Un rapport évaluant le dispositif militaire français en Afrique a été présenté le 9 juillet 2014 en commission de l’Assemblée nationale. Il revient notamment sur les opérations au Mali et en Centrafrique (RCA). Dans le même temps, le gouvernement a prévu de supprimer 7.500 postes dans la Défense, chiffre conforme à la loi de programmation militaire pour 2015.
Il aura fallu 6 mois d’auditions et de déplacements au Niger, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Mali, Sénégal, Gabon, Centrafrique, Tchad, Emirats Arabes Unis et Djibouti, à Gwendal Rouillard, député PS du Morbihan, et Yves Fromion, député UMP du Cher, avant de présenter leur rapport intitulé Evaluation du dispositif militaire en Afrique et suivi des opérations en cours.
Le vécu des troupes sur le terrain, la compréhension des enjeux stratégiques, les retombées économiques de la présence française en Afrique sont autant d’éléments qui ont été pris en compte par les auteurs pour évaluer la réalité du terrain.
Les effectifs permanents en Afrique
Aujourd’hui, la France est partenaire de l’Afrique car elle intervient ponctuellement à la demande des Etats. Elle dispose d’effectifs militaires permanents en Afrique: 350 hommes à Dakar, 900 à Libreville, 1.950 à Djibouti, 950 au Tchad, 450 en Côte d’Ivoire, 745 à Abu Dhabi, 320 dans le golfe de Guinée (plus 1.900 à Mayotte et à La Réunion).
Economies obligent, des coups de rabot et des redéploiements de troupes sont envisagés. Par exemple, la base de Libreville au Gabon, bien intégrée dans le tissu local, devrait voir ses personnels militaires passer de 900 à 350.
Une réduction d’effectifs est également envisagée à Djibouti (de 1.950 à 1000 hommes). L’analyse des besoins et des ressources du texte prévient toutefois qu’il faut «un minimum de 1.300 hommes pour rester crédible» dans cet endroit stratégique.
Les soldats français de l’opération Serval, le 31 décembre 2013 à Gao, au Mali. © JOEL SAGET / AFP
Sortie de crise difficile au Mali
Selon le rapport, la situation est loin d’être stabilisée, notamment au nord du pays. Aujourd’hui, il y a 1.800 militaires français non-permanents dans le cadre du dispositif Serval au Mali, où la sortie de crise est compliquée et sera longue.
Force est de constater que le passage de relais avec les forces maliennes, qui ne sont pas encore efficaces, sera difficile, tout comme le déploiement de la Minusma (force de l’ONU pour la stabilisation du pays) qui tarde.
Au niveau de l’Etat, le processus de réconciliation inter-malien piétine, ce qui ne facilite pas la mise en place d’un processus de normalisation. Les rapporteurs mettent en garde contre «un arrangement politique mal ficelé», qui aboutirait à «une paix fragile».
Sangaris peu soutenue en Centrafrique
Les 2.000 hommes non-permanents de l’opération Sangaris n’ont quasiment pas d’appuis dans le pays car, en dehors de Bangui, il n’y a pas d’Etat. Les deux camps ennemis (anti-Balaka et ex-Séléka) se «partagent» le pays. Sur le terrain, les militaires observent une confusion des genres entre lutte politique et banditisme, précise Yves Fromion.
Les Français, qui se retrouvent souvent dans une position inconfortable et tendue, misent sur le déploiement de la Minusca (ONU) dès septembre 2014 pour commencer à construire un Etat viable.
Si la force de l’Union africaine (Misca), environ 5.800 soldats, doit intégrer mi-septembre la Minusca, il reste que les moyens, notamment de commandement, font défaut, insistent les rapporteurs.
Le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian parle avec des soldats français lors d’une visite à la base militaire de la force Sangaris, le 7 Juillet 2014 à Bangui, en République centrafricaine. © AFP PHOTO / STEPHANE DE SAKUTIN
Manque d’investissement européen
Cette étude approfondie de l’évolution du dispositif militaire en Afrique via les opérations Serval au Mali et Sangaris en RCA indique que les conditions d’un retrait des troupes françaises ne sont pas réunies pour le moment.
L’expérience des Opex (interventions militaires françaises en dehors du territoire, en collaboration avec les organisations internationales et les armées locales) en Afrique (comme l’opération Epervier menée depuis 1986 au Tchad et Licorne depuis 2002 en Côte d’Ivoire) montre que les troupes françaises stationneront pour un moment encore dans ces deux pays.
Il ressort également que la situation des forces armées en Centrafrique ou au Mali est difficile car les moyens affectés suffisent à peine à maintenir un niveau de sécurité. Les militaires travaillent dans un état de tension extrême, ce qui rend peu opportun l’idée d’une réduction des effectifs.
Les deux députés dénoncent par ailleurs le manque d’investissement européen, que ce soit au Mali ou en Centrafrique, où «personne ou presque ne répond à l’appel».
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