De leader à assisté : Comment la RCA a perdu son rang en Afrique centrale…

Quand le “cœur de l’Afrique” devient son maillon faible…
Par la rédaction de Corbeau News Centrafrique, CNC.
“Le Tchad qui nous forme aujourd’hui était notre élève hier.” Cette observation amère d’un ancien diplomate, rapportée par Élie OUEIFIO dans son ouvrage La RCA doit-elle toujours dépendre des autres ? (août 2024), résume la chute vertigineuse de la République centrafricaine dans la hiérarchie régionale. Comment un pays qui fut le phare de l’Afrique centrale, doté de la première université de la sous-région et d’une flotte aérienne enviée, en est-il arrivé à dépendre de l’assistance de ses anciens disciples ?
Le temps des pionniers (1960-1974)…
Une influence régionale incontestée
Dans les premières décennies suivant son indépendance, la République centrafricaine (RCA) rayonnait comme un modèle pour ses voisins. Bangui, sa capitale, était bien plus qu’un simple centre administratif : elle incarnait un véritable pôle d’excellence intellectuelle et économique en Afrique centrale. La RCA abritait la première université de la sous-région, un établissement prestigieux qui attirait des étudiants du Tchad, du Congo, du Cameroun et au-delà. Ces jeunes esprits, formés dans les amphithéâtres de Bangui, voyaient en la RCA un symbole de modernité et de progrès. Les industries nationales, tournées vers l’exportation de produits agricoles et manufacturés, prospéraient, faisant de la RCA un acteur économique incontournable. Les services publics, de la santé à l’éducation, étaient organisés avec une rigueur qui inspirait les autres pays de la région. Les experts centrafricains, qu’il s’agisse d’ingénieurs, de médecins ou d’administrateurs, étaient sollicités pour leur savoir-faire, renforçant l’aura du pays. Comme le souligne un ancien recteur d’université cité par OUEIFIO, “Bangui était la capitale intellectuelle de la sous-région. Les étudiants tchadiens, congolais et même camerounais rêvaient d’étudier chez nous”. Cette période glorieuse a forgé la réputation de la RCA comme leader naturel, un pays qui semblait destiné à guider l’Afrique centrale vers un avenir prometteur.
Le renversement des rôles…
L’inversion spectaculaire des positions
En l’espace de quelques décennies, la RCA a vu son statut s’effondrer, cédant sa place à des voisins qu’elle surpassait autrefois. Le Tchad, jadis dépendant de l’expertise centrafricaine, s’est imposé comme une force militaire de premier plan, jouant un rôle clé dans la stabilisation régionale. Le Cameroun, quant à lui, s’est transformé en un géant économique, dont les infrastructures portuaires et les réseaux commerciaux dominent la sous-région. Le Congo-Brazzaville, grâce à ses ressources pétrolières, a consolidé sa position comme acteur incontournable, tandis que le Gabon s’est affirmé comme un leader diplomatique, influençant les grandes décisions régionales. Cette inversion des rôles est d’autant plus frappante qu’elle s’accompagne d’un regard nouveau porté sur la RCA. Un diplomate centrafricain, cité par OUEIFIO, résume cette déchéance : “En 1970, nos voisins nous enviaient. En 2024, ils nous plaignent. Certains nous considèrent même comme un danger pour leur stabilité”. Ce basculement reflète non seulement la montée en puissance des autres nations, mais aussi le déclin accéléré d’un pays qui a perdu les atouts qui faisaient sa grandeur.
Les manifestations de la dépendance…
Sur le plan sécuritaire
La souveraineté de la RCA est aujourd’hui profondément compromise par son incapacité à assurer sa propre sécurité. Le territoire national accueille des forces étrangères, notamment rwandaises et tchadiennes, qui jouent un rôle central dans la lutte contre les groupes armés et la stabilisation du pays. Les frontières, poreuses et mal contrôlées, laissent passer des flux illicites, des armes aux marchandises, sans que l’État centrafricain puisse y opposer une réponse efficace. Les forces armées nationales, affaiblies par des années de sous-financement et de désorganisation, peinent à protéger les citoyens et à maintenir l’ordre. Cette dépendance vis-à-vis des armées étrangères et des forces régionales, comme celles de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), illustre l’ampleur de la crise sécuritaire. La RCA, autrefois fière de son autonomie, se trouve aujourd’hui dans une position où elle doit s’en remettre à ses voisins pour garantir sa stabilité interne, une situation qui alimente un sentiment d’humiliation nationale.
Sur le plan économique
L’économie centrafricaine, jadis dynamique, est aujourd’hui exsangue, incapable de fonctionner sans le soutien de ses voisins. Le port de Douala, au Cameroun, est devenu une artère vitale pour la RCA, qui dépend de cette infrastructure pour ses importations et exportations. Les approvisionnements en biens essentiels, qu’il s’agisse de carburant, de denrées alimentaires ou de matériaux de construction, transitent presque exclusivement par le Cameroun, rendant la RCA vulnérable aux aléas économiques et politiques de son voisin. Les marchés régionaux, où les produits centrafricains trouvaient autrefois leur place, sont désormais dominés par des concurrents plus compétitifs. La position commerciale de la RCA s’est effondrée, ses industries locales peinant à rivaliser face à des économies mieux structurées. Cette dépendance économique, qui prive le pays de toute autonomie, a transformé la RCA en un acteur marginal dans le commerce régional, loin de l’époque où elle dictait les tendances.
L’impact sur la diplomatie régionale…
La perte d’influence
Sur la scène diplomatique, la RCA a vu son influence s’évanouir. Autrefois écoutée dans les instances régionales comme la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) ou la CEEAC, elle est aujourd’hui reléguée au second plan, sa voix rarement prise en compte dans les grandes décisions. Les dossiers majeurs, qu’il s’agisse de la sécurité régionale, des projets d’infrastructure ou des négociations commerciales, se règlent sans que la RCA n’ait un poids significatif. Cette marginalisation s’accompagne d’une image dégradée : le pays est souvent perçu comme le “mauvais élève” de la sous-région, incapable de respecter ses engagements ou de contribuer efficacement aux initiatives collectives. Cette perte de crédibilité a transformé la RCA en un acteur périphérique, loin du rôle de leader qu’elle jouait autrefois.
Les nouveaux rapports de force
Les relations entre la RCA et ses voisins sont désormais marquées par une inversion des influences. Les pays comme le Tchad, le Cameroun ou le Congo exercent une tutelle tacite sur Bangui, influençant ses choix politiques et économiques. Les ingérences étrangères, qu’elles prennent la forme de pressions diplomatiques ou d’interventions directes, sont devenues monnaie courante, souvent acceptées par un gouvernement centrafricain affaibli. Cette situation limite la souveraineté du pays, qui peine à prendre des décisions autonomes sans consulter ou obtenir l’aval de ses voisins. Les rapports de force, autrefois équilibrés, penchent aujourd’hui en faveur des autres nations, qui dictent les termes de la coopération régionale.
Les causes profondes…
Les erreurs stratégiques
La chute de la RCA trouve ses racines dans une série de choix politiques désastreux. Le pays a progressivement abandonné les projets d’intégration régionale qui auraient pu renforcer sa position au sein de la sous-région. Au lieu de cultiver des alliances solides avec ses voisins, il s’est replié sur lui-même, adoptant une posture diplomatique isolationniste. Les relations historiques avec des partenaires clés, comme le Tchad ou le Cameroun, ont été négligées, privant la RCA de soutiens précieux. La politique étrangère, marquée par une incohérence chronique, a oscillé entre des alliances éphémères et des prises de position maladroites, éloignant le pays des cercles de décision régionaux. Ces erreurs stratégiques ont affaibli la RCA, la rendant incapable de répondre aux défis d’un environnement régional en rapide évolution.
Les faiblesses structurelles
Au-delà des erreurs politiques, la RCA souffre de handicaps structurels profonds. L’instabilité politique, marquée par des coups d’État, des rebellions et des transitions chaotiques, a paralysé le pays, empêchant toute continuité dans les réformes. L’économie, autrefois portée par des secteurs comme l’agriculture et l’industrie, s’est effondrée sous le poids de la mauvaise gestion et des conflits. Les forces armées, jadis respectées, sont aujourd’hui désorganisées, mal équipées et incapables de faire face aux menaces internes et externes. L’administration publique, gangrénée par la corruption et l’inefficacité, peine à fournir les services de base à la population. Ces faiblesses, accumulées au fil des décennies, ont transformé la RCA en un État fragile, incapable de rivaliser avec ses voisins.
Les tentatives de redressement…
Les initiatives avortées
Au fil des ans, la RCA a tenté de se relever, mais ces efforts se sont souvent soldés par des échecs. Des projets de coopération régionale, comme des accords commerciaux ou des initiatives de sécurité collective, ont été lancés avec enthousiasme, mais rapidement abandonnés faute de suivi ou de ressources. Des engagements pris lors de sommets régionaux, tels que la contribution à des fonds communs ou la mise en œuvre de réformes, n’ont pas été respectés, ternissant davantage la crédibilité du pays. Les promesses de reconstruction, qu’il s’agisse de moderniser l’armée ou de relancer l’économie, sont restées lettre morte, faute de volonté politique ou de moyens. Ces opportunités manquées ont renforcé le sentiment que la RCA est incapable de sortir de sa spirale descendante.
Les obstacles persistants
Les efforts de redressement se heurtent à des obstacles de taille. Le manque de ressources financières limite la capacité du gouvernement à investir dans des secteurs clés comme l’éducation, la santé ou les infrastructures. L’absence d’une vision stratégique claire empêche le pays de définir des priorités et de mobiliser ses partenaires régionaux autour d’objectifs communs. L’instabilité chronique, alimentée par des conflits internes et des rivalités politiques, compromet toute tentative de réforme à long terme. Enfin, la corruption, profondément enracinée dans les institutions, détourne les rares ressources disponibles, sapant la confiance des citoyens et des partenaires internationaux. Ces freins, cumulés, rendent le chemin du redressement particulièrement ardu.
Les solutions proposées par OUEIFIO…
Restauration de la crédibilité
Pour inverser la tendance, Élie OUEIFIO propose une série d’actions prioritaires visant à restaurer la crédibilité de la RCA. La stabilisation politique est une condition sine qua non : le pays doit mettre fin aux cycles de violence et instaurer un climat de confiance propice aux réformes. Le renforcement des institutions, notamment par une meilleure gouvernance et une justice indépendante, permettra de poser les bases d’un État fonctionnel. Sur le plan diplomatique, la RCA doit professionnaliser ses représentants, en formant des cadres capables de défendre ses intérêts avec compétence. Enfin, la reconstruction économique, à travers des investissements dans les secteurs productifs et la création d’emplois, est essentielle pour réduire la dépendance vis-à-vis des voisins. Ces mesures, bien que complexes, sont indispensables pour redonner à la RCA une place respectable sur la scène régionale.
Nouvelle stratégie régionale
OUEIFIO appelle également à une refonte complète de la stratégie régionale de la RCA. Le pays doit adopter une diplomatie active, en multipliant les initiatives pour renouer avec ses voisins et regagner leur confiance. Des partenariats équilibrés, basés sur des bénéfices mutuels, permettront à la RCA de s’intégrer pleinement dans les dynamiques régionales. Le lancement de projets structurants, comme des infrastructures transfrontalières ou des programmes de formation conjoints, renforcera les liens avec les autres pays. Enfin, une coopération renforcée au sein des organisations régionales, comme la CEMAC ou la CEEAC, offrira à la RCA des opportunités de se repositionner comme un acteur fiable et dynamique. Cette nouvelle approche, ambitieuse mais réaliste, pourrait marquer le début d’une renaissance régionale.
Le rôle des organisations régionales…
Opportunités à saisir
Les organisations régionales représentent un levier crucial pour le redressement de la RCA. La CEMAC, en tant que cadre d’intégration économique, offre des opportunités pour relancer le commerce et attirer des investissements. La CEEAC, axée sur la coopération politique et sécuritaire, peut aider la RCA à renforcer sa stabilité et à coordonner ses efforts avec ses voisins. Au niveau continental, l’Union africaine (UA) propose des programmes de soutien technique et financier qui pourraient appuyer les réformes nationales. Enfin, les initiatives sous-régionales, comme les projets d’infrastructures transfrontalières, constituent des opportunités concrètes pour reconnecter la RCA au dynamisme de la sous-région. En saisissant ces leviers, le pays pourrait progressivement retrouver une place active dans le concert régional.
Défis à relever
Cependant, l’intégration régionale ne sera pas sans obstacles. La RCA doit d’abord honorer ses contributions financières aux organisations comme la CEMAC et la CEEAC, un défi de taille compte tenu de ses contraintes budgétaires. Elle devra également respecter ses engagements, qu’il s’agisse de mettre en œuvre des accords ou de participer activement aux initiatives collectives. Restaurer l’image du pays, ternie par des années d’instabilité et d’inaction, nécessitera des efforts soutenus pour démontrer sa fiabilité. Enfin, reconstruire la confiance des partenaires régionaux, qui doutent de la capacité de la RCA à tenir ses promesses, sera un travail de longue haleine. Ces défis, bien que redoutables, sont incontournables pour que la RCA puisse tirer parti des opportunités offertes par les organisations régionales.
Retrouver sa place…
La reconstruction de l’influence régionale de la RCA repose sur plusieurs piliers fondamentaux. Une stabilité politique durable, garantissant la paix et la cohésion nationale, est la première étape pour rassurer les partenaires et les investisseurs. Une économie assainie, libérée de la corruption et soutenue par des réformes structurelles, permettra au pays de réduire sa dépendance économique. Une diplomatie professionnelle, portée par des représentants compétents et visionnaires, redonnera à la RCA une voix qui compte. Enfin, une vision stratégique claire, alignée sur les priorités nationales et régionales, guidera le pays vers un avenir plus prometteur. Comme le conclut OUEIFIO : “La RCA peut redevenir un acteur respecté en Afrique centrale. Non pas en cherchant à retrouver une gloire passée, mais en construisant une nouvelle légitimité basée sur la stabilité, la compétence et la fiabilité. C’est un chemin long, mais c’est le seul qui mène à une véritable renaissance nationale”….
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