AA/ N’Djamena/ CNC/Bangui
« Une liste d’attente des pèlerins tchadiens ». Il ne s’agit pas d’une liste d’attente sur un vol commercial ordinaire, mais bel et bien d’une liste de potentiels chanceux qui partiront pour le pèlerinage à la Mecque 2014, prévu au mois d’octobre prochain.
Comme pour chaque année, les autorités du royaume de l’Arabie saoudite fixe le barème du nombre des pèlerins autorisés à se rendre en pèlerinage, pour chaque pays. Cette année, le nombre de pèlerins tchadiens a été fixé à 7000 personnes, selon le comité tchadien de pèlerinage 2014.
Cependant, la période des constitutions et dépôt des dossiers pour l’obtention du visa est loin d’être une mince affaire pour les fidèles. Le chemin est bien souvent parsemé d’embûches pour ces derniers qui chaque année, sont victimes d’escroquerie, d’abus de confiance et d’arnaque en tout genre.
Aminata Djallo, âgée d’une soixante d’année, vît à Bambari, au nord-est de la République Centrafricaine. Elle doit passer par le Tchad pour se rendre en Arabie Saoudite, la situation en Centrafrique ne permettant pas une circulation en toute sécurité.
Les frais de Djallo ont été tous assurés par un de ses fils vivant aux Etats-Unis, informe la femme.
« Je suis venue au Tchad juste pour le pèlerinage à la Mecque. Mon calvaire a commencé à partir de la frontière tchado-centrafricaine. Comme elle est fermée depuis le mois d’avril (à cause des violences qui ont secoué la RCA), j’ai dû la traverser de manière frauduleuse. Arrivée à la capitale, la délivrance de l’acte de naissance, ensuite la carte d’identité et le passeport étaient pour moi un véritable casse-tête. Il m’a fallu effectuer des va-et-vient durant près d’une semaine », raconte-t-elle, lassée.
Toujours de sa voix basse, la dame ajoute : « Aujourd’hui, je me suis acquitté de tous les frais, mais à la dernière minute, l’on nous a fait savoir que nous faisons partie de ceux qui voyagent avec le visa ivoirien », poursuit-elle, l’air crédule.
« Pour l’instant aucune date ne nous a été communiquée, mais les autorités nous ont demandé d’attendre et voilà, j’attends désespérément le cœur serré, de m’acquitter de mon devoir de musulmane », dit-elle dans un murmure.
Pour Dayé Zakaria, ressortissant de Moïto, petite localité situé dans la région du Chari-Baguirmi (sud-ouest), le pèlerinage relève du parcours du combattant.
A deux reprises, ses tentatives de se rendre en terre sainte se sont soldées par un échec.
« L’année dernière, la procédure m’a fait perdre la tête ! Durant des semaines j’ai été roulé dans la farine par le commissionnaire (courtier, sous-traitant ou intermédiaire des agences de voyage) qui a réceptionné mon argent d’entre les mains de mon frère depuis l’Arabie Saoudite », s’exclame l’homme.
« Après lui avoir remis de l’argent et mon document de voyage, je n’ai plus eu de nouvelles. J’ai alors cherché par tous les moyens à le voir. C’était épuisant. Les rares fois où je parvenais à mettre la main sur lui, il ne cessait de me répéter que mon dossier était en cours pour le visa. Il m’a trainé ainsi des semaines durant pour finalement me dire que mon dossier a été rejeté » explique Zakaria, dépité.
«Une fois, à son retour de Djedda (Arabie Saoudite), le commissionnaire m’a dit que je partirais avec la délégation de l’année prochaine (cette année). Mais cette fois, c’est pratiquement les mêmes arguments qu’il avance. Il m’a même dit que si jamais je n’effectue pas ce voyage, cela signifieque Dieu ne l’a pas voulu. Mais il a toutefois promis de faire tout ce qui était en son pouvoir pour me faire partir », a-t-il encore raconté, l’air sceptique.
Pour le vice-président tchadien du comité de pèlerinage 2014 Mahamat Ahmat Choukou, « aucune preuve n’existe de manière officielle concernant les arnaques et escroqueries évoquées ».
« Mais, comme nous collaborons avec 5 agences accréditées, et qu’à leur niveau, chacune d’entre elles sous-traite avec des intermédiaires. C’est évident que des personnes malintentionnées rôdent autour d’eux pour commettre des forfaits », reconnait le responsable.
Pour les autorités tchadiennes, aucune sanction ne peut être infligée contre les auteurs de ces escroqueries tant que la police ne détiendra pas de preuves flagrantes, précise un agent de l’ordre.
Actuellement, plus de 5000 visas ont été accordés aux pèlerins dont une partie se trouve déjà à la Mecque, confie Choukou à Anadolu : « Les autres groupes vont les rejoindre dans les prochains vols une fois que leur visa sera accordé », a-t-il ajouté, sans toutefois préciser le nombre exact de pèlerins encore restants.
Par: Abdoulaye Adoum