Après quelques mois de silence et d’exil, j’observais l’évolution de la crise centrafricaine et le plan de sortie de crise entamé par les autorités de transition et la communauté internationale qui se battent tant bien que mal aux yeux du monde pour un retour définitif de la paix en Centrafrique. Appelée « Suisse africaine » d’antan et reconnue par les pays amis pour son hospitalité légendaire ainsi que pays qui fait bon vivre au cœur du continent, la République centrafricaine vient de vivre l’un des graves drames humains du 21è siècle.
Il sera inutile de rappeler pour une énième fois aux uns et aux autres les crimes de guerre et crimes contre l’humanité, viols, pillages, tueries, assassinats et exactions de tout ordre commis par les rebelles à majorité musulmane depuis le 24 mars 2013 pour se saisir le pouvoir en Centrafrique, et également, ceux commis par les éléments d’une milice à majorité chrétienne à titre de vengeance. Beaucoup d’encre et salive ont coulé, et ce pays compté parmi les pays les plus pauvres de la planète alors qu’il regorge d’innombrables ressources du sol et sous-sol faisait la une des médias internationaux pour sa barbarie occasionnant abondamment des dégâts collatéraux et trop de pertes humaines. Cette génération des centrafricains qui n’a que le souci de la gâchette facile pour s’emparer du pouvoir et faire sa loi est caractérisée par son barbarisme non égalé et le cynisme. L’humanité qui n’est qu’une n’a pas de sens pour ces tueurs impitoyables qui circulent encore sans être inquiétés dans le territoire conquis où ailleurs.
En effet, on ne peut ignorer combien d’années d’indépendance le pays de « zokwèzo » (toute personne est un être humain) a fait depuis 1960 comme beaucoup d’autres pays francophones pour ne pas dire africains ayant arraché sa ¨souveraineté¨ sous le joug colonial puisqu’on est constitué en plusieurs blocs sur le continent. Plus d’un demi-siècle, ce charmant pays situé au cœur de l’Afrique a été piloté par une race des dirigeants prédateurs qui n’a pas pitié de son peuple. Balayer tous ceux qui se comportent en opposant sur son chemin, remplir sa poche et renflouer ses comptes bancaires dans les paradis fiscaux sont la première mission égocentrique de cette race d’hommes politiques centrafricains qui nous ont gouverné pendant 54 ans jusqu’à provoquer une guerre fratricide qu’on qualifie aveuglement aujourd’hui d’inter-communautaire et confessionnelle. Depuis 1960, la Centrafrique est numériquement à sa huitième république, contrairement à certains pays du continent en bonne santé économique ou plus moins qui ne sont qu’à leur deuxième ou troisième république. Huit chefs d’Etat ont eu à gouverner le pays sous des régimes présidentiel suite aux coups d’Etat, semi présidentiel, démocratique et régimes transitionnels. Ces pouvoiristes pour la plupart ont très mal terminé leur carrière politique sans rien léguer de valeurs morales et matérielles à la population centrafricaine qui malheureusement, a brillé par sa réputation en matière de culture de destruction à chaque changement brutal de régime. Ce qui lui fait perdre sa place sur les plans socio-économique et culturel dans la sous-région d’Afrique centrale au sein de la CEMAC et dans le concert des nations. Ne pas reconnaître ce qui a été fait à la fin des années 60 et dans les années 70 serait malhonnête de ma part.
Comme tout autre pays qui venait d’avoir son indépendance, la RCA avait l’ambition de nouer des relations avec les autres pays dits développés de la planète pour bénéficier des aides budgétaires afin de faciliter son décollage économique, assurer une bonne administration et l’éducation de ses futurs cadres. C’est dans ce contexte diplomatique et de coopération agissante que notre cher et beau pays à vocation agropastoral a réussi à l’autosuffisance alimentaire à une époque donnée et bénéficier de l’appui financier pour la création de l’unique université de Bangui, des écoles de formation professionnelle et entamerles travaux des bâtiments administratifs et bitumage de certaines routes de la capitale, lesquels sont déjà en piteux état, bel et bien détériorés…
Rien ne va plus en Centrafrique après la catastrophe. Les politiques ont fait noyer le navire centrafricain, enfonçant la population dans une misère qui ne dit pas son nom. Des va-t-en-guerre parlent en termes de partition. Mais l’heure est à la repentance pour pouvoir sauver la république centrafricaine et la conduire vers une « Centrafrique Emergente », sans toutefois oublier la lutte contre l’impunité qui rétablira une justice forte et un environnement sain d’investissement.Car, pour faire de la RCA un pays émergent, il nous faut des institutions fortes avec une nouvelle race d’hommes politiques forts et exemplaires. L’Humanité est une. Nul ne peut dire le contraire. ¨Si vous voulez que les autres aient confiance en vous, il faut que vous leur montriez que vous avez confiance en eux¨, a enseigné, celui qui reste le président africain le plus respecté et populaire au monde de son vivant, Nelson Mandela. Ce géant de l’histoire devrait être l’icône la plus utilisée pour les présidents africains s’ils veulent bien réussir à leur mission.Je l’avais évoqué dans un article publié dans le quotidien centrafricain Globe Le Visionnaire. Le président Nelson Mandela qui a vaincu l’apartheid et ne brigué qu’un seul mandat avant de passer le flambeau à son successeur Tabo Mbéki est un bel exemple à suivre en politique. « La paix ne se réalise que si celui ou celle qui veut la y croit de toute son âme », a-t-il déclaré et poursuivi que « Qui veut faire la paix doit savoir faire des compromis. Et accepter d’en faire. »
Signer un accord de cessez-le-feu entre nous les belligérants est un premier pas d’espoir mais il faut le respecter pour pouvoir aller vers la paix réelle. Alors, il est temps de penser à la population à qui on a causé du tort, se soucier de l’avenir des jeunes générations qui nous regardent dans une colère difficile à apaiser et, à la génération future.
Je terminerai mes propos en disant qu’il est temps qu’on change notre cœur. Changer notre cœur pour un avenir meilleur et une Centrafrique Emergente c’est de nous améliorer. Enterrer la hache de guerre et abandonner les vieilles habitudes qui ne nous grandissent pas. Nul n’est parfait sur cette terre et surtout que l’Humanité est une et que nous prions et adorons toutes et tous qu’un seul Dieu, créateur de l’univers, Dieu des chrétiens et des musulmans. Pendant plusieurs années, nous nous sommes haïs inutilement comme des bêtes féroces qui, très affamées, deviennent des chiens enragés. On s’est forgé des conflits internes à base de l’injustice sociale que nous-mêmes avons instaurée en refusant délibérément de ne pas respecter la Constitution de la République et les lois qui devraient faciliter le bon fonctionnement des institutions républicaines. Notre mentalité et comportement est en état de pourrissement. Améliorons-les en changeant notre cœur pour l’avenir meilleur du peuple centrafricain.
Pierre INZA