Des policiers prennent systématiquement de l’argent aux citoyens surpris sans carte d’identité en train de voyager.
Jeudi, 7 août 2014, 9h10. Dans le car de l’agence Avenir de la Mezam, en partance pour Bamenda, une patrouille de policiers du commissariat de Mbouda fait descendre deux jeunes gens et une dame, accompagnée de ses trois petits enfants. Motif : défaut de présentation de la carte nationale d’identité. Le chauffeur se fâche. « A l’agence, c’est bien écrit qu’on achète les tickets avec la carte. Vous avez fait comment pour acheter les vôtres ? », questionne-t-il, visiblement pressé. Pendant que la mère d’enfants compte sur sa nombreuse progéniture pour se tirer d’affaire, les deux jeunes, un garçon de 17 ans et sa soeur de 16 ans, donnent sans sourciller un billet de 1000F à l’inspecteur de police.
Devant d’autres personnes retenues pour le même motif, il les relaxe. Une fois revenus dans le car, le chauffeur démarre. Et la femme ? « Elle ne veut pas payer. Quand ils te prennent, tu dois donner au moins 1000F, explique-t-il. Or elle compte sur ses enfants. Même si on la laisse maintenant, elle va perdre parce qu’elle va payer de nouveau le transport ». Fiers d’eux, les adolescents se réjouissent alors de leur bonne connaissance des méthodes de fonctionnement du pays. La même scène se répètera deux heures de temps plus tard sur la colline de Bambui, sur l’axe Bamenda – Ndop.
Prison spéciale
Pour entrer et sortir de la ville de Dschang, il faut montrer patte blanche. Deux contrôles fixes mixtes y opèrent. Si les éléments affectés au contrôle au lieudit Johnny Baleng sont plus ou moins polis, ceux de Foreke ne badinent pas. Ils ont d’ailleurs transformé un bâtiment de couleur jaune qui se trouve sur le rebord de leur poste de contrôle en prison.
Ceux qui n’ont pas de carte d’identité y sont enfermés. Le 31 juillet 2014, M.S., étudiante en master à l’Université de Dschang, s’est rendue dans son village à Nteingue, sous la falaise attenante de bonne heure, en oubliant de prendre ses pièces officielles. « Leur chef m’a dit que si je ne paie pas, ils vont me mettre en cellule. Or j’avais déjà appelé pour qu’on vienne me donner ma carte », témoigne-t-elle. Dans la pièce où ils l’ont enfermée, elle se retrouve avec trois autres personnes à qui on a exigé la même chose. « De temps à temps, ils ouvrent pour demander qui veut payer ».
Lorsque sa carte arrive, ils la confisquent et demandent 1000F de « frais de cellule ». Qu’elle a fini par payer avant d’être libérée. A divers postes de contrôle sur nos routes, de nombreux citoyens sont retenus chaque jour, pour n’avoir pas présenté la carte d’identité. De nombreux autres parce qu’ils traînent des récépissés qui datent de deux ans. Ne restent dans les mailles que ceux qui n’ont pas voulu négocier.
© Le Jour : F. K.