CENTRAFRIQUE : QU’EST-CE QUE LA NATION PEUT ATTENDRE DE LA RENCONTRE DE ROME ?
Bangui, le 17 juin 2017.
Par : Bernard Selemby Doudou, CNC.
Après le retour à l’ordre constitutionnel, le défi majeur des nouvelles autorités centrafricaines reste et demeure la sécurité. Ce volet est le levier du développement tout azimut, du vivre ensemble, de la justice et surtout du respect des droits de l’homme.
Au lendemain de l’investiture, les nouvelles autorités ont confondu vitesse et précipitation et ont piétiné les priorités du peuple centrafricain. Les actions, approches et méthodes mesurées du pouvoir n’aimantent pas grand monde, cultivent le rejet de leur politique et nuisent même à leur famille politique au point de museler le collectif de soutien qui n’ose plus s’afficher. En quinze mois de gouvernance, la Centrafrique a presque tout connu sauf le rétablissement de la sécurité. Un premier ministre qui refuse son limogeage et résiste à la démission, un gouvernement qui institue un bras de fer artificiel avec le parlement, un gouvernement qui s’évertue à malmener, traquer et espionner les opposants politiques et dérouler le tapis rouge aux groupes armés non conventionnels…bref, au final douze des seize préfectures sont contrôlés par des groupes armés non conventionnels.
La dernière vague de violence a montré les limites, l’échec du processus de paix mené par le gouvernement. Ainsi, une rencontre s’est tenue à Rome sur l’initiative de la communauté catholique Saint Egidio, spécialisée et réputée dans la médiation et la prévention des conflits. Cette rencontre de la dernière chance regroupe la quasi totalité des groupes armés non conventionnels disséminés sur l’ensemble du territoire national et une quarantaine de personnalités politiques. Ainsi, le citoyen lambda qui n’a pas effectué le déplacement de Rome se pose mille et une question : qu’est-ce que le pouvoir de Bangui peut attendre de cette énième rencontre ? La délégation centrafricaine est-elle représentative de leur structure respective ? Quel est l’ordre du jour des débats ? Pensez-vous que la solution à la crise centrafricaine se trouve à l’étranger et de surcroît à Rome siège de l’église catholique ? N’a t’on pas affirmé que la crise centrafricaine est confessionnelle ? La diplomatie du Vatican réussira t-elle là où le gouvernement a échoué ? Le voyage de sa sainteté en Centrafrique a aplani les sentiers et favorisé l’organisation des élections, réussira t-il à siffler la fin de la récréation ? Ce déplacement ne sera t-il pas un voyage touristique infructueux pour la cause centrafricaine ? Une telle rencontre initiée par l’église catholique au Congo démocratique ne s’est-elle pas enlisée ? Pour finir, une chance de sortie de crise est-elle encore possible ?
Tout compte fait, il est évident qu’une telle démarche abouti généralement à un accord politique assorti de la mise en place d’un gouvernement d’union nationale avec probablement la participation des groupes armés. Ainsi, se posèrent les questions de l’application, de la mise en œuvre ou du respect de l’accord et surtout la gestion des effets collatéraux de l’éventuel accord.
Un accord suppose une âpre négociation, un consensus, un compromis avec ou sans préalable. Sachant que les groupes armés non conventionnels ont commis des atrocités, des meurtres, des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité…qu’adviendrait la question de l’amnistie rejetée par population et la classe politique centrafricaine ? À propos de la loi d’amnistie, à quoi servirait la budgétivore cour pénale spéciale ? Rappelons que l’amnistie par définition est un acte législatif qui arrête les poursuites et annule les condamnations. Les bourreaux ne seront plus inquiétés et les victimes abandonnées à leur propre sort. Il faut noter que les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité sont des crimes imprescriptibles qui résistent même à une loi d’amnistie à l’instar du chef de guerre libérien Charles Taylor qui avait été poursuivi et condamné alors qu’entre temps il avait bénéficié d’une loi d’amnistie. Nos seigneurs de guerre ne sont pas bêtes et savent pertinemment que les crimes de guerre sont imprescriptibles, ce qui confirmera la complexité des débats. En guise de contribution, nous osons espérer que l’avenir de la Centrafrique se trouve en Centrafrique, entre Centrafricains et nulle part ailleurs. Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.
Paris le 16 juin 2017
Bernard SELEMBY DOUDOU
Juriste, Administrateur des Élections
Tel : 0666830062