Étranglées par les barrières illégales des FACA  et des routes impraticables, L’Ouham-Pendé et le Lim-Pendé sombre dans le chaos

Étranglées par les barrières illégales des FACA  et des routes impraticables, L’Ouham-Pendé et le Lim-Pendé sombre dans le chaos

 

Un homme se tient sur une route en terre dégradée entre Mann et Bang, utilisée quotidiennement par les commerçants malgré son état alarmant.
L’état déplorable de la route entre Mann et Bang met en danger les activités commerciales quotidiennes des habitants. CopyrightCNC

 

Les populations de l’Ouham-Pendé et du Lim-Pendé vivent un véritable cauchemar. Les axes routiers reliant Bocaranga, Mann et Bang aux frontières du Cameroun et du Tchad, essentiels pour l’approvisionnement de la région, sont devenus un parcours infernal pour les usagers. L’état déplorable des routes, couplé à la multiplication des barrières illégales érigées par les Forces armées centrafricaines (FACA), asphyxie l’économie locale et plonge les habitants dans une misère sans précédent.

 

Bangui, 04 septembre 2024.

Par la rédaction de Corbeau News Centrafrique.

 

Les Barrières illégales des FACA  et tous les dangers.

 

Le trajet de Bocaranga à Bang, long d’environ 65 kilomètres, s’apparente à une descente aux enfers. Dès la sortie de Bocaranga, les usagers doivent affronter une piste défoncée, parsemée de nids-de-poule géants et de bourbiers quasi infranchissables. “C’est la route du diable”, témoigne Alphonse , chauffeur de taxi-moto. “Nos engins tombent en panne à répétition. Beaucoup abandonnent leurs engins sur place, incapables d’avancer”.

 

À 25 kilomètres de Bocaranga, le village de Bézéré marque le début du calvaire des barrières. Deux checkpoints, à l’entrée et à la sortie du village, rançonnent sans pitié les transporteurs. “Ici, c’est la première étape de l’enfer”, soupire Jean-Paul, commerçant. “On peut passer des heures si on ne paie pas les ‘droits’ fixés par les FACA”.

Barrière de souffrance sur l’axe Ndim, à 5 km de Bocaranga, où les forces de l'ordre rackettent massivement la population. CopyrightCNC
La barrière de souffrance située à 5 km de Bocaranga, sur l’axe Ndim, où la population est régulièrement rackettée par les forces de l’ordre . CopyrightCNC

 

La galère se poursuit jusqu’à Mann, situé à 55 kilomètres de Bocaranga. Là encore, deux barrières attendent les usagers exténués. “C’est comme si on entrait dans une autre dimension”, raconte Marie, vendeuse au marché de Bocaranga. “Les soldats nous traitent comme du bétail. Ils fouillent nos marchandises, exigent des sommes astronomiques, sans aucune base légale”.

 

Bang, dernière étape avant les frontières, n’échappe pas à la règle. Deux nouveaux checkpoints achèvent de vider les poches des transporteurs. “Quand on arrive à Bang, on est déjà à genoux”, confie Pierre, chauffeur de camion. “Mais le pire reste à venir avec les barrières d’entrée et de sortie”.

Route dégradée et boueuse entre Mann et Bang en République centrafricaine
L’axe routier Mann-Bang, un parcours du combattant pour les usagers CopyrightCNC

 

Les Barrières illégales des FACA , un racket institutionnalisé.

 

Le passage de ces multiples barrières s’apparente à un véritable parcours du combattant financier. Les FACA imposent une kyrielle de taxes illégales, sans aucun fondement juridique. “Ils nous font payer une ‘taxe douanière’ alors qu’on s’est déjà acquitté des droits à la frontière”, s’insurge Gabriel, importateur. “Si on refuse, ils déchargent nos marchandises et les laissent pourrir au soleil ou sous la pluie. On n’a pas le choix”.

 

À cette “taxe douanière” s’ajoute une mystérieuse “formalité”, montant arbitraire exigé pour chaque véhicule ou moto. “Même si vous présentez vos papiers en règle, ils s’en moquent”, explique Honoré, chauffeur de camion. “Ils empochent d’abord l’argent, puis daignent jeter un œil à vos documents. Et si par malheur il manque quelque chose, c’est reparti pour un tour de taxes”.

 

Les montants extorqués atteignent des sommets vertigineux. Pour un simple trajet Bocaranga-Bang, un taxi-moto peut débourser jusqu’à 50 000 FCFA de “taxes”, soit plus que le double du solde des soldats eux-même. Les camions, eux, sont ponctionnés de plusieurs centaines de milliers de FCFA.

 

Une économie au bord du gouffre.

 

Les conséquences de ce racket systématique sur l’économie locale sont désastreuses. “Les prix ont triplé, voire quadruplé sur les marchés”, déplore Yvette, ménagère à Bocaranga. “Un sac de riz qui coûtait 25 000 FCFA il y a quelques mois atteint maintenant le double, voir le triple. Comment nourrir nos familles ?”

 

L’inflation galopante touche tous les produits de première nécessité. À Mann, le litre d’huile est passé de 1 000 à 3 500 FCFA. À Bang, un paquet de sucre se négocie à 2 000 FCFA contre 750 FCFA auparavant. “La population ne mange plus à sa faim”, constate avec amertume le père Antoine, curé de la paroisse de Bocaranga. “Certains en sont réduits à ‘manger du sel’, comme on dit ici. Cela signifie qu’ils n’ont plus rien à se mettre sous la dent.”

 

Le commerce transfrontalier, poumon économique de la région, est particulièrement affecté. “Avant, on faisait deux allers-retours par semaine vers le Cameroun ou le Tchad”, explique Moussa, grossiste à Paoua. “Maintenant, c’est à peine si on arrive à faire un voyage par mois. Les coûts sont devenus prohibitifs”.

 

L’inaction coupable des autorités.

 

Malgré les promesses répétées du gouvernement de démanteler ces barrières illégales, la situation ne s’améliore pas. Pire, l’état-major des FACA semble cautionner ces pratiques mafieuses. “Ils fixent des quotas mensuels aux soldats, qui leur reversent ensuite une partie du butin”, affirme sous couvert d’anonymat un officier basé à Bangui. “C’est un système bien rodé qui remonte jusqu’aux plus hauts gradés”.

 

Le président Faustin-Archange Touadéra avait pourtant signé un décret en 2019 interdisant les barrières illégales. En janvier 2023, le Premier ministre Félix Moloua avait même lancé une opération de démantèlement. “Mais quelques jours plus tard, toutes ces barrières étaient de retour”, soupire André L., membre d’une association locale de défense des droits humains. “C’est comme si le pouvoir central se moquait de nous.”

 

L’inaction des autorités laisse la population démunie face à ce racket institutionnalisé. “On a l’impression d’être abandonnés”, se désole Émilie F., enseignante à Mann. “Personne à Bangui ne semble se soucier de notre sort. Nous sommes devenus des citoyens de seconde zone.”

 

Un avenir incertain.

 

Entre routes impraticables et racket généralisé, l’Ouham-Pendé et le Lim-Pendé s’enfoncent dans une spirale de pauvreté dont il sera difficile de sortir. “Si rien n’est fait rapidement, c’est toute l’économie de la région qui va s’effondrer”, alerte Joseph N., président de la chambre de commerce de Bocaranga. “Déjà, de nombreux commerçants mettent la clé sous la porte, incapables de supporter ces coûts exorbitants.”

 

La situation pourrait même dégénérer en crise humanitaire. “On observe une recrudescence de la malnutrition infantile”, s’inquiète le Dr. Sylvie M., responsable du centre de santé de Bang. “Les familles n’ont plus les moyens d’acheter une alimentation équilibrée pour leurs enfants. C’est une bombe à retardement sanitaire.”

 

Face à ce sombre tableau, la population de l’Ouham-Pendé et du Lim-Pendé en appelle à une réaction urgente des autorités nationales et internationales. “Il faut que le gouvernement prenne enfin ses responsabilités”, martèle Paul G., leader communautaire à Mann. “Qu’il remette en état nos routes et mette fin à ce racket institutionnalisé. Sinon, c’est toute une région qui va mourir à petit feu.”

 

L’avenir de l’Ouham-Pendé et du Lim-Pendé se joue aujourd’hui sur ces routes délabrées et ces barrières de la honte. Il est grand temps que le pouvoir central ouvre les yeux sur cette situation explosive avant qu’il ne soit trop tard.

 

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