Vakaga : De la ferme à l’espionnage , le mystère des agriculteurs tchadiens et soudanais de Hadjilida

Par la rédaction de Corbeau News Centrafrique, CNC.
Hadjilida, zone agricole ou nid d’espions ? Les agriculteurs tchadiens et soudanais y tissent un réseau opaque, mêlant récoltes, rebelles et stratégies électorales.
Dans la préfecture de la Vakaga, à la frontière entre la République centrafricaine, le Tchad et le Soudan, Hadjilida, près de Tissi Fongoro, est un lieu où l’agriculture cache des activités troubles. Depuis plusieurs années, des Tchadiens et Soudanais se sont installés massivement dans cette zone forestière, pas encore reconnue comme village, pour cultiver la terre. Ils produisent des récoltes abondantes, qu’ils remettent parfois une partie importante à Abdel Madjide, oncle du sultan de Birao, et au sous-préfet de Birao, chargés de les distribuer. Mais derrière ces activités agricoles, des questions émergent sur leur véritable rôle dans une région en proie à l’insécurité et aux rivalités transfrontalières.
Violence à Hadjar Fatna : un contexte explosif
Hadjilida se trouve près de Hadjar Fatna, où un affrontement violent a eu lieu le 16 janvier 2025. Des combattants des Forces de soutien rapide (RSF) soudanaises ont attaqué des rebelles tchadiens réfugiés dans une grotte, à 35 kilomètres à l’est de Birao. Selon les informations que nous avions publiée sur cet incident, l’attaque, déclenchée après des agressions contre des femmes peules Mbororo, a tué plusieurs rebelles, dont les chefs Ali Massar et Abakar. Trois blessés graves, Ismaël Kamiss, Ousman Anour et Alrachid Ali, ont été transportés à l’hôpital de Birao par des habitants. Des mercenaires russes, présents dans la ville, ont ensuite emmené certains blessés à Bangui pour des soins, avant de les ramener sur place.
La grotte de Hadjar Fatna, à 115 kilomètres de Tissi au Tchad, abrite depuis deux ans des rebelles tchadiens, principalement des ethnies Arabe, Ouaddaï et Sara. Ces groupes, divisés par le conflit soudanais, se sont partiellement ralliés aux RSF, créant des tensions. Cet événement révèle la porosité des frontières et l’incapacité des autorités centrafricaines à contrôler la région. Les mercenaires russes du groupe Wagner, qui ont entraîné et équipé ces rebelles entre 2022 et 2024, jouent un rôle ambigu, renforçant des groupes qui s’affrontent aujourd’hui.
Agriculteurs ou informateurs ?
Les Tchadiens et Soudanais de Hadjilida, qui parlent arabe et s’appuient sur Abdel Madjide, l’oncle du sultan de Birao, pour communiquer, ne se contentent pas de cultiver. Ils sont soupçonnés d’agir comme informateurs pour le sous-préfet, les mercenaires russes, et même les rebelles tchadiens basés dans les grottes. Leurs récoltes approvisionnent parfois ces groupes armés, bien que les détails restent flous. Ils fourniraient aussi des informations sur les positions des rebelles soudanais, centrafricains, et d’autres communautés, comme les éleveurs peuls attaqués récemment par des mercenaires russes près de Terfel, à Birao. Ces attaques, selon des habitants, auraient été guidées par des renseignements fournis par ces agriculteurs.
Malgré un refus officiel du gouvernement centrafricain en 2022 d’autoriser l’installation de groupes armés tchadiens, leur présence persiste, tolérée par les autorités centrafricaines. Cette situation fragilise la Vakaga, où l’armée centrafricaine reste cantonnée à Birao, laissant les habitants vulnérables face aux groupes armés et aux trafics transfrontaliers.
Réunions et ambitions électorales
Depuis mars 2025, le sous-préfet de Birao réunit régulièrement ces Tchadiens et Soudanais, présentés comme « chefs de groupements » ou « chefs de quartiers » autour de Tissi Fongoro et Hadjilida. Une mission du 7 mars 2025 (N° 002/RF/PFVK/SPFB/SG.025) a convoqué 17 personnes pour discuter de l’autorité de l’État dans la région : Issa Bahar, Seleman Bourma, Mahamat Abdoulaye, Hamdane Mahamat, Ardel-Aziz Idriss, Ataïb Abdallah, Younouss Mahamat, Hassane Hissene, Younouf Dahab, Said Adel Djibrine, Issack Adam, Seleman Abdelkarim, Hamdane Zimeim, Adam Idriss, Ali Abddarazick, Ahamat Bachir, et Kassim Younouss. Une deuxième réunion a eu lieu en mars, et une troisième est prévue, probablement en avril ou mai 2025.
Ces réunions inquiètent. Les autorités envisagent de recenser ces agriculteurs, de leur délivrer des cartes d’électeurs et la nationalité centrafricaine, bien qu’ils ne parlent pas sango et soient itinérants. Cette démarche laisse craindre une manipulation des élections, peut-être pour favoriser des intérêts locaux ou externes. La qualification de « chefs » semble un prétexte pour légitimer leur rôle, qui oscille entre agriculture, renseignement et influence politique.
Une région livrée à elle-même
Hadjilida et la Vakaga incarnent un vide de gouvernance. La présence massive de Tchadiens et Soudanais, leur collaboration avec les autorités, les mercenaires russes et les rebelles, ainsi que les projets de village exclusivement étranger alimentent les tensions. Les habitants locaux se sentent abandonnés, coincés entre groupes armés, trafics et ambitions électorales opaques. Les réunions à répétition et l’utilisation de ces agriculteurs comme informateurs renforcent l’idée d’un jeu stratégique dans cette zone frontalière.
La situation exige une attention urgente. Sans intervention pour rétablir l’autorité de l’État et protéger les populations, Hadjilida risque de devenir un foyer de conflits et de manipulations, avec des conséquences graves pour la stabilité régionale….
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