Pour les députés allemands, l’armée camerounaise est accusée de violations des droits de l’homme dans la crise anglophone. La Bundeswehr ne devrait pas s’engager selon eux dans une telle formation sans leur accord.
Appuyer une armée étrangère à travers la formation, oui mais pas une armée qui viole les droits de l’homme. Ainsi se résume la réaction des députés allemands. La mission au centre des critiques consiste en la formation d’une unité d’infanterie.
Dix officiers allemands sont actuellement déployés au Cameroun. Des groupes de cinquante gendarmes camerounais sont affectés à chacun d’eux pour être formés. Un nouveau module de formation devrait d’ailleurs en principe se tenir bientôt.
Exécutions sommaires
Or, le Cameroun est un pays en guerre contre le groupe armé islamiste Boko Haram d’une part et d’autre part, la crise liée aux revendications séparatistes dans les régions anglophones a connu une escalade avec des affrontements violents ayant déjà fait entre 1.500 et 1.850 morts selon les sources.
L’armée camerounaise est accusée d’être responsable d’un certain nombre d’exécutions sommaires. Au mois de juillet 2018, une vidéo montrant des militaires executer des femmes et leurs enfants avait suscité une vague d’émotions. Les officiels camerounais avaient d’abord parlé de “fake news” avant d’admettre par la suite que les faits étaient avérés.
Les élus allemands soutiennent qu’il aurait fallu un débat à l’Assemblée avant que les instructeurs soient envoyés sur un terrain jugé potentiellement dangereux pour eux. Les députés critiquent également le fait qu’ils aient appris l’existence de cette mission par hasard, par le biais d’un briefing entre un responsable de la Bundeswehr et la commission des Affaires étrangères du parlement.
Pour Stefan Liebich, chargé de la politique étrangère au sein du Groupe parlementaire de Gauche, “il est inconcevable que l’armée allemande aille en mission de formation dans un pays où règne une guerre civile.” Pour se justifier, le député cite des propos tenus par la Secrétaire d’Etat allemande Michelle Müntefering selon lesquels, il y aurait un “usage disproportionné de la force” par les services de sécurité camerounais.
Or, ce n’est pas la première fois qu’une telle mission est déployée. Il y a eu un précédent au Niger par exemple avec la mission dénommée “Gazelle”. Mais chaque fois, le gouvernement allemand balaie les critiques et explique qu’une telle mission n’a pas besoin de l’aval du parlement. Le seul fait que les officiers soient “munis de leur arme pour les cas de légitime défense ne change pas la nature de la mission”, explique-t-on à Berlin au sujet de la mission au Cameroun.
Un argument qui surprend Ulrich Delius. Le président de l’Association pour la défense des peuples menacés, une organisation de la société civile allemande, se demande “si cette mission au Cameroun a réellement été une décision du gouvernement fédéral ou si c’était une décision unilatérale du ministère de la Défense”.
Ulrich Delius soutient en tout cas que les réactions des députés sont légitimes. Une conséquence à tirer de cette affaire devrait être, selon lui, que le gouvernement allemand fasse plus d’efforts en faveur d’une solution politique à la crise au Cameroun.
“Envoyer seulement des soldats pour former d’autres soldats n’est pas une solution”, soutient le président de l’Association pour la défense des peuples menacés.
Avec DW