CENTRAFRIQUE : PEUT-ON CONTRAINDRE UN CHEF D’ÉTAT STRATÉGIQUEMENT DÉFAILLANT À ASSURER LES DEVOIRS DE SA CHARGE CONFORMÉMENT À LA CONSTITUTION ?
Bangui, le 18 juin 2018.
Par : Bernard Selemby Doudou, CNC.
Le 30 mars 2016 fut un jour mémorable où tous les centrafricains, en symbiose avec eux même ont décidé de tourner la page sanglante de l’histoire nonobstant des cœurs qui ne cessent de saigner. Les stigmates des conflits armés étaient encore visibles mais l’espoir euphorique d’un peuple meurtri et la liesse populaire qui en résultait donnaient un chèque en blanc à un président inattendu mais démocratiquement élu selon les délibérations de la cour constitutionnelle. Au nom de la paix, des sacrifices ont été consentis par le candidat malheureux qui était pourtant en ballottage favorable au premier tour, les forces vives de la nation ainsi que les groupes armés non conventionnels. Généralement dans ces genres de circonstances, l’élu de la nation n’appartient plus à sa famille politique mais se doit d’être un président rassembleur avec un gouvernement d’union nationale qui sollicite les services et concours de toutes les compétences nationales en vue de la reconstruction durable du pays.
La première erreur commise par le président de la république est celle d’ignorer qu’il a hérité d’un État failli, agonisant et perfusé grâce aux différents concours de la communauté internationale. Fort de ce qui précède, un gouvernement de récompense ou de remerciement n’avait pas de droit de cité ainsi que l’option de négocier avec les groupes rebelles, la détérioration alarmante et à grande échelle de la situation humanitaire, l’entrée des groupes armés non conventionnels au gouvernement en violation des dispositions constitutionnelles etc… À ces multiples errements, s’ajoutent l’isolement provoqué dans la sous région d’Afrique centrale, Le bras de fer ou le défi proposé à l’ancienne puissance coloniale, enfin l’incompréhensible partenariat militaire russe qui sonne le glas de l’affront. Au sommet de l’Etat, on ne cesse d’enregistrer des stratégies qui ne prospèrent, de multiples violation de dispositions conventionnelles à l’instar du serment sans oublier le déni de sécuriser le pays. Très vite, le doute s’installe sur la capacité de notre célèbre mathématicien à gérer le pays, à endiguer la crise et surtout la volonté réelle d’assurer les devoirs de sa charge.
S’agissant du manque de volonté de changer d’orientation en cas d’échec, le citoyen lambda estomaqué s’interroge : Peut-on contraindre le président de la république de changer d’orientation politique ou de l’adapter à la réalité du terrain ? Dans l’affirmative, comment contraindre l’élu de la nation en panne d’inspiration de prendre ses responsabilités ? Existe t-il des moyens ou procédures démocratiques pour le contredire ou le contraindre à changer de cap ? A quoi servent l’opposition démocratique, la société civile, les parlementaires ainsi que les syndicats ? Dans le contexte centrafricain, la pression extérieure peut-elle influencer les orientations politiques nationales ?
L’isolement total provoqué par le pouvoir actuel n’aura t-il pas des interférences ou incidences sur notre quasi dépendance budgétaire à l’aide extérieure ? Par ailleurs, la grave pénurie du carburant est-elle encore la dérivée de manœuvres de pression et d’étouffement ou simplement d’une banale défaillance logistique ? Lors de la prestation de serment, le président de la république a promis prioritairement la sécurité. Par projection exponentielle, l’insécurité, la psychose et la caravane de la mort accompagneront-ils le quinquennat ?
Loin d’abdiquer, le président de la république doit se montrer tranchant et décisif en tirant les leçons qui s’imposent et de changer d’orientation politique car la défaillance stratégique se résume aux choix, méthodes non adaptés aux priorités du peuple. En guise propositions et en attendant la colère de la rue, le Président de la république doit mettre en place et de façon urgente un gouvernement d’union nationale dirigé par une charismatique personnalité issue de l’opposition démocratique avec un accent particulier sur le renouvellement de la génération au sein de la machine administrative. Enfin, le chef de l’Etat doit mener une nouvelle offensive diplomatique pour reconquérir la confiance perdue auprès des partenaires et cela dans le respect des précédents engagements paraphés conformément au principe de continuité de l’Etat.
Pour finir, une curieuse question ne cesse de nous brûler les lèvres…lors de la 21eme coupe du monde en Russie, le cœur du pouvoir centrafricain va battre pour la sélection russe ou pour le coq sportif ? Évidemment que nous ne pouvons répondre en lieu et place du pouvoir…mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.
Paris le 15 juin 2018. Bernard SELEMBY DOUDOU Juriste, Administrateur des élections. Tel : 0666830062