Bangui, CNC. La violence continue de perturber la vie quotidienne des Centrafricains, malgré les déclarations optimistes du gouvernement. Un incident survenu la semaine dernière près de Nana-Boguila, dans la préfecture de l’Ouham, à environ 450 km au nord de Bangui, en est la preuve flagrante.
Lundi dernier, des commerçants et acheteurs se rendaient au marché hebdomadaire vers Markounda. À 25 kilomètres de Nana-Boguila, près du village de Sido, ils sont tombés dans une embuscade tendue par des hommes armés non identifiés. Les assaillants ont dépouillé les voyageurs de tous leurs biens et de leur argent avant de s’enfuir dans la brousse.
Cet incident remet en question les affirmations du président Faustin-Archange Touadera, alias Baba Kongoboro. Lors de sa récente intervention à l’Assemblée Générale des Nations Unies, il a déclaré que la sécurité s’était améliorée dans le pays. La réalité sur le terrain semble bien différente.
Un habitant de Markounda, 45 kilomètres du lieu de l’incident, et souhaitant rester anonyme, témoigne : “Les groupes armés ont peut-être quitté les centres-villes, mais dès qu’on s’éloigne de quelques kilomètres, c’est l’anarchie totale. Les bandits contrôlent la brousse et les routes. Même les forces de l’ordre n’osent pas s’aventurer au-delà de leurs positions“.
En effet, 80% du territoire centrafricain est constitué de zones rurales et forestières difficiles à contrôler. Les villes comme Bangui, Bambari, Bossangoa ou Bouar ne représentent qu’une infime partie du pays. C’est dans ces vastes étendues que sévissent les groupes armés en toute impunité.
“Les cultivateurs et les commerçants vivent dans la peur permanente”, poursuit notre source. “Même les militaires sont cantonnés dans leurs bases et n’effectuent pas de patrouilles au-delà de 5 km. Ils risquent d’être attaqués s’ils s’aventurent plus loin“.
Cette situation paralyse l’économie et entrave le développement du pays. Les déplacements sont devenus extrêmement dangereux, limitant les échanges commerciaux et l’accès aux champs pour les agriculteurs.
Seules les organisations humanitaires semblent bénéficier d’une relative liberté de mouvement. “Les groupes armés ont compris l’importance de l’aide humanitaire et laissent généralement passer les convois”, explique un travailleur humanitaire. “Mais même nous ne sommes pas à l’abri des braquages opportunistes”.
La faiblesse des Forces armées centrafricaines (FACA) est criante. Récemment, une position des FACA a été attaquée à Ngoutéré, dans la préfecture de l’Ouham-Pendé, faisant plusieurs victimes. À Sam-Ouandja, dans la Haute-Kotto, une patrouille a aussi été prise pour cible, causant la mort d’un sous-officier.
“Les soldats sont comme des statues dans leurs bases“, déplore un ancien militaire. “Ils n’ont ni les moyens ni l’autorisation de mener des opérations offensives contre les groupes armés. C’est une situation intenable“.
La présence de la MINUSCA, la force de maintien de la paix de l’ONU, ne semble pas améliorer significativement la situation sécuritaire. Certains observateurs critiquent son manque d’engagement sur le terrain.
“La MINUSCA est mieux informée que quiconque sur la réalité sécuritaire du pays“, affirme un analyste politique. “Mais pour des raisons diplomatiques et financières, elle joue le jeu du gouvernement en minimisant l’ampleur du problème“.
La présence controversée des mercenaires russes du groupe Wagner ajoute encore à la complexité de la situation. Un expert en sécurité commente : “Le modèle économique de Wagner repose sur l’instabilité. Ils n’ont aucun intérêt à ce que la paix revienne durablement en Centrafrique“.
Alors que le gouvernement centrafricain continue d’affirmer que la situation s’améliore, la réalité vécue par les populations rurales raconte une toute autre histoire. Entre les groupes armés qui contrôlent la brousse, des forces de sécurité nationales démunies et une présence internationale aux résultats mitigés, la Centrafrique peine à sortir du cycle de la violence et de l’insécurité.
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