Intégration au ministère des Finances : la mafia s’organise

Rédigé le 25 novembre 2025 .
Par : la rédaction de Corbeaunews-Centrafrique (CNC).
La question de l’intégration des agents dans la fonction publique centrafricaine demeure un casse-tête récurrent depuis plusieurs décennies. Au ministère des Finances, où des centaines de stagiaires attendent parfois plus d’une décennie leur titularisation, chaque nouvelle vague d’intégration s’accompagne de son lot d’irrégularités et de manipulations. L’actuel processus d’intégration ne fait pas exception à cette règle.
Au sein de l’administration centrafricaine, les procédures d’intégration se déroulent généralement selon un schéma établi. Les candidats déposent leurs dossiers auprès des services compétents, une commission examine les pièces fournies, vérifie la conformité avec les critères requis, puis établit une liste des personnes retenues. Cette mécanique administrative, apparemment simple, cache en réalité des zones d’ombre où prospèrent divers arrangements.
Au ministère des Finances, la situation présente des particularités notables. Des anciens stagiaires ayant suivi la formation à l’École de la Régie financière patientent depuis six, sept, voire treize à quinze ans avant d’obtenir leur intégration définitive. Ces retards accumulés créent une pression considérable à chaque ouverture d’un nouveau processus d’intégration. Les dossiers s’accumulent, les attentes se multiplient, et avec elles, les tentations de contourner les règles.
Face aux risques de pressions et d’influences qui pèsent traditionnellement sur ces commissions lorsqu’elles siègent à Bangui, le ministre des Finances a pris une décision inhabituelle. Il a ordonné à la commission chargée d’examiner les dossiers de se déplacer à Boali, localité située à 95 kilomètres de la capitale. L’objectif affiché consistait à mettre les commissaires à l’abri des appels téléphoniques incessants, des visites impromptues et des diverses sollicitations venant de proches du pouvoir, de ministres ou d’autres personnalités influentes cherchant à placer leurs protégés.
La commission s’est donc installée à Boali depuis le vendredi de la semaine dernière. Les membres devaient travailler en toute sérénité, hébergés à l’hôtel, loin de l’agitation de la capitale. Ils ont effectivement entamé l’examen des dossiers déposés par les candidats à l’intégration. Mais très rapidement, des informations troublantes ont commencé à circuler.
Selon des sources proches du dossier, certains membres de la commission auraient contacté Bangui pour signaler des anomalies dans les documents à leur disposition. Ils affirment que plusieurs candidats dont les noms figurent sur la liste initiale ne disposeraient pas de dossier complet au sein de la documentation transmise. D’autres auraient des pièces manquantes dans leur dossier. Ces lacunes nécessiteraient, selon ces mêmes sources, de procéder à des remplacements en puisant dans une liste d’attente.
Cette situation paraît pour le moins étrange. Comment des candidats ayant déposé leur dossier en bonne et due forme peuvent-ils se retrouver sans dossier au moment de l’examen par la commission ? Plusieurs hypothèses circulent. La première évoque une manipulation en amont : des dossiers auraient été délibérément soustraits ou incomplets à Bangui avant leur transmission à Boali. La seconde suggère que des pièces auraient été retirées intentionnellement de certains dossiers pour justifier leur élimination et permettre l’insertion de nouveaux noms issus de la fameuse liste d’attente.
Cette liste d’attente constitue justement le point central des suspicions. Elle permettrait d’introduire dans le processus des personnes qui n’avaient initialement pas sur la liste principale, ou dont les dossiers ne répondaient pas aux critères. Des proches de membres de la commission, des parents, des connaissances bien placées pourraient ainsi bénéficier d’une intégration au bénéfice de stagiaires ayant attendu leur tour pendant des années.
Le déplacement à Boali, censé protéger la commission des influences extérieures, n’a donc pas suffi à enrayer la machine. Les réseaux mafieux semblent avoir trouvé le moyen de maintenir leur emprise sur le processus, cette fois-ci non plus par la pression directe, mais par la manipulation des documents et l’instrumentalisation de prétendues irrégularités administratives.
Les agents du ministère des Finances qui attendent depuis plus d’une décennie leur intégration observent cette situation avec amertume. Certains ont rejoint l’administration après leur sortie de l’École de la Régie il y a six ou sept ans. D’autres patientent depuis treize, quatorze, voire quinze ans. Tous ont vu passer plusieurs vagues d’intégration sans jamais figurer sur les listes finales. Cette fois encore, malgré les promesses et malgré le dépôt en règle de leurs dossiers, ils risquent de voir leur espoir s’envoler au profit d’arrangements opaques.
La publication de la liste définitive est attendue cette semaine. Elle permettra de vérifier si les craintes exprimées se concrétisent ou non. En attendant, cette affaire confirme une fois de plus l’ampleur des dysfonctionnements qui gangrènent l’administration centrafricaine. Même les mesures exceptionnelles, comme l’isolement géographique d’une commission, ne parviennent pas à garantir la transparence et l’équité dans les procédures d’intégration. Le système continue de favoriser les réseaux et les connivences au détriment des candidats légitimes qui respectent les règles établies.
Par Alain Nzilo….
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