L’armée centrafricaine, au service des mines ou de la nation ? Quel objectif pour les 50 000 soldats en 2050 annoncés par Touadéra ?

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L’armée centrafricaine, au service des mines ou de la nation ? Quel objectif pour les 50 000 soldats en 2050 annoncés par Touadéra ?

 

L’armée centrafricaine, au service des mines ou de la nation ? Quel objectif pour les 50 000 soldats en 2050 annoncés par Touadéra ?
Le général Zéphirin Mamadou, chef d’État-major de l’armée centrafricaine.

 

Par la rédaction de Corbeau News Centrafrique, CNC.

 Avec 50 000 soldats promis d’ici 2050, Touadéra affiche de grandes ambitions. Mais l’armée centrafricaine, enlisée dans la garde de mines, des magasins des libanais et  des personnalités, est-elle encore au service de la nation ? Son avenir reste inquiétant.

 

Le président Faustin-Archange Touadéra, surnommé Baba Kongoboro,  a provoqué un vif débat lors de son dernier discours à l’Assemblée nationale centrafricaine, où il a détaillé sa vision pour l’avenir des Forces armées centrafricaines (FACA). Fort d’une réforme constitutionnelle qui prolonge les mandats présidentiels de cinq à sept ans et supprime la limite de deux mandats, Touadéra semble s’installer pour un règne de plus de deux décennies. Son objectif central : faire passer l’armée de ses 22 000 hommes actuels à 50 000 d’ici 2050. Mais cette annonce ambitieuse pousse à s’interroger : cette armée renforcée servira-t-elle à protéger la nation ou à consolider les intérêts des personnalités et d’investisseurs étrangers ? Les choix actuels du président, soldats déployés pour sécuriser des commerces, escorter des dignitaires ou surveiller des sites miniers, laissent planer un doute sérieux sur la finalité de cette expansion. Loin de renforcer la sécurité nationale, ces missions risquent de transformer l’armée en une force au service de priorités éloignées des besoins du peuple centrafricain.

 

Aujourd’hui, l’armée centrafricaine est dispersée dans des rôles qui brouillent son identité. Des soldats se retrouvent à protéger des magasins tenus par des commerçants libanais, à escorter des ministres, des directeurs généraux ou des proches de la présidence, ou encore à assurer la sécurité de sites miniers exploités par des entreprises chinoises à travers le pays. Plus troublant encore, le gouvernement a récemment accordé cinq permis miniers directement à l’armée, une décision qui explique une volonté de transformer les militaires en ouvriers chargés d’extraire or et diamants. Cette dérive est problématique à plusieurs titres : non seulement elle détourne les soldats de leur mission première : la défense du territoire et des citoyens, mais elle expose l’institution militaire à des risques de corruption et de clientélisme. Une armée digne de ce nom repose sur la discipline, la formation et la cohésion, pas sur sa capacité à jouer les vigiles pour des intérêts privés ou à se muer en entreprise extractive.

 

Pour comprendre les dangers de cette approche, il suffit de regarder la République démocratique du Congo (RDC). Avec une force estimée à 166 580 militaires actifs, 31 000 réservistes et 10 000 paramilitaires, soit plus de 207 000 hommes, l’armée congolaise apparaît comme un géant. Pourtant, elle est minée par des failles structurelles : formation insuffisante, salaires dérisoires et corruption endémique. Loin de protéger les citoyens, certains soldats se livrent à des exactions, extorquant les populations qu’ils devraient défendre. Dans l’est de la RDC, des groupes rebelles comme le M23 s’emparent de villes entières, révélant l’incapacité de cette armée pléthorique à tenir ses positions. Ce cas montre qu’une armée, aussi nombreuse soit-elle, devient un fardeau si elle manque de qualité et de direction claire.

 

À l’opposé, des pays comme le Rwanda offrent un contre-exemple éclairant. Avec environ 33 000 militaires actifs, les Forces de défense rwandaises (RDF) se distinguent par leur efficacité. Leur secret ? Une formation rigoureuse, une discipline de fer et une stratégie bien définie. Le Rwanda a su faire de son armée un acteur respecté, capable d’intervenir dans des missions de maintien de la paix et de projeter une influence régionale, sans s’encombrer d’effectifs démesurés. Le Tchad, avec une armée plus modeste, illustre également ce principe. Ses soldats, aguerris par des années de lutte contre le terrorisme au Sahel, ont démontré une capacité d’adaptation et une ténacité qui forcent l’admiration. L’Ouganda, avec ses 45 000 militaires, parvient quant à lui à conjuguer stabilité intérieure et engagement régional, notamment en Somalie, grâce à une organisation cohérente et un entraînement régulier.

 

Face à ces modèles, la trajectoire choisie par Touadéra semble hasardeuse. Viser 50 000 soldats d’ici 2050 peut sembler impressionnant, mais à quoi bon multiplier les effectifs si ceux-ci sont cantonnés à des tâches subalternes ? Un soldat qui passe ses journées à protéger un commerce ou à surveiller une mine ne développe ni les compétences tactiques ni l’endurance nécessaires pour affronter des menaces réelles, comme les groupes armés qui sévissent encore dans certaines régions du pays. La décision d’impliquer l’armée dans l’exploitation minière est particulièrement inquiétant. Non seulement elle détourne les ressources humaines et matérielles de la défense nationale, mais elle risque aussi de créer des conflits d’intérêts au sein de l’institution. Des officiers pourraient être tentés de privilégier les profits miniers au détriment de la sécurité, tandis que les soldats, mal payés et démotivés, pourraient perdre tout sens de leur mission.

 

L’idée de faire appel à des mercenaires russes , notamment Wagner, pour former l’armée centrafricaine ajoute une couche d’incertitude. Si des groupes comme Wagner—souvent réduits à 2 000 hommes dans d’autres contextes africains—peuvent produire des résultats à court terme, leur impact à long terme est douteux. Ces formateurs extérieurs ne construisent pas d’institutions durables ; ils imposent des méthodes brutales qui, au mieux, intimident temporairement, et au pire, aliènent les troupes locales. En Centrafrique, où la présence russe est déjà controversée, confier la formation des FACA à des mercenaires pourrait aggraver les tensions internes et décrédibiliser davantage l’armée auprès de la population. Une armée nationale doit s’appuyer sur ses propres cadres, formés localement et imprégnés des réalités du pays, pour garantir sa légitimité et son efficacité.

 

Touadéra se trouve à un carrefour. La valeur d’une armée ne se mesure pas à ses effectifs, mais à sa capacité à protéger le territoire et les citoyens avec précision et détermination. Le Rwanda et le Tchad montrent qu’une force compacte, bien entraînée et motivée peut accomplir des prouesses ; la RDC prouve qu’un mastodonte mal organisé s’effondre sous la pression. Si les soldats centrafricains continuent d’être dispersés entre mines, boutiques et cortèges officiels, ils ne seront qu’un coûteux décor—incapables de répondre aux défis sécuritaires du pays, qu’il s’agisse des groupes armés ou des tensions frontalières. Avec plus de vingt ans potentiellement devant lui, Touadéra a l’opportunité de redresser la barre, mais cela exige un changement radical de cap : investir dans une formation de haut niveau, équiper les troupes avec du matériel moderne et instaurer une culture de mérite et de responsabilité.

 

Sans cette réorientation, l’objectif de 50 000 soldats risque de n’être qu’un chiffre creux, un symbole d’ambition mal calibrée. L’armée centrafricaine, déjà fragilisée par des années de crise, ne peut se permettre de devenir une coquille vide, au service des mines plutôt que de la nation. Touadéra doit choisir : une force qui incarne la fierté et la sécurité du pays, ou une troupe reléguée à des tâches indignes de son mandat. La réponse à cette question déterminera non seulement l’avenir de l’armée, mais celui de la Centrafrique tout entière….

 

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