’exercice de la fonction ? Les autorités centrafricaines craignent-elles aussi la mise en place de la Cour pénale spéciale ? Combien de financements le pays a déjà perdu à cause des pratiques de ce genre ? Pourquoi vouloir becs et ongles insérer d’autres personnes que les heureux lauréats ? Pourquoi les parlementaires centrafricains ne s’intéressent pas à ce dossier ? À ce stade d’amateurisme, va t-on encore chercher un bouc émissaire ailleurs ? Va t-on encore accuser l’opposition ? Nous opposons aux initiateurs de cette manœuvres le célèbre arrêt Barel du conseil d’état du 28 mai 1954 (Recueil les grands arrêts de la jurisprudence administrative, page 515). En effet, dans cette affaire un candidat avait été écarté d’un concours pour ses opinions politiques. Cet arrêt avec les conclusions du commissaire du gouvernement Letourneur définit les limites du pouvoir discrétionnaire et rappelle que le principe d’égalité des candidats à un concours et l’impartialité du jury sont inviolables et garantis par la constitution. En conséquence de ce qui précède, nous demandons humblement aux autorités concernées de rétablir les personnes lésées dans leur droit. Mais attention, ne le dites à personne.. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.

 

Paris le 24 novembre 2017

Bernard SELEMBY DOUDOU

Juriste, Administrateur des Elections.                                                                              Tel : 0666830062.

Bernard Selemby Doudou, l’auteur de l’article.