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Centrafrique : l’université de Bangui, discrète arrière-cour du pouvoir

 

Bangui, 2 janvier 2022 (Corbeaunews – Centrafrique ) – Depuis son élection en 2016  à la tête du pays, le président Faustin-Archange Touadéra a emmené dans son sillage de nombreuses personnalités issues de l’université de Bangui, un cercle d’initiés aujourd’hui au cœur du pouvoir.

 

Faculté de droit et de sciens juridique de l'Université de Bangui, le 22 mai 2020. PPhoto CNC / Anselme Mbata.
Faculté de droit et de sciens juridique de l’Université de Bangui, le 22 mai 2020. PPhoto CNC / Anselme Mbata.

 

Faustin-Archange Touadéra, docteur en mathématiques, spécialiste de systèmes hyperboliques non linéaires, auteur d’une thèse à l’université de Lille dans les années 1980, suit avec une extrême attention les dossiers de l’université de Bangui, dont il fut recteur entre 2004 et 2008. Le président, qui a un temps continué à dispenser des cours plusieurs mois après son investiture, et préside encore des soutenances de thèses, caresse ces dernières semaines le projet de rénover et moderniser de fond en comble l’université construite dans les années 1970 par Jean-Bedel Bokassa.

Symbole de l’attachement du président centrafricain pour l’institution, cette dernière est devenue l’un des principaux viviers de ministres de Touadéra. Depuis son élection en 2016, il a fait entrer au gouvernement plusieurs de ses proches, parmi lesquels de nombreux professeurs d’université qui ont côtoyé le président sur les bancs de l’université située sur l’avenue des Martyrs.

C’est notamment le cas de Jean-Laurent Syssa Magalé, ministre de l’Enseignement supérieur depuis août 2021. Cet enseignant en chimie, ancien recteur de l’université, permet au président de garder un œil attentif sur les dossiers de cette dernière.

Le ministre de l’Enseignement primaire et secondaire Nour Moukadas est, quant à lui, un ancien enseignant du département de sociologie. Tout comme Félix Mouloua, l’un des ministres les plus proches du président, en poste à l’économie depuis 2016.

Des universitaires anges gardiens du premier ministre

Deux autres universitaires jouent un rôle plus discret mais particulièrement central dans le dispositif présidentiel. Il s’agit d’Ernest Mada, ancien vice-doyen de la Faculté des sciences et Alain Lamessi, maître de conférences en psychologie. Les deux hommes sont respectivement directeurs de cabinet et directeur de cabinet adjoint du premier ministre Henri-Marie Dondra, à qui ils ont été imposés par la présidence.

Ainsi, lorsqu’un récent mouvement social des enseignants universitaire a entraîné un vigoureux bras de fer entre le premier ministre et le Syndicat national des enseignants supérieurs (Synaes) au début du mois de janvier, c’est Ernest Mada qui est resté en contact avec le secrétaire exécutif du syndicat, Eddy Wodé Palem.

Le Synaes exigeait notamment une revalorisation des salaires, l’intégration des enseignants dans la fonction publique et la nomination d’un nouveau recteur en remplacement de Syssa Magalé.

Sarandji au cœur du dispositif

La clé de voûte du “clan des universitaires” reste cependant Simplice Mathieu Sarandji. Le président de l’Assemblée nationale, deuxième figure de l’État, qui a le pouvoir de donner, ou non, son aval sur les contrats miniers, est également le secrétaire national du Mouvement des Cœurs Unis, le parti présidentiel, qu’il a été chargé de structurer au lendemain de l’élection de Touadéra. Au sein de la formation, les universitaires constituent ainsi un important foyer de militants.

Lui-même ancien doyen du Département de lettres et de sciences humaines, et auteur d’une thèse à Bordeaux III sur les Peuls mbororo, Sarandji est le principal “conseiller politique” de Touadéra. Lors de l’élection surprise de celui-ci, en 2016, Sarandji avait été nommé en toute hâte chef du gouvernement. Contrairement au président, l’ancien premier ministre a milité dans sa jeunesse dès le milieu des années 1970 au Mouvement pour la Libération du Peuple Centrafricain (MLPC). Le parti d’Ange Félix Patassé, créé illégalement sous Bockassa, formera par la suite de nombreux cadres dirigeants à l’instar de Martin Ziguélé.

C’est dans les amphithéâtres de l’université de Bangui que le chef de l’État centrafricain se liera pour la première fois avec Sarandji. L’université constituera même leur principal tremplin politique : quand Touadéra devint recteur en 2004, Sarandji est dans la foulée nommé secrétaire général de l’université. La visibilité qu’offre le poste à Touadéra permettra à ce dernier, bien que dépourvu d’expérience politique, d’être fait premier ministre par François Bozizé. En nommant un profil d’universitaire, l’ex-président centrafricain avait ainsi fait le choix d’une figure jugée consensuelle et ce alors qu’il affrontait une grève générale d’une grande ampleur. Preuve de la force des liens entre Touadéra et Sarandji, le premier avait directement nommé le second à la tête de son cabinet à la primature.

Ironie de l’histoire, c’est Karim Meckassoua qui avait à l’époque soufflé le nom de Touadéra à Bozizé pour prendre le poste de premier ministre. Trois ans plus tôt, alors qu’il était ministre de l’Education, c’est également lui qui l’avait nommé recteur de l’université de Bangui. Plus de quinze ans plus tard, Meckassoua est devenu l’un des principaux opposants de Touadéra, et vit actuellement en exil après avoir pris part à la rébellion de la Coalition des Patriotes pour le Changement de François Bozizé.

 

Par Africa intelligence

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