Expression citoyenne et divergences politiques  en Centrafrique : les limites à ne pas franchir selon le gouvernement

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Expression citoyenne et divergences politiques  en Centrafrique : les limites à ne pas franchir selon le gouvernement

 

Expression citoyenne et divergences politiques en Centrafrique : les limites à ne pas franchir selon le gouvernement
Le ministre d’État en charge de la justice Arnaud Djoubaye Abazene copyright CNC

 

Par la rédaction de Corbeau News Centrafrique, CNC.

Selon la propagande diffusée par le gouvernement sur les antennes de la radio nationale ce lundi 7 avril 2025, la République centrafricaine garantit à chaque citoyen le droit d’exprimer librement ses opinions et de débattre des questions politiques. Ce droit fondamental, protégé par la Constitution du 30 août 2023, permet à la population de participer activement à la vie démocratique du pays. Toutefois, selon le même gouvernement, l’exercice de cette liberté comporte des frontières destinées à préserver la cohésion et l’ordre public.

 

En effet, selon les autorités centrafricaines, les divergences d’opinion constituent, du moins sur le papier,  le socle d’un débat politique sain. Chaque citoyen peut, sans crainte, manifester son désaccord et proposer des alternatives aux projets portés par les acteurs politiques. Pourtant, ces expressions ne doivent pas verser dans l’incitation à la haine, la violence ou le dénigrement de groupes de personnes. La loi rappelle que la critique légitime ne doit pas être confondue avec des appels à l’exclusion ou à la déstabilisation de l’ordre démocratique.

 

Les autorités et la société civile sont vigilantes quant à la délimitation de ces espaces d’expression. Le respect des opinions divergentes doit s’accompagner d’un dialogue constructif et d’une approche responsable. Les discours qui franchissent les limites, en diffamant ou en incitant à des actions contraires aux valeurs républicaines, peuvent entraîner des sanctions, tout en rappelant que ces mesures visent à garantir le bon fonctionnement de la démocratie.

 

Mais en réalité, À Bangui comme ailleurs dans le pays, la loi protège la voix des citoyens, mais pas toutes. Le gouvernement décide qui peut parler et qui doit se taire, transformant les ondes de Radio Centrafrique en outil de contrôle plus qu’en tribune libre. Le 7 avril 2025, la station vantait une démocratie idéale, mais dans les faits, les limites imposées par le régime de Faustin-Archange Touadéra racontent une autre histoire : entre autorisations tardives, menaces voilées et arrestations arbitraires, l’expression populaire est un droit à géométrie variable.

 

Une marche de l’opposition interdite, puis  autorisée après un cafouillage

 

Le 4 avril 2025, le Bloc Républicain pour la Défense de la Constitution du 30 mars 2016 (BRDC), fer de lance de l’opposition centrafricaine, a prévu une marche à Bangui pour faire entendre sa voix, un droit inscrit dans la Constitution de la septième république de Baba Kongoboro. Mais le ministère de la Sécurité publique a d’abord dans un premier temps interdit l’événement. Dans un communiqué maladroit, il a évoqué une manifestation d’avril 2024 au lieu de 2025,  une erreur grossière qui a semé le doute sur sa compétence. Face à cette bourde et à la détermination de l’opposition, qui comptait manifester coûte que coûte, un nouveau communiqué a rectifié le tir : la marche est finalement autorisée, sur « instruction » directe du chef de l’État.

 

Les griots du pouvoir, comme le ministre Bruno Yapandé et Blaise Didatien Kossimatchi, ont sauté sur l’occasion pour louer Touadéra, le présentant comme un « grand démocrate  avéré» qui respecte la loi. Pourtant, cette autorisation tardive sent la mise en scène. Sur les réseaux sociaux, des messages ont circulé pour décourager les participants : certains, se disant marabouts ou charlatans, prédisaient des morts le 4 avril, tandis que Kossimatchi a appelé les taxis-motos à boycotter l’événement, le qualifiant de « problème ». La loi, tant vantée à la radio, semble plier au bon vouloir du président, pas à celui du peuple.

 

La société civile dans le collimateur : menaces et insultes

 

Si l’opposition a obtenu gain de cause avec sa détermination ferme, la société civile, elle, reste pliée sous une pression constante. Il y a quelques années, en 2022, elle avait menacé de manifester contre la hausse du prix des cartes nationales d’identité, passé de 4500 FCFA (voté par l’Assemblée) à 6500 FCFA par Almadina, la société libanaise en charge. Le mouvement a été interdit par le ministre de l’intérieur, puis par des griots du régime avec des intimidations. En 2024, les coupures d’eau et d’électricité ont poussé la même société civile à vouloir marcher à nouveau. Réponse ? Des interdictions et des menaces, notamment de Kossimatchi, qui a promis de « broyer les tibias » des manifestants avec des battes de baseball.

 

Les griots du régime ne s’arrêtent pas là. Doc Trouvé Koué, surnommé « l’insulteur public » et proche du pouvoir, s’en prend régulièrement aux voix dissidentes. En 2022, , il a même attaqué verbalement maître Arlette Sombo-Dibelé, une avocate de la société civile sur les réseaux sociaux, l’insultant sans retenue. Ces agressions verbales, protégées par le régime, contrastent avec le sort réservé à ceux qui critiquent : pour eux, c’est la prison ou le silence forcé.

 

Des prisons pleines de citoyens ordinaires

 

Les prisons du camp de Roux et Ngaragba débordent des citoyens centrafricains. Beaucoup de détenus sont des citoyens simples, arrêtés sans raison précise. On les accuse vaguement de « tentative de coup d’État», mais souvent, il s’agit d’un prétexte pour les intimider et leur extorquer de l’argent. Une fois en cellule, on leur promet la liberté contre paiement,  une pratique courante qui transforme la justice en machine à racket. Quelle liberté ? Quel droit fondamental ? . Pendant ce temps, les manifestations pro-Touadéra, comme celle de mars 2025, se déroulent sans entrave, avec des participants payés pour défiler.

 

Une loi au service des puissants

 

La Constitution, mise en avant le 7 avril sur Radio Centrafrique, garantit le droit de manifester. Mais dans la pratique, elle ne s’applique qu’à ceux qui soutiennent le pouvoir. Almadina ignore la loi sur les cartes d’identité, le monopole illégal du carburant par une société camerounaise perdure, et les abus s’accumulent sans sanction. Le rapport de la société civile de 2024 sur cette mafia a valu à ses auteurs des menaces de mort, pas des enquêtes. Pour le régime, les limites à l’expression ne concernent que ses adversaires,  les autres ont carte blanche.

 

Un équilibre ?

 

En autorisant la marche du BRDC après avoir tenté de l’interdire, Touadéra joue un jeu ambigu : il se donne une image de démocrate tout en laissant ses soutiens menacer en coulisses. Mais cette stratégie a ses limites. Les Centrafricains voient clair dans ce double langage : la propagande radiophonique ne remplace ni l’eau ni l’électricité, et les prisons pleines de citoyens ordinaires parlent plus fort que les micros. Si le pouvoir persiste à étouffer les voix sous des prétextes légaux, il risque de pousser la colère au point de rupture. La loi, ici, n’est qu’un outil au service d’un homme, pas d’un peuple….

 

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