samedi, novembre 16, 2024
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Les agriculteurs de Centrafrique en situation de grande fragilité

RFI  /  CNC

Les agricuteurs en centrafrique en situation de grave difficulté

En Centrafrique, le pire a été évité en matière de sécurité alimentaire. En dépit du lourd impact de la crise sur le monde rural, les paysans ont réussi à planter, grâce à l’aide internationale. Pas de famine dans les campagnes, donc, mais beaucoup de paysans restent dans une situation fragile, car la production de cette saison agricole sera loin d’être exceptionnelle. Aujourd’hui Bimon, un village situé à une trentaine de kilomètres de la capitale qui alimente traditionnellement Bangui, va mieux, mais paie encore le prix de la crise.

Avec nos envoyés spéciaux à Bimon

Le village de Bimon, qui avait subi des destructions lors d’un passage de la Seleka, va maintenant mieux. Cette femme a reconstruit un grenier pour sa récolte de maïs. ©Bertrand Haeckler, Laurent Correau/RFI

Après les destructions causées par la Seleka lors de son passage, le village de Bimon, dans l’Ombella Mpoko revit, petit à petit. Certains ont reconstruit des greniers où s’entassent les épis de maïs. D’autres ont pu reconstituer un élevage de canards ou de porcs. Les résultats de cette campagne agricole ne sont pourtant pas extraordinaires. Avec le climat d’insécurité de ces derniers mois, les paysans n’ont pas pu cultiver des parcelles aussi grandes que d’habitude.

Giscard Pany, agriculteur à Bimon explique que les violences n’ont pas permis aux villageois de cultiver la même surface de champs que d’habitude : « parce qu’il y avait la présence des hommes armés qui sont venus dans le village, on était refusé dans la brousse. Donc on n’a pas eu le temps de travailler le champ en grand surface ». Non seulement le temps a manqué, mais les semences aussi. Car la crise a fait arriver à Bimon des milliers de déplacés, des bouches supplémentaires qui ont vidé les greniers. Thomas Beya, un autre paysan du village raconte comment cela s’est passé : « A partir du moment où ils sont arrivés, ils ont augmenté les effectifs de la population existante, donc les semences ont été mangées, les greniers ont été utilisés ». La distribution de semences et d’outils par le gouvernement, la FAO et les humanitaires a permis d’éviter la catastrophe, mais déjà certains expliquent qu’ils ne peuvent écouler leurs produits. La crise a ruiné l’économie locale. Et pour l’instant, les acheteurs de Bangui traumatisés par les violences passées tardent à revenir.


■ Le point de vue de la FAO, l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation

Pour Pierre Vauthier, qui coordonne la réponse d’urgence de la FAO en Centrafrique, les réserves risquent d’être assez vite épuisées. Il faudra donc, selon lui, accompagner les paysans sur d’autres cultures, d’autres activités pour qu’ils puissent traverser la période de soudure : « Il y avait un énorme problème au début de la saison agricole de manque de semences. Les gens avaient perdu ça puisqu’ils s’étaient fait piller les stocks, ils avaient d’énormes problèmes pour replanter et ressemer. »

Il y a donc eu une énorme opération qui s’est faite afin de distribuer des semences, et notamment en Centrafrique pour éviter des situations de famines. Pour Pierre Vauthier,« la situation est extrêmement préoccupante, puisqu’en fait on sait que l’on n’a pas pu enrayer une réduction des superficies cultivées. Parce que d’abord les gens se sont déplacés, ils n’ont pas eu la totalité du temps pour pouvoir réouvrir les parcelles. De plus, tout le bétail de traction animale a été volé, donc il va y avoir une réduction de la production. Ce qui va se traduire par une réduction des stocks. Est-ce que ces réserves seront suffisantes pour tenir jusqu’à la prochaine récolte ? Ça c’est un élément important. Il va donc y avoir un besoin pour les agriculteurs de lancer d’autres petites productions pour compenser cette perte, notamment le petit élevage mais aussi agrandir, si nécessaire, les jardins potagers qui permettront de compenser, dans une certaine mesure, ce manque à se nourrir. »

Autre sujet de préoccupation en Centrafrique, la période de transhumance des troupeaux approche. D’intenses déplacements de bétail sont attendus dans les tous prochains mois. Seulement la transhumance est un peu particulière cette année : d’abord parce que les groupes armés se sont multipliés sur les routes traditionnelles et aussi parce qu’on ne sait pas comment les peuls Mbororo qui conduisent les troupeaux, et qui ont été l’une des populations prises pour cible ces derniers mois, vont se comporter vis à vis des communautés sédentaires. Pour Pierre Vauthier, il faut rapidement permettre un dialogue à l’échelon local entre communautés villageoises et pasteurs pour éviter que de nouvelles violences ne se déclenchent : « C’est un phénomène régional, le bétail et les éleveurs arrivent du Tchad, du Soudan du Sud, du Cameroun et parfois même de plus loin. Ils viennent à la saison sèche pour faire pâturer le bétail dans les régions de Centrafrique et même, il faut rappeler qu’il y a des transhumants centrafricains, il y a des peuls centrafricains, et qui eux aussi ont été victimes de cette guerre, ils ont perdu le bétail, ils se sont fait bloquer dans certains endroits, il y a eu des populations de peuls qui ont été extrêmement victimes de cette guerre. Le problème cette année, la présence de milices ou la présence de groupes armés sur les zones traditionnelles, c’est-à-dire, les voies de transhumance, va faire que ces gens là vont très probablement changer les routes». Pour la FAO, il s’agit d’un point crucial car les gens vont passer dans d’autres zones pour lesquelles il n’y a pas eu d’accord, de discussions préalables et ça, ça va peut-être poser problème dans les villages qui vont être traversés. «La transhumance s’effectue toujours avec des hommes en armes pour protéger le bétail, donc ça va être des facteurs de tension, d’enflammement de certaines zones. Pour nous c’est absolument important qu’il y ait un dialogue qui se noue entre les populations des villages et ces éleveurs transhumants », alerte Pierre Vauthier.

RFI

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