Bénin/Komi Koutché : Chronique d’un enlèvement manqué et d’un cambriolage hollywoodien

 

Après la bataille judiciaire de Madrid, Patrice Talon et ses sbires ont tenté d’enlever l’opposant Komi Koutché dans un pays de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Le président du Bénin a tenté de faire subir à l’ancien ministre d’État chargé de l’Économie, des Finances et des Programmes de Dénationalisation le même sort que subit actuellement Bertin Koovi en Guinée Équatoriale. Explications.

 

On pouvait penser qu’après le procès de Madrid et l’ampleur avec laquelle l’image du Bénin a été discréditée sur le plan international, la sagesse et l’appel à l’apaisement, qui finalement se révèlent comme des jeux de façade, pouvaient amener à changer de cap. Or, c’était sans compter sur la volonté de nuire de Patrice Talon et de ses agents zélés grassement entretenus pour commettre des forfaits.

Alors qu’il était encore dans les liens de certaines procédures administratives avec le Royaume d’Espagne, malgré le verdict sans appel rendu en sa faveur par la justice espagnole, les avocats de Komi Koutché ont pu lui obtenir une autorisation de quelques jours pour visiter sa famille. Des proches qu’il a dû déplacer dans un autre pays compte tenu de menaces graves qui pesaient sur l’intégrité de sa femme et de ses enfants.

 

Lors de ce trajet, alors qu’il était en transit d’une journée dans un pays de la CEDEAO, d’où les possibilités de vol ne lui permettaient de continuer que le lendemain, il a fortuitement rencontré des connaissances venant du Bénin, dont un ancien collaborateur. Ce dernier a aussitôt alerté Cotonou.

Et dès le lendemain, un peu comme si voir Komi Koutché libre et en mouvement est un crime, la police béninoise envoie l’un des mandats d’arrêt ayant fait l’objet de procès à Madrid pour demander son interpellation. Une action illégale, au mépris de toutes les règles déontologiques et au nom d’une supposée coopération policière au sein de la CEDEAO, et ceci, malgré les mesures conservatoires déjà prises par Interpol.

 

Il s’agit du mandat de régularisation du 27 décembre 2018 supposé décerné contre Komi Koutché pour n’avoir pas répondu à une convocation le 18 décembre 2018 alors même que les autorités savaient bien qu’il était déjà détenu à Madrid depuis le 14 décembre 2018 à leur demande sur la base d’un autre mandat d’arrêt invalidé par la justice espagnole.

 

Fort heureusement les fonctionnaires de police ne sont pas tous pareils. La police de ce pays d’Afrique de l’Ouest, avec l’aval de ses autorités compétentes, a opposé une fin de non-recevoir en donnant un cours magistral en matière de coopération policière à ceux qui ont émis un tel mandat.

 

Comme si cela ne suffisait pas, sachant qu’aucune disposition légale ne permet d’annuler le passeport ordinaire d’un citoyen, comme l’ont prétendu les autorités béninoises en août

2018, elles ont notifié à Interpol que Komi Koutché a perdu son passeport. Ce qui fait inscrire le passeport pourtant bien en possession de son titulaire, comme document de voyage perdu et recherché. Visiblement, la guérilla contre l’opposant Komi Koutché permet de découvrir toutes les formes de maladresses et de mauvaise foi d’un pouvoir en déliquescence.

 

 Cambriolage pas comme les autres…

 

Le vendredi 31 Mai 2019, des individus se sont introduits dans la résidence de Komi Koutché à Atokolibé, un village de la commune de Bantè, dans le Département des Collines, au Bénin.

Les faits ont eu lieu entre 2 heures et 3 heures du matin. Ils étaient au nombre de 14 malfaiteurs à faire irruption dans la maison. Venus d’un pays de la CEDEAO, selon les propres aveux de deux d’entre eux interpellés par la population, ils ont agi comme dans un scénario inédit au cinéma. Ils ont maîtrisé tous ceux qui y dormaient. De la mère de l’opposant Komi Koutché aux vigiles en passant par des enfants et d’autres membres de la famille, tous ont été ligotés et agressés. Leurs yeux ont été camouflés et les bouches bandées pour les empêcher d’appeler au secours.

Si la mère du ministre d’Etat Komi Koutché et les autres membres de sa famille présents n’ont pas été assassinés, ils n’en restent pas moins traumatisés psychologiquement par ce “home-jacking”. Tout est allé très vite. Ils ont vécu l’enfer. C’était dingue. De la pure torture.

Après, le gang est passé à la fouille du domicile, pièce par pièce. Ils n’ont rien laissé au passage.

La vigilance de la population a permis de mettre la main sur deux d’entre eux. A en croire leurs confidences, en langue Yoruba, enregistrées, l’opération a été commanditée et ils sont prêts à collaborer, afin de livrer les noms des véritables commanditaires.

Il s’agit d’un cambriolage d’autant plus traumatisant qu’il fait suite aux nombreuses persécutions politiques de l’opposant Komi Koutché en particulier et de toutes les figures majeures de l’opposition en général, contraints à l’exil, jetés en prison et poussés dans la clandestinité.

                                      

Lucien  Deviton